20.11.2024
Retrait des États-Unis de l’OMS : le choix de l’America first
Presse
8 juillet 2020
Donald Trump mène une politique guidée par la devise « America First ». Et pour être crédible, il faut que les actes suivent les paroles. Ce retrait est clairement un message adressé à la population américaine et notamment aux électeurs qui se rendront aux urnes en novembre prochain. Se désengager de l’OMS permet de faire une pierre deux coups : Trump se sépare à la fois d’un organisme qu’il ne juge pas utile car il dispose de son propre centre de contrôle des maladies et prévention, le CDC d’Atlanta (Centers for disease control and prévention) et fait plaisir à ses électeurs. Dans le même temps, il permet de désigner la Chine et l’OMS comme coupables et minimise sa responsabilité dans la gestion de la crise du Covid-19.
D’autres raisons – plus mineures – ont pesé dans la balance. Notamment la question de Taïwan. Les Américains n’ont pas apprécié que Taïwan ne puisse pas participer à une assemblée mondiale de Santé car ce petit État insulaire – qui dépend officiellement de la Chine – a en effet su juguler l’épidémie sur son territoire. Mais Pékin n’a pas autorisé sa présence en raison des différends politiques. À ces désaccords, s’ajoute une communication lente et opaque de l’institution mondiale durant la crise du Covid-19.
Tout cela a conduit à un départ précipité de Washington. Il n’est d’ailleurs pas prévu qu’un membre puisse quitter l’OMS dans les articles de sa Constitution, cela traduit l’optimisme de ses membres fondateurs ! On ne voyait pas comment on pouvait se retirer d’une organisation qui a pour but d’améliorer la santé de tous. Le retrait américain montre à quel point le jeu politique a aujourd’hui pris le dessus. Donald Trump envoie d’ailleurs dans le même temps à la communauté internationale le message que les États-Unis ne coopèrent plus sur ce sujet. Et c’est un vrai problème…
Quelles sont les conséquences financières pour l’Organisation mondiale de la Santé ?
Elles sont assez importantes. Avec une participation financière de 15 % du budget de l’OMS, soit 400 millions de dollars par an, les États-Unis sont le plus grand donateur de l’organisation basée à Genève. Cette perte va amener ses membres à revoir son modèle de financement. Elle a d’ailleurs déjà commencé à le faire face aux menaces réitérées de Donald Trump. L’OMS a ainsi appelé les pays qui n’avaient pas encore réglé leur participation à avancer leur financement. D’autres, comme la Chine, ont augmenté leur contribution volontaire. Elle va également devoir diversifier ses contributions en démarchant des investisseurs privés, avec tous les risques que cela représente.
Concrètement, l’amputation de ce budget porte un coup au programme de vaccination de la poliomyélite. En effet, chaque donateur se réserve le droit de soutenir les projets qui l’intéressent. Depuis 1988, les fonds américains financent en grande partie la campagne vaccinale d’éradication de la poliomyélite. On était aujourd’hui en passe d’en finir avec cette maladie contagieuse qui ne dispose pas de traitement. Il ne restait en effet que 33 cas déclarés l’année dernière dans le monde. En coupant les vivres à ce programme, on risque de voir l’émergence de nouveaux cas. La médecine estime que si on arrête la vaccination pro-active, on pourrait voir 200 000 nouveaux cas dans les 10 ans à venir. C’est aussi 30 années de travail qui s’envolent.
Mais le tableau n’est pas si sombre. En se retirant de l’OMS, les États-Unis ont tout de même annoncé qu’ils verseraient des fonds à des organismes qu’ils jugent plus pertinents comme le GAVI, l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation, qui contribue activement à une large vaccination dans le monde. En juin, les Américains ont d’ailleurs débloqué plus d’un milliard de dollars en faveur de cette organisation. On peut donc penser que l’intérêt américain pour la santé mondiale est toujours présent. Autre bonne nouvelle, le deuxième donateur de l’OMS est la fondation Bill et Melinda Gates, qui œuvre également dans la lutte contre la poliomyélite.
Ce retrait est surtout préjudiciable pour les Américains eux-mêmes. Dans l’urgence de la crise sanitaire de Covid-19, une partie des fonds alloués au programme de la polio ont été redirigés vers la gestion du coronavirus. Or les Américains sont exposés au premier plan par cette pandémie.
Reste que le retrait américain constitue une remise en question globale des financements qui ne sont pas pérennes. Son budget est d’ailleurs ridicule au regard de l’importance de la structure : ses dotations sont bien inférieures au budget des hôpitaux de Paris. Avec moins de 5 milliards, on demande à l’OMS de coordonner des campagnes de vaccination, d’éradication de certaines maladies, apporter des fonctions normatives sur des protocoles sanitaires, c’est insuffisant.
Peut-on craindre le retrait d’autres pays de l’organisation ?
C’est très possible. Par le jeu d’alliance politique, on ne peut pas écarter cette hypothèse. Jair Bolsonaro qui a suivi le même discours que Donald Trump depuis le début de la pandémie, pourrait à son tour retirer le Brésil de l’organisation. Mais pour l’heure, ce n’est pas d’actualité.
Quoi qu’il en soit, l’OMS n’échappera pas à une réforme de son fonctionnement. Elle est nécessaire, l’organisation date de 1945 ! Mais au fil de son histoire, après chaque crise sanitaire, – Sras, le H1N1, Ebola -, l’OMS a tout de même démontré qu’elle savait opérer des changements. Le retrait américain va également participer à la nécessité de cette remise en cause.
Malgré certains dysfonctionnements, l’OMS a prouvé l’importance de son rôle dans cette crise sanitaire. Chaque pays a beau avoir ses problèmes sanitaires, on ne peut venir à bout d’une pandémie comme celle du Covid, qu’avec une gestion mondiale. Les peurs et le repli national qui entraînent le rapatriement des entreprises pharmaceutiques, la volonté d’autonomie vis-à-vis du matériel, des médicaments, occultent l’aspect collaboratif de l’organisation. Or il serait dommage de se passer de ce multilatéralisme. La crise sanitaire du Covid-19 l’a largement prouvé.