25.11.2024
La réplique limitée de l’Iran n’exclut pas d’autres actions
Presse
8 janvier 2020
Ce n’est pas une guerre ouverte au sens conventionnel du terme. La grande nouveauté, c’est qu’il y a désormais une confrontation de plus en plus directe alors qu’elle passait auparavant par des « proxies », c’est-à-dire des groupes armés affiliés à l’Iran dans la région. Que ce soit pour les pétroliers endommagés ou l’attaque d’installations pétrolières stratégiques saoudiennes le 14 septembre, revendiquée officiellement par les rebelles houthis du Yémen, il est difficile de prouver qui était réellement à la manœuvre, même si beaucoup des regards se tournaient vers l’Iran. C’est la stratégie du « deniability », c’est-à-dire du déni plausible, qui permet de s’exonérer des responsabilités éventuelles. Avec l’assassinat de Soleimani par les États-Unis, puis la réponse iranienne par des tirs de missiles balistiques contre des bases militaires, on passe un seuil inédit : pour la première fois, il y a une revendication officielle de l’Iran.
L’Iran a ciblé des bases militaires irakiennes abritant des soldats américains. Quelle analyse peut-on tirer de ce choix ?
Il faut d’abord souligner qu’il s’agit d’une réponse proportionnée, comme l’a dit le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Sur le choix des cibles, il y a une valeur symbolique, puisque la grande base d’Aïn al-Assad est la seule base militaire en Irak où s’est rendu Donald Trump (en décembre 2018). Il l’avait qualifiée par la suite de base stratégique permettant de surveiller la région à 360 degrés, et tout particulièrement l’Iran. Son vice-président, Mike Pence, s’était quant à lui rendu sur la base d’Erbil en novembre 2019, également ciblée par les frappes aériennes. Il y a donc une logique d’affichage, mais aussi la volonté d’envoyer un message de dissuasion, car c’est une manière de montrer que l’Iran est en mesure de frapper la quasi-totalité des bases américaines de la région, voire d’autres cibles, non militaires, en Israël par exemple.
Donald Trump s’est pour l’instant contenté d’un « tout va bien » sur Twitter. Cela signifie-t-il que l’heure d’une désescalade est venue ?
Il est peu probable qu’on en reste là. Les Iraniens ont fait le choix rationnel, pour répondre à l’assassinat de Soleimani, de ne pas entrer dans une logique d’escalade démesurée dans l’immédiat car ils ont pu mesurer que Donald Trump était capable de réactions imprévisibles. Pour le président américain, son tweet qui minimise les tirs de missile iraniens, indique qu’il n’a pas l’intention d’engager une guerre à grande échelle pour une réplique limitée.
Malgré tout, d’autres actions iraniennes sont tout à fait possibles, voire plausibles. Les Iraniens réagissent toujours à froid et ont l’habitude de prendre leur temps en pesant la situation. Là, il fallait que Téhéran réponde, au moins vis-à-vis de son opinion publique, mais la prochaine action risque cette fois-ci d’être une réponse « proportionnelle » plutôt que « proportionnée », c’est-à-dire qu’elle sera du même niveau que l’affront subi par l’Iran avec la perte de Soleimani. Le Conseil national de sécurité iranien s’est réuni mardi et a identifié treize scénarios différents pour venger sa mort et, clairement, les tirs de missiles ne constituent pas le scénario le plus important. Comme l’a dit le guide suprême mercredi matin, il s’agissait cette nuit d’une gifle, mais la « vengeance implacable viendra plus tard ». Or, Khamenei n’est pas du genre à parler à la légère.
Que pourrait faire l’Iran précisément ?
C’est difficile à dire. On ne peut pas exclure les hypothèses les plus redoutables, comme celle du ciblage éventuel de diplomates ou officiers américains dans la région, voire de hauts responsables américains. C’est une personnalité majeure qui a été éliminée par les Américains, donc les Iraniens chercheront peut-être à viser quelqu’un d’important. Ça ne se fera toutefois pas tout de suite, les Iraniens sont des gens patients.