18.11.2024
Pékin promeut la médecine traditionnelle chinoise de gré ou de force. Effet boomerang en vue ?
Presse
15 juin 2020
Rappelons tout d’abord ce qu’est la Traditional Chinese Medicine (TCM) – son appellation la plus courante dans le monde : elle regroupe une très vaste panoplie de moyens qui vont de l’utilisation d’une pharmacopée et de pratiques séculaires – comme l’acupuncture – à des exercices corporels basés sur le souffle dont certains comme le Qigong ont été proscrits car associé par le régime communiste à la secte du Falungong. Dans les faits, l’OMS reconnaît les apports que la médecine traditionnelle a pu avoir au niveau mondial, en matière de pharmacologie. Ainsi, l’attribution du prix Nobel de médecine en 2015 à la chercheuse en pharmacie chinoise Tu Youyou est un signe de l’intérêt que présente actuellement la pharmacopée chinoise. C’est une médecine avant tout préventive. Elle a toujours suscité des soupçons en Occident parce que son approche des patients et des maladies est diamétralement opposée à celle qui prévaut en Occident. Rééquilibrage des énergies et éléments de contexte sont les diagnostics généralement posés par la TCM. Bref, la particularité d’une pathologie ne se gère que par un traitement général. Une interdiction totale de ces pratiques serait mal venue car nous savons que ces pratiques soulagent considérablement la souffrance de certains malades. De là à dire que la TCM serait un recours au traitement de la Covid-19 par exemple ne repose pour le moment sur aucun fondement scientifique. Donc il faut savoir garder raison et employer la TCM d’une manière appropriée.
Sous la présidence de Xi Jinping, la Chine a fait la promotion de la médecine traditionnelle chinoise en tant qu’équivalent de la médecine « occidentale » fondée sur des preuves, dans le but d’accroître son pouvoir national. Qu’est-ce qui sépare encore la médecine chinoise de la médecine occidentale ?
C’est en fait beaucoup plus ancien que la présidence de Xi Jinping. Déjà à l’époque de Mao Zedong, la Chine communiste faisait la promotion de la TCM dans certains pays du Tiers Monde qu’elle convoitait comme en Afrique. Les rares voyages réalisés par des Occidentaux dans la Chine d’alors avaient pour programme immanquable la visite d’un hôpital où se pratiquait la TCM pour des accouchements sans douleur voire des anesthésies à l’aide de l’acupuncture. Cette pratique de la TCM permettait de réduire les coûts et de donner il est vrai une spécificité toute chinoise à ses pratiques médicales. Il s’agit aujourd’hui bien sûr de se positionner là encore face à l’Occident mais cela représente pour la Chine une manne financière considérable en termes de formation notamment. Nombre de candidats occidentaux à l’apprentissage de la TCM partent chaque année en Chine pour y recevoir une formation. Elle est synonyme comme on le dit en chinois de « yang sheng » (Nourrir sa vie) et permet un meilleur équilibre entre corps et esprit. La TCM se retrouve dans le domaine des soins diététiques notamment.
En 2019, le marché intérieur de la MTC valait environ 45 milliards de dollars, soit une augmentation de près de 10 % par rapport à l’année précédente. À l’avenir, à quelle évolution peut-on s’attendre de la part de la médecine traditionnelle chinoise ?
En réalité ce chiffre recouvre des utilisations très diverses de la TCM, d’où son succès commercial. Ainsi les industries des cosmétiques basées en Chine y ont recours de plus en plus massivement. Pourquoi ? Parce qu’une lotion type comme une crème pour les soins du visage est considérée comme un médicament. Le « slow food » – qui est tant à la mode en Occident – le devient aussi en Chine dans les milieux urbains et sophistiqués. Le bien manger, le bien boire sont considérés en soi comme des pratiques dont les vertus sont médicales. Les industriels tant dans le domaine des cosmétiques que de l’agroalimentaire l’ont parfaitement compris. Il n’est pas rare que des marques comme Inhoherb utilisent par exemple du thé ou du jujubier comme composants à leurs produits. La TCM est devenue un incontournable du « Chinese way of life ». Qu’il fasse des émules dans le reste du monde n’est pas en soi une mauvaise chose.