ANALYSES

Derrière l’accord entre les Émirats arabes unis et Israël, « l’Iran est omniprésent »

Presse
14 août 2020
L’accord de normalisation signé entre les Émirats Arabes Unis et Israël constitue-t-il une surprise ?

« Le moment de son officialisation est une surprise ! Des contacts approfondis existent depuis plusieurs années entre les Émirats Arabes Unis et Israël. Par ailleurs, les Émirats ne sont pas pour rien dans l’élaboration du plan de paix conduit par le gendre de Donald Trump, Jared Kushner. Il faut aussi replacer cette annonce dans les paramètres de la politique intérieure américaine et de la campagne électorale. Même si cet accord ne sera pas déterminant pour sa réélection, c’est un succès pour un président en difficulté. »

Les deux parties interprètent différemment l’accord sur les annexions israéliennes en territoire palestinien. Sont-elles stoppées ou reportées comme le dit Benjamin Netanyahu ?

« Le processus au quotidien continue mais ne s’est pas accéléré alors que l’annexion de la vallée du Jourdain était prévue au 1er juillet dans le plan Trump. Si une annexion massive venait à se produire, qu’adviendrait-il de cet accord ?

On a l’impression d’un jeu de dupes, même si les Émiratis ne le sont pas, d’un accord léonin où l’enjeu principal est ailleurs. Prétendre régler la question palestinienne sans les Palestiniens eux-mêmes, c’est quand même un peu fort de café. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, très affaibli, a aussitôt réagi pour rejeter cet accord. »

Quel est cet enjeu principal ?

« Derrière tout cela, l’Iran est omniprésent. Le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed, a beaucoup d’influence et est un des rares à posséder une vision stratégique pour la région du Golfe. Comme une bonne partie des dirigeants arabes, il estime qu’il faut régler rapidement la question palestinienne, que l’Iran et sa place dans la région sont le sujet essentiel. Et c’est un point commun avec Netanyahou et Donald Trump.

Seulement, il ne faut pas négliger les «opinions publiques» arabes, même si j’y mets des guillemets. En 2020, la «cause palestinienne» est toujours considérée comme une cause sacrée. Ce n’est donc pas un accord facile. »

L’Iran qualifie l’accord de « stupidité stratégique »…

« La situation iranienne est de plus en plus compliquée, sur les plans économique, sanitaire et stratégique. L’Iran est un grand pays. Son sort ne sera pas facile à régler. Mais il a quand même un genou à terre. »

D’autres pays arabes suivront-ils les Émirats après l’Égypte en 1979 et la Jordanie en 1994 ?

« Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane le suivrait volontiers mais son père, qui reste le roi, veut régler la question palestinienne de façon juste. Or l’accord ne me paraît pas suffisamment juste pour présenter un front arabe uni dans ses relations avec Israël. »

Cet accord est-il historique comme le clame Donald Trump ?

« Il n’est pas historique mais très important. Même si ce n’est pas un scoop, il peut codifier des modifications stratégiques et les rapports de force dans la région. Cet accord n’est peut-être pas définitivement gravé dans le marbre. On peut s’attendre à des soubresauts. »
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