17.12.2024
Covid-19, un agent révélateur
Presse
18 juin 2020
Le premier malade a été identifié à São Paulo au Brésil fin février. Depuis, l’explosion épidémique a touché tous les pays, en priorité dans les grandes villes mondialisées. Le Brésil, avec plus de 43 000 morts, est à présent le deuxième pays du monde par le nombre de décès. Ensuite, sur le continent, c’est le Mexique, avec plus de 17 000 morts, puis le Pérou, avec près de 7 000 morts, et le Chili, aux chiffres imprécis.
La pandémie commence à décliner ?
Non, pas du tout. Le Mexique considère que le plateau sera atteint dans la deuxième quinzaine de juillet. Au Brésil, dans le chaos sanitaire actuel, personne ne s’attend à une situation de plateau. Le Chili, qui n’avait pas adopté de mesures drastiques, vit aujourd’hui une progression rapide. En revanche, de plus petits pays, comme l’Uruguay ou le Costa Rica, qui n’ont pas de plateforme aérienne mondialisée, contrôlent la situation. Un seul des grands pays s’en sort, l’Argentine.
Que font les dirigeants pour la contrôler ?
Cela va d’un extrême à l’autre. L’Argentine a priorisé la défense de la vie et pris des mesures sévères de confinement qui pèsent sur son économie. Elles lui auront permis d’éviter la catastrophe : moins de 900 morts à ce jour. De l’autre côté, le Brésil assume avec un cynisme total qu’il faut sauver l’économie, coronavirus ou pas, au mépris des vies. Il y a aussi un entre-deux, avec des pays dont la situation sociale ne leur permet pas de mettre des millions de gens au chômage et qui prennent des demi-mesures. On en voit les conséquences au Chili ou au Mexique, où l’épidémie n’est absolument pas contrôlée. L’action du Pérou révèle les carences structurelles du pays, même si des mesures de confinement ont été prises. Une aide gouvernementale de 200 dollars par mois est versée aux gens sans couverture sociale ou revenu mensualisé. Problème, ils n’ont pas de comptes bancaires et font la queue devant les banques ou les services sociaux, ce qui revient à faciliter la constitution de foyers épidémiques. D’autre part, les plus pauvres n’ont pas de réfrigérateur et sortent sur les marchés, qui sont d’importants foyers de contamination. Conséquence, le système de santé est totalement débordé.
L’Amérique latine était déjà en ébullition avant la pandémie, quel en a été l’effet ?
C’est trop tôt pour le mesurer. Au Chili, il y a des émeutes de la faim, avec une reprise des manifestations aux conséquences électorales et politiques incertaines. Au Brésil, on soupçonne Bolsonaro, qui s’abstient de toute mesure forte, de vouloir créer le chaos. Avec le soutien des forces armées et des évangéliques, il pourrait profiter de la crise pour sortir du système démocratique.
Il y a aussi une récupération religieuse…
Au Mexique, le président Obrador s’est prétendu protégé par Jésus en brandissant des médailles religieuses, visant son électorat le plus crédule. En Bolivie, pourtant peu touchée avec 500 ou 600 décès, les opposants à Morales, qui ont pris le pouvoir après son exil forcé en novembre 2019, invoquent la pandémie pour repousser indéfiniment les élections. Au Chili, Sebastián Piñera a profité du confinement pour aller se faire prendre en photo sur la place d’Italie à Santiago, épicentre des manifestations de l’automne dernier. Et il y a aussi l’influence des églises pentecôtistes. Ce sont plus des entreprises religieuses que des églises traditionnelles. Elles ont besoin de l’argent de leurs fidèles, c’est pour cela qu’elles se sont opposées au confinement. Au Brésil, le gourou de l’Église universelle du royaume de Dieu a fait allusion à Satan, forcément derrière l’épidémie, et a appelé à venir en masse dans les églises pour prier, éloigner le démon… et verser des dons.
Quelles sont les conséquences économiques ?
Aux Nations unies, on estime que l’Amérique latine pourrait entrer dans une nouvelle décennie perdue avec des chutes de PIB extraordinaires et une montée de la pauvreté. La situation est d’autant plus préoccupante que les pays riches sont déjà centrés sur leurs problèmes. La Chine, premier partenaire du continent, a arrêté très tôt ses importations et les reprend doucement. L’Amérique latine a d’abord été touchée au portefeuille avant de l’être sanitairement.
Propos recueillis par Guillaume de Morant pour TC