Pourquoi la présidentielle complique la guerre commerciale sino-américaine
Donald Trump a feint hier de ne pas se soucier de la date d’entrée en vigueur des tarifs sur les importations chinoises, ce qui n’a pas manqué de faire chuter les marchés américains. Quelle est la chance d’arriver à un accord d’ici le 15 décembre ? Est-ce un coup de bluff de la part du président américain ?
Au fur et à mesure que la date du 15 décembre approche, la pression monte sur les négociateurs. Mais un accord semble peu probable, sinon sur des détails, sur lesquels Donald Trump ne manquera pas d’ailleurs d’autoproclamer sa victoire. En attendant, il affaiblit un peu plus jour après jour la position américaine. La difficulté à parvenir à un accord, sans doute sous-évaluée par l’administration Trump, traduit surtout le déséquilibre qui est celui de la relation commerciale entre les deux pays, et qui ne se traduit pas uniquement par une balance commerciale qui accentue un peu plus chaque jour le déficit américain. On note ainsi que l’économie chinoise, qui reste très dépendante du marché américain, s’est résolument tournée vers d’autres partenaires, et qu’ainsi la part des échanges avec les Etats-Unis est en baisse constante dans le commerce extérieur chinois. En d’autres termes, la dépendance s’est réduite et les guerres commerciales de Donald Trump ont été déclenchées trop tard pour qu’elles puissent avoir un impact décisif et contraignant pour Pékin. La Chine conserve l’avantage, et Trump en fait l’apprentissage, même si les uns comme les autres ont évidemment tout intérêt à réduire l’impact de ces tarifs douaniers.
Quelle influence les élections américaines de 2020 vont avoir sur la suite des relations sino-américaines ? Les démocrates peuvent-ils mettre une pression encore plus grande sur Donald Trump, qui pourrait aboutir à des conflits commerciaux encore plus importants en 2020 ?
Selon leurs sensibilités sur le sujet, il est évident que les candidats démocrates vont attaquer le bilan de Donald Trump sur les guerres commerciales, et en l’absence d’un accord ambitieux avec la Chine, ne manqueront pas de rappeler l’impasse dans laquelle les Etats-Unis se trouvent. Il convient cependant de noter qu’ils n’ont pas de solution pour réduire le déficit commercial américain, et les critiques porteront ainsi sans aucun doute sur les conséquences de ces guerres commerciales sur les alliés et partenaires de Washington plus que sur la relation commerciale sino-américaine. Pour ce qui est des « pressions », Trump a prouvé par le passé qu’il n’y est pas sensible, aussi il gardera quoi qu’il arrive et avec le soutien du Congrès la main sur ces sujets jusqu’à son départ de la Maison-Blanche, qu’elle qu’en soit la date. Après, c’est une toute autre histoire.
Mardi 3 décembre, Donald Trump a menacé la France de taxer certains produits importés à 100% suite à la mise en place de la taxe Gafa. Il aurait finalement joué l’apaisement en privé. La relation entre américains et européens est-elle en jeu dans le conflit avec la Chine ? Si les Etats-Unis trouvent un accord avec la Chine, quel sort sera réservé à l’Europe ?
L’Europe est très fortement affectée par les guerres commerciales de Washington, et les déclarations tonitruantes suivies de messages apaisants du président américain n’y changent rien. Les Etats-Unis n’ont pas digéré la taxe Gafa, comme s’il s’agissait d’un crime de lèse-majesté, au risque de provoquer des tensions aussi disproportionnées que déplacées. Taxer les produits de luxe et l’alimentation made in France est une réaction puérile et assez indigne de la part d’un pays allié et ami, une « insulte », dirait Trump… L’administration Trump n’a pas encore compris qu’au-delà de leur caractère totalement contre-productif, les guerres commerciales ont un impact très négatif sur l’image des Etats-Unis autant que sur le degré de confiance qui est accordé à ce pays. L’Union européenne a toutes les raisons de s’inquiéter de ces dérives qui affectent l’économie mondiale et semblent à contre-courant des multiples initiatives en faveur de l’établissement d’accords de libre-échange. En conséquence, c’est vers d’autres partenaires que les pays européens pourraient se tourner, et cela aurait un impact durable. On a vu depuis deux ans des pays comme le Japon et la Corée du Sud, autres alliés de Washington affectés par les guerres commerciales, privilégier de nouvelles collaborations pour en réduire l’impact. C’est toute l’architecture des échanges internationaux qui peut être modifiée en profondeur. Dans le cas d’un accord entre Washington et Pékin, il sera intéressant de voir dans quelle mesure cette stratégie américaine, résolument antichinoise mais aux dommages collatéraux multiples, se maintiendra ou non.