17.12.2024
Coronavirus : comment la Chine a embrouillé l’OMS (et l’Occident…)
Presse
15 avril 2020
Emmanuel Lincot : Tout d’abord les autorités chinoises ont forcé le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte, à se taire. La suite, nous la connaissons : menaces, intimidations et ostracisme puis réhabilitation à titre posthume de celui qui est devenu depuis lors un martyre. Il n’est pas le seul. Parmi les autres lanceurs d’alertes pour lesquels nous sommes sans nouvelles, il y a Chen Qiushi et Fang Bin qui tous ont bravé la censure et risquent, s’ils sont encore en vie, d’être accusés de subversion. Alors que le développement de l’épidémie connaissait à partir du début de janvier une brusque accélération, une communication de l’OMS annonçait, le 14 janvier : « les investigations préliminaires menées par les autorités chinoises n’ont trouvé aucun indice permettant d’affirmer qu’il y a une transmission possible d’homme à homme du coronavirus ». Six jours plus tard, un haut fonctionnaire chinois annonce le contraire. Mais il faudra attendre encore une semaine pour que le Directeur de l’OMS relaie publiquement l’information en déclarant l’état d’urgence sanitaire. Il sera déjà trop tard. Les départs du Nouvel an vont transformer le phénomène en pandémie mondiale. Action, réaction : considérant non sans raison que l’absence de représentant américain au sein de l’OMS depuis 2018 (son siège était resté vacant) avait facilité l’emprise de la Chine sur son Directeur, Donald Trump, début mars, a dit qu’il y mettrait fin en nommant un haut fonctionnaire. A suivre…
L’OMS s’est, par exemple, fiée à la Chine qui, au début de l’épidémie, assurait que le virus ne se transmettait pas d’homme à homme. Si ces informations sont bien évidemment fausses, comment expliquer que l’organisation internationale accordait tant de crédit aux données chinoises ? Comment expliquer qu’elle se soit fait si facilement « duper », et par extension que la Chine ait également réussi à duper la communauté internationale ?
Emmanuel Lincot : son Directeur, le Dr Tedros, est un Ethiopien. Or l’Ethiopie est l’une des principales voies d’accès pour le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie. Qu’il y ait eu collusion entre le Dr Tedros et le gouvernement chinois sera à démontrer. Nous payons en tout cas très cher aujourd’hui le manque de transparence de cette Organisation. Elle n’est pas la seule : l’OACI (l’Organisation de l’Aviation Civile) dont la Directrice, Fang Liu, est Chinoise n’a pas pris les mesures suffisantes et à temps (suspension des vols aériens et fermeture des aéroports) qui auraient contribué à juguler la pandémie. C’est sur la base de leurs recommandations respectives, et sans doute sous la pression de la Chine, que la France et les pays occidentaux ont été, comme vous le dites « dupés » et qu’ils n’ont pas su, dans leur impréparation, se protéger à temps. Les conséquences sont connues : des dizaines de milliers de morts et des millions de chômeurs. Première réflexion : établir des contre-pouvoirs au sein de ces organisations, et passer au crible les candidats qui en briguent la direction. Deuxième réflexion : demander à la Chine des réparations est peut-être voué à l’échec mais nous devons essayer. Par ailleurs, il y a une nécessité absolue à revoir notre système international. Le retour en France notamment à la puissance régalienne ne trompe pas. Plus de souveraineté, plus de protection et surtout la question que tout homme politique devrait se poser (est-ce que cela a du sens que d’avoir délocalisé des secteurs entiers de notre activité en Chine ou en Inde…) est enfin et plus que jamais d’actualité.
Dans le sens inverse, comment expliquer que la Chine ait autant de pouvoir de conviction au sein de l’OMS ? Comment expliquer qu’elle soit si écoutée alors que l’on sait que certaines informations transmises par Pékin relèvent de la propagande ou que le régime communiste ment sur ses chiffres, par exemple ?
Emmanuel Lincot : D’abord ne jamais oublier que les dirigeants chinois sont des communistes. Depuis, la fin de la guerre froide et la disparition de l’URSS, nous avons oublié qu’être communiste ne signifie pas nécessairement être un humaniste. Loin de là…Le communisme tel que le pratique Xi Jinping est hérité du léninisme et du stalinisme. Le mensonge, la dissimulation, la brutalité sont inhérents à cette culture politique. Les dirigeants occidentaux ont tendance à l’oublier. Nombre d’entre eux – c’est aussi vrai pour nos responsables d’entreprises – sont des sino-béats. Leur naïveté face aux dirigeants chinois est absolument déconcertante. Ils ont été élevés dans le culte du contrat et des bonnes manières. Pas les dirigeants chinois. Endoctrinés, patriotes, ils sont prêts à tout. Nous ne les changerons pas. Que pouvez-vous raisonnablement attendre d’un pays qui exporte son virus et qui, quelques semaines plus tard, propose la vente de masques à des pays sinistrés comme le nôtre ? Que pouvez-vous attendre d’un pays dont l’ambassadeur en France menace directement, explicitement les sinologues et les journalistes français ? Rien, naturellement. En revanche, nous devons rappeler sa dangerosité. Nous devons être vigilants, critiques à son encontre et ne pas avoir peur de dire que nos valeurs ne sont certainement pas celles des dirigeants chinois car nous sommes le monde libre !
Qu’est-ce que cela nous révèle des fragilités de l’OMS ? Outre la confiance démesurée qu’elle semble accorder à la Chine, l’OMS n’aurait-elle dû pas vérifier ces informations ? Comment expliquer qu’elle ait fait preuve de si peu de vigilance et ait autant tardé à agir ?
Emmanuel Lincot : C’est un tout. L’OMS, l’OACI mais aussi trois autres agences spécialisées de l’ONU (FAO, ONUDI, UIT) sur quinze ont désormais à leur tête des ressortissants chinois (soit trois de plus que n’importe quel autre pays), et sept Chinois y occupent des postes de Directeurs généraux adjoints, un chiffre également record. Désormais, la Chine semble en position de force pour imposer ses vues au sein des principales organisations internationales. Moyens de pressions, neutralisation de toutes critiques sur les droits de l’homme sont des moyens récurrents exercés par la Chine. A nous de nous mettre en ordre de marche pour faire barrage à cette emprise hégémonique.