ANALYSES

Hongkong : « La Chine ne peut se permettre l’image un nouveau Tian’anmen »

Presse
19 novembre 2019
La mort d’un civil jeudi 15 novembre lors de violents affrontements avec la police a renforcé la colère des manifestants pro-démocratie et de l’opinion publique. Depuis deux jours la police fait le siège de PolyU où sont retranchés la plupart des étudiants manifestants. La situation présente-t-elle un risque d’escalade vers une intervention armée de la police contre les manifestants ?

Déjà très tendue depuis des semaines, la situation s’est considérablement durcie depuis quelques jours et ce décès aux origines troubles, les manifestants reprochant à la police de cacher la vérité et de ne pas communiquer les images.
Le mouvement est entré dans une radicalisation avec un retranchement dans plusieurs campus, et la volonté de couper des voies d’accès importantes avec la Chine. Les affrontements dans les universités, comme PolyU, témoignent de l’impasse du dialogue, et s’inscrivent dans la suite logique des frustrations exprimées par les pro-démocratie à l’égard de l’absence de mesures adoptées par l’exécutif hongkongais, qui reste sourd à leurs revendications et cherche à gagner du temps. Cette stratégie, que Carrie Lam a adoptée dès le début d’un mouvement qui la visait directement, est un échec, mais elle semble persister, sans doute par manque d’alternative.

Le pouvoir central à Pékin espère-t-il un embrasement pour faire de Hong-Kong un exemple vis-à-vis de la Chine continentale ?

Pas nécessairement. Le scénario idéal pour Pékin serait un épuisement progressif du mouvement, comme ce qui s’est produit avec celui des parapluies en 2014, et une opinion publique acquise à la cause d’un retour à l’ordre, et qui finit par se détourner des protestataires. C’est ce que Pékin a cherché à provoquer depuis des semaines, sans succès.

Un embrasement est en revanche problématique pour la Chine, qui ne peut se permettre d’offrir au monde et à sa propre population l’image d’un nouveau Tian’ Anmen. On a vu aussi, au cours des dernières semaines, la Chine s’efforcer de diffuser des images de violence perpétrées par les manifestants. Mais elles sont contrebalancées par les scènes de violence perpétrées par la police. C’est aussi et surtout une bataille des images qui se joue à Hong Kong, et si l’instrumentalisation de la violence peut être recherchée, un embrasement est très risqué pour Pékin, car il supposerait une réponse militaire, qui pourrait mobiliser encore plus les Hongkongais. L’émoi provoqué depuis hier par la participation «volontaire» de militaires chinois à des opérations de nettoyage des rues encombrées de débris nous rappelle que toute intervention militaire sera immédiatement perçue comme une atteinte à la démocratie et à la souveraineté de Hong Kong.

Comment trouver une issue pacifique au conflit ?

Sur les bases actuelles, il n’y en a pas. Les revendications des manifestations dépassent largement les mesures impopulaires adoptées par l’exécutif hongkongais, elles témoignent d’une crise profonde et d’une contestation de la légitimité de la Chine. Les pro-démocratie à Hong Kong se sentent trahis par Pékin, qui ne respecte pas la souveraineté politique de l’ancienne colonie britannique, en dépit des accords de rétrocession qui placent à 2047 une intégration définitive. De leur côté les dirigeants chinois estiment que cette période de cinquante ans, dont nous approchons de la moitié, doit se caractériser par une intégration progressive, y compris du système politique. Dans un tel décor, le dialogue semble impossible et, puisque la Chine ne cédera pas, les manifestants n’auront d’autre choix que de choisir à violence. Pékin peut tenter de faire quelques concessions, mais elles resteront sans doute insuffisantes.

Comment expliquer l’inaction de la communauté internationale face à ce conflit ? Plus largement, doit-elle s’impliquer ?

La communauté internationale, déjà impuissante en Syrie ou au Yémen, se montre totalement absente sur Hong Kong.

À part à Taïwan où les soutiens aux manifestants hongkongais sont très importants – tout ce qui peut faire du tort à Pékin étant pris comme un bonus à Taipei – et où la convergence des mouvements, de celui des tournesols aux manifestations d’aujourd’hui, est revendiquée, le reste du monde est silencieux. Emmanuel Macron a assuré avoir exprimé son inquiétude à Xi Jinping lors de sa visite en Chine, mais elle n’a eu aucun impact. Donald Trump ne s’intéresse pas à cette question, et l’ONU est de toute façon paralysée compte tenu de la place qu’y occupe la Chine. Doit-elle cependant s’impliquer? Oui, bien entendu, car ce qui se passe à Hong Kong est grave et inquiétant, à l’heure où la démocrate semble de plus en plus contestée. Il y a trente ans, les démocraties occidentales n’hésitèrent pas à adopter des mesures de rétorsion pour punir la Chine de ses abus place Tian Anmen. Mais aujourd’hui, le poids de la Chine et de son économie est tel qu’il paralyse la plupart des autres puissances quand elles n’ont pas tout simplement choisi, à l’instar des États-Unis, de démissionner.
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