21.11.2024
Jair Bolsonaro, un étonnant regain de popularité… Depuis son élection il n’a jamais été aussi haut dans les sondages
Presse
1 septembre 2020
La barre des 100 000 morts a été dépassée en août. Effet collatéral de la pandémie, l’économie tourne au ralenti. La chute du PIB sera cette année importante, tout comme celle de l’emploi. La forêt amazonienne est en démantèlement continu et assumé. Le tout sur fond de poursuites judiciaires visant la famille du président. Un président qui avait fait de la lutte contre la corruption, son cheval de bataille électoral. Jair Bolsonaro semblait très logiquement en difficulté, tout comme son mentor nord-américain, Donald Trump, et pour les mêmes raisons. Leur négationnisme sanitaire, la priorité qu’ils ont donné à l’économie en dépit des circonstances, leur frivolité dans la gestion de l’État, leur style «gros bras», les condamnaient, pensait-on, à l’opprobre populaire.
Le diagnostic restait valide fin août, en ce qui concerne Donald Trump. Il est en revanche à coté de la plaque pour son clone brésilien. En dépit des circonstances, signalées supra, les enquêtes pré-électorales, de sympathie, et de gestion de la covid-19, lui sont favorables depuis un peu plus d’un mois. De quoi perdre son latin républicain. Mais qui parle latin républicain au Brésil? Pour qui Jair Bolsonaro est-il le plus exécrable des présidents de la démocratie brésilienne, rétablie en 1985? Qui sont ceux qui souhaitent sortir Jair Bolsonaro du palais de Planalto (le palais présidentiel)? Les sondages nous disent les catégories aisées et les noirs. 47% des catégories ayant un revenu 10 fois supérieur au salaire minimum, 47% des brésiliens titulaires d’un diplôme universitaire. De fait, la grande presse, il y a trois ans mobilisée contre Lula da Silva, Dilma Rousseff et le PT, n’a jamais été aussi critique avec Bolsonaro. Les juges, éléments constitutifs de ces couches privilégiées, multiplient les mises en examen et les condamnations de proches du président.
Mais les riches, au Brésil comme ailleurs, sont minoritaires. Ce qui revient à considérer une hypothèse inattendue : la captation du vote des plus démunis par Bolsonaro. Beaucoup dans la gauche brésilienne ont crié à la désinformation, après lecture du sondage. Mais les faits sont têtus. Depuis, chacun y va de son explication. Pour les différentes familles de gauche comme pour la droite civilisée et « pauliste », tenter d’inventer des contre-feux.
Le constat qui fait l’unanimité est celui de la reconnaissance des plus démunis à l’égard du président. Pour eux, manger passe avant la prévention de la covid-19. La dotation d’urgence de 600 reais (un peu plus de cent dollars) par famille, adoptée par le Parlement en mars, et distribuée par les services de l’État, aurait eu un impact décisif. Cette aide touche 66 millions de personnes, 126 millions en fait avec leurs proches. Et son montant est supérieur à celui de la « Bourse famille ». Situation paradoxale. Jair Bolsonaro y était opposé. Adoptée sur décision du Parlement elle fait aujourd’hui du chef de l’État le plus libéral et le moins social que le Brésil ait connu, celui qui aura réduit, pour l’instant, la pauvreté de la façon la plus radicale.
Cultivant son image de « Sauveur » de la nation, sur un mode religieux cultivé pendant sa campagne électorale, image consolidée par le soutien que lui apportent évangélistes pentecôtistes et catholiques charismatiques, il apparaît pour les récipiendaires de ces aides comme le Donateur effectif, Jésus distribuant les pains. Le taux de rejet de Bolsonaro a chuté de façon spectaculaire dans le Nord-Est, « pétiste » et terre des plus pauvres. Le rejet de Bolsonaro serait en effet passé de fin juin à la mi-août, dans cette région, de 52 % à 35 %. Et pour les plus pauvres, nationalement, de 44 % à 31 %.
Ce qui génère indignation et hauts-le-cœur à gauche. C’est grâce à la gauche que ces aides ont été bonifiées et adoptées par le Parlement brésilien, contre l’avis du président en mars dernier. Ce qui est vrai. Mais pose un autre problème, redoutable pour les responsables des formations progressistes. En dépit de «tweets» d’indignation envoyés aux quatre vents, de messages téléphoniques, le courant ne passe pas ou ne passe plus, ou mal, entre eux et la population démunie.
La tournée de Bolsonaro dans les fiefs de la gauche, le Nord-Est du pays, fin juillet, a été un succès. Cette région pauvre a été une grosse bénéficiaire des aides d’urgence. Aides de l’État, aides votées par députés et sénateurs de toutes obédiences. Mais aide finalement attribuée au sauveur présidentiel. Comme Saint-Georges, il a parcouru la région du Piauí sur un cheval, coiffé d’un chapeau de cangaçeiro (nom donné aux bandits des régions pauvres du Nord-Est, apparu au XIXème siècle).
Députés et sénateurs, il y a peu très remontés contre sa gestion du coronavirus, étaient prêts à voter sa destitution. Ils pratiquent aujourd’hui le silence approbateur. Jair Bolsonaro, en effet, en suspendant ses diatribes antiparlementaires, les a pris ces derniers temps dans le sens du poil. Il a courtisé avec succès le marais majoritaire, le groupe « Centrão ».
D’autres sondeurs (l’Institut Parana pour la revus Veja) ont essayé d’en tirer des leçons pour le rendez-vous électoral présidentiel de 2022. Évaluation à lire bien sûr avec précaution, dans la mesure où on ne connaît pas le nom de ceux qui se présenteront contre Jair Bolsonaro. Que ce soit contre l’ex-juge Sergio Moro (indépendant droite), contre João Doria, actuel gouverneur de Saint-Paul-parti PSDB (centre droit) ; Fernando Haddad, candidat du PT en 2018 ; Ciro Gomes, ex-gouverneur du Ceara-PDT (centre) ; Luciano Huck, indépendant de centre droit ou Luis Inacio Lula da Silva, PT ; Jair Bolsonaro l’emporterait dans tous les cas de figure.
Compte-tenu de la rentabilité électorale potentielle de l’aide d’urgence, Jair Bolsonaro, envisage de la prolonger sous forme de « Revenu Brésil ». Quitte à déroger à la loi bloquant la dépense publique pour vingt ans, adoptée sous la mandature de Michel Temer. À bon entendeur…