20.11.2024
Covid-19 : où en est la recherche médicale mondiale ?
Interview
12 juin 2020
Qu’en est-il de la situation sanitaire mondiale ? Peut-on considérer que le pic de contamination du Covid-19 est dépassé ?
La pandémie continue de progresser dans le monde. Nous sommes aujourd’hui à une moyenne de 110 000 nouveaux cas supplémentaires comptabilisés chaque jour. On peut aisément doubler ce chiffre, dans la mesure où tous les malades ne sont pas testés et que l’on observe environ 50 % des cas asymptomatiques (donc sous les radars). Les chiffres fluctuent au gré des vagues de contamination dans les différents pays, mais pour l’instant nous en sommes toujours à la première. Le pic ne semble donc pas être dépassé au niveau global.
Nous sommes actuellement sous le joug d’une pandémie, ce qui rend la situation particulière puisqu’il faut l’analyser au niveau local, bien sûr, mais aussi au niveau global. Or, une pandémie avance par à-coups dans les différentes régions du monde. Lorsque la première vague est terminée dans une région, elle se déplace dans une autre région et ainsi de suite, et pas forcément de manière synchronisée.
Cette constatation nous permet de dire qu’en Europe, et a fortiori en France, le pic de contamination est effectivement passé. Il a eu lieu mi-avril, mais ce n’est pas le cas du reste du monde et c’est la raison pour laquelle il faut rester vigilant. Aujourd’hui, l’Amérique du Nord amorce une lente décroissance, tout en restant assez proche de son pic de contamination. Il faut également prendre en compte les manifestations qui ont lieu actuellement dans les grandes villes américaines, où les mesures barrières ne sont plus qu’une lointaine intention. L’Amérique latine est en pleine phase ascendante de contamination, de même que la Russie, le Moyen-Orient et l’Afrique.
On parle beaucoup de « saisonnalité » du Covid-19 pour expliquer la diminution des nouveaux cas en Europe, mais aujourd’hui les deux tiers des nouveaux cas de contamination se font dans l’hémisphère Nord.
La recherche a bénéficié de nombreuses collaborations interétatiques pour lutter contre ce coronavirus. Sont-elles toujours d’actualité ? Et est-ce que la focalisation de la recherche sur le Covid-19 a ralenti celle sur d’autres maladies comme le SIDA ou encore Ebola ?
La recherche interétatique est toujours d’actualité, même si l’on se confronte aujourd’hui au principe de réalité et aux difficultés administratives. Les différences réglementaires et protocolaires ralentissent drastiquement ces collaborations. L’exemple le plus proche de nous est l’étude Discovery qui a le plus grand mal à inclure des patients hors de France. L’essai Solidarity de l’OMS, dont Discovery fait partie, a déjà enregistré 3 500 patients recrutés dans 35 pays différents.
Le focus sur le Covid-19 impacte le monde de la recherche à plusieurs niveaux. Certains laboratoires, à l’instar de toutes les autres activités, ont souffert du ralentissement imposé par le confinement : fermeture, manque de matériel, etc. D’autres ont vu une réorientation immédiate des équipes de recherches sur ce nouveau virus. Sur le moyen et le long termes, les financements ciblés qu’obtiennent certains laboratoires de recherche risquent également d’être impactés. La recherche risque effectivement de manquer de financement sur des thématiques moins « actuelles ». Cela pose déjà problème avec certaines maladies jugées « peu rentables » ou « trop confidentielles », telles que les maladies orphelines ou encore les maladies tropicales négligées.
L’OMS a annoncé reprendre les essais cliniques de l’hydroxychloroquine. Qu’en est-il du débat sur les traitements et futurs vaccins pour lutter contre le coronavirus ? Pourquoi un consensus semble-t-il si difficile à trouver ?
Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de consensus sur un possible traitement ou vaccin. En ce qui concerne le vaccin, une centaine de candidats au vaccin sont en cours d’évaluation à travers le globe, et cinq d’entre eux en sont à la phase de l’expérimentation humaine. En revanche, nous n’avons actuellement aucun traitement spécifique pour le Covid-19. Les industries pharmaceutiques tentent de réorienter des molécules déjà existantes. L’objectif est de gagner du temps, précieux, mais à ce jour et « in vivo », aucune d’entre elles n’a démontré une efficacité véritable. Pour faire consensus, il faut mener une étude avec une méthodologie irréprochable et obtenir des résultats reproductibles. Pour l’instant, cela n’a pas encore été le cas.
Dans la situation du Covid-19, nous avons un recul de six mois seulement. Six mois au cours desquels les connaissances sur la pathologie et le virus ont augmenté très rapidement. Les études ayant commencé début 2020 ne peuvent être confrontées à celles mises en œuvre au mois d’avril 2020, tout simplement parce que la description de la pathologie a évolué entre temps et qu’en matière de « patient inclus », on aurait donc des cohortes non comparables. C’est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Une étude qui veut avoir un impact doit rechercher la « puissance épidémiologique » suffisante ; un nombre important de patients doivent être inclus. Pour cela, il faut mobiliser énormément de centres hospitaliers et de personnes. Cela complique de fait la logistique. En situation usuelle, on prend le temps. Une étude se monte rarement – pour ne pas dire jamais – en quelques semaines. Aujourd’hui, on demande à la recherche des résultats immédiats. On commence à comprendre que cela ne pourra pas se faire…