18.11.2024
Et si Trump avait raison sur la Chine
Presse
8 avril 2020
La Chine était depuis longtemps l’obsession de l’administration américaine mais l’opinion considérait ce pays dans une évaluation encore assez distante. Désormais, l’irruption du Covid-19 dans la société américaine, définitivement associé à la Chine, a l’impact d’un Pearl Harbor. C’est un désastre. Des millions de jobs sont détruits. Et avec eux, l’incapacité d’accéder aux services de santé les plus élémentaires. Des populations entières – celles des grandes villes en particulier- vont être fauchées par la mort, et par centaines de milliers. Les Américains voudront un bouc-émissaire pour panser leurs blessures. Il est tout trouvé: c’est la Chine de Xi Jinping. Malgré toutes les difficultés structurelles à reconstruire l’économie sur un nouveau modèle (moins dépendant de la Chine bien sûr), il est un signe qui ne trompe pas: les Etats-Unis ont annoncé, il y a quelques jours seulement, un plan de 20 milliards de dollars pour le projet indopacifique, concurrent aux intérêts stratégiques chinois, au sud de la mer de Chine notamment. Nous allons entrer dans une logique beaucoup plus confrontationnelle. Elle profitera à Donald Trump qui alimentera de sa vindicte un long et ravageur « China bashing ». Cette confrontation pourrait avoir lieu tout d’abord autour de Taiwan. Depuis ces dernières semaines, le nombre de provocations de l’armée populaire de libération contre l’ile n’ont cessé d’augmenter. Des navires américains croisant au large du détroit sont très régulièrement intimidés par des navires chinois. Il y a fort à parier que ce théâtre du sud de la mer de Chine devienne l’un des premiers foyers de crise majeure opposant Washington à Pékin. Ce scénario est d’autant plus probable que Pékin va devoir revoir à la baisse l’ambition de son projet sur les nouvelles routes de la soie. La crise économique aidant, les choix stratégiques de Pékin vont être au repli sur la région de l’Asie et tout particulièrement l’Asie du Sud-Est où les Américains sont également présents ; les deux puissances rivales convoitant le passage de Malacca, véritable aorte du commerce mondial.
Donald Trump a souvent mis en garde contre l’hégémonie internationale chinoise et la nécessité de garde une certaine indépendance vis-à-vis de Pékin. N’est-ce pas l’une des leçons que l’on devrait tirer de la crise sanitaire actuelle ? Notamment, face à une Chine qui, tentant de faire oublier sa responsabilité dans la propagation de l’épidémie, se pose en sauveur ?
L’appréciation de la situation par Donald Trump n’a d’égal que sa versatilité et elle trahit surtout, comme le rappelait récemment le député européen Bernard Guetta, le fait que le Président américain est avant tout un parfait « crétin ». Au mépris de l’avis de ses experts, il a minimisé l’impact de cette crise. L’opinion américaine va être victime d’un tel désarroi qu’elle aura bien vite oublié l’incompétence de son Président qui n’aura de cesse que de dire « je vous l’avais bien dit: la Chine est notre ennemie… ». So what ? Bon tacticien – comme on le dit d’un agent d’assurance – Trump n’en est pas moins un piètre stratège. Au contraire, sans doute de Xi Jinping, élevé dans la pure tradition léniniste de la dissimulation et du maoïsme sacrificiel. L’un comme l’autre incarnent le rôle du sauveur comme le définissait jadis le politiste Raoul Girardet. Chacun jouera sa partition sur le mode tragique du rédempteur. Et nous Européens, au milieu de cette lutte sans merci à laquelle les deux géants vont se livrer, nous risquons d’être broyés entre l’enclume américaine et le marteau chinois. D’où la nécessité de dénoncer ce qui peut l’être encore et de préparer notre réarmement moral et économique. Les initiatives prises par Bruxelles, disons le haut et fort, sont de ce point de vue encourageantes.
Alors que les informations remontées par Taïwan à l’OMS on été ignorées par l’organisation internationale qui a préféré faire confiance à la Chine, même si ces informations étaient alors fausses, cette crise ne montre-t-elle pas également l’importance de conserver une certaine souveraineté face à ces organisations ? D’autres part, ne met-elle pas aussi en lumière la propagande à multi-échelle dont la Chine est à l’origine ?
J’ai été avec mon collègue et ami Emmanuel Veron l’un des tous premiers spécialistes de la Chine en France et en Europe à dénoncer par voie de presse le trucage et l’instrumentalisation du nombre de victimes du Covid-19 auxquels se livraient les dirigeants chinois. Nous avons été aussi les premiers avec notre confrère François Godement à dire que l’OCS et l’OACI que ces organisations étaient aux ordres de la Chine. Les conséquences sont tragiques y compris pour la France qui sur la base des données transmises par ces organisations n’ont pas fermé à temps les frontières ni confiné la population comme nous aurions du le faire beaucoup plus tôt.
Qu’est ce à dire ? Ces organisations doivent être soumises à une complète restructuration dans leur mode de fonctionnement en y établissant de réels contre-pouvoirs. Les démocraties occidentales doivent par ailleurs faire barrage à la Chine dont les représentants briguent un nombre croissant d’organisations internationales de ce type. Cette crise est révélatrice de dysfonctionnements globaux mais aussi, et j’insiste sur ce fait, sur la malformation de ceux qui ont la charge d’informer et tout particulièrement les journalistes. Très peu se sont interrogé sur le fait que le nombre de victimes en Italie dépassait celui de la Chine sans réagir sur l’authenticité des chiffres communiqués par l’Etat chinois. C’est un premier exemple. Pas une seule vedette cathodique du journal de 20 h sur France 2, deuxième exemple, n’est en mesure de prononcer correctement les noms propres chinois. Qu’est ce à dire ? Que ces gens ne travaillent pas comme ils le devraient : s’informer pour, en retour, informer et surtout être beaucoup moins naïfs sur les réalités du monde.