17.12.2024
Sommet sur le climat : et après ?
Interview
25 septembre 2019
Le sommet sur le climat s’est tenu ce lundi 23 septembre à New York, pour échanger sur les évolutions climatiques et revenir sur l’Accord de Paris. Avec plus de cent trente États invités et seulement une soixantaine ayant répondu présent, quelles seront les retombées de ce sommet ? Le point de vue de Bastien Alex, chercheur à l’IRIS et responsable du programme Climat, énergie et sécurité et Julia Tasse, chercheuse à l’IRIS.
66 pays ont adhéré à l’objectif de neutralité carbone pour 2050, soit environ un tiers des États de la planète, quel peut en être l’impact concret ? Est-ce suffisant ?
Cet objectif de neutralité carbone est issu d’une demande explicite du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui s’est personnellement emparé du sujet climat avec l’organisation du Sommet d’Action climatique le 23 septembre 2019 au siège des Nations unies à New York. En demandant aux chefs d’État et de gouvernement de venir avec des engagements concrets, parmi lesquels la neutralité carbone à horizon 2050, il a donné des indications claires sur le niveau des ambitions attendues pour ce sommet, nécessaires pour tenir l’objectif des 1,5 °C. Lors de ce sommet, un tiers des États (dont une majorité de petits États à l’empreinte carbone relativement faible) se sont engagés à être neutres en carbone d’ici 2050 : c’est une dynamique très positive. Un tel engagement était impossible en 2015 au moment de la COP21, celui-ci paraissant alors trop contraignant. Le fait que l’on compte aujourd’hui, parmi eux, l’Union européenne ou encore l’Argentine, la Colombie et le Chili est porteur d’espoir, car de nombreux pays pourraient suivre le mouvement dans les mois à venir et rejoindre ce groupe d’ici la COP26, prévue fin 2020. Cependant, ce ne sera pas suffisant pour atteindre l’objectif de maintien de la température globale en dessous des 1,5 °C d’augmentation si les pays les plus émetteurs comme la Chine, l’Inde ou les États-Unis, ne s’alignent pas à leur tour. D’autre part, il y a un débat sur les implications de ce terme de neutralité carbone, car beaucoup de pays associent des pompes à carbone (soit naturelles comme la forêt ou l’océan, soit artificielles comme les systèmes de capture et de stockage du carbone) à leur feuille de route. Ces procédés leur permettent de continuer à émettre des gaz à effet de serre en parallèle, ce qui biaise en partie la notion de réduction d’émissions.
La Russie a signé lundi une résolution gouvernementale consacrant son adhésion définitive à l’accord de Paris sur le climat. Cela peut-il redynamiser celui-ci, dont certains pays, notamment en Europe centrale ou aux États-Unis semblent s’éloigner ?
La Russie a fait un pas important vers le reste de la communauté internationale mobilisée pour la lutte contre le changement climatique en adhérant à l’Accord de Paris. On peut cependant souligner que la Russie ne va pas ratifier cet accord, contrairement aux autres pays, car, selon ses représentants, la résolution gouvernementale signée par Dmitri Medvedev suffit à consacrer l’engagement russe. De plus, la Russie fait aujourd’hui partie des premiers émetteurs de gaz à effet de serre et sa contribution déterminée au niveau national dans le cadre de l’Accord de Paris est peu ambitieuse. Ce geste lui permet néanmoins de se positionner en opposition à Trump et à sa volonté de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris.
Concernant les pays d’Europe centrale, ils ont des réponses variées à l’Accord de Paris : si certains chefs d’État se rangent plutôt du côté des climato-sceptiques, d’autres réitèrent leur engagement. L’Ukraine fait ainsi partie des pays qui ont annoncé pendant le Climate Action Summit leur volonté de rehausser l’ambition de leur feuille de route dans le cadre de l’Accord de Paris. La Biélorussie également. Si cet engagement de la Russie est révélateur de l’intérêt géopolitique de se positionner du côté de ceux qui prennent des mesures pour le climat malgré une forte dépendance aux énergies fossiles, il n’aura sans doute aucune influence sur la position américaine, notamment en raison des élections présidentielles qui tiendront l’année prochaine.
Avec l’Assemblée générale des Nations unies ce mardi 24 septembre, dont l’un des thèmes principaux sera le climat, quels seront les prochains sommets et points de rendez-vous importants sur l’urgence climatique ? Les mobilisations citoyennes, dont celles des jeunes, sont-elles en mesure de faire accélérer le calendrier ?
Ce sommet s’inscrit dans la continuité de nombreux événements internationaux autour du climat : sur l’année 2019, on peut ainsi lister le One Planet Summit de Nairobi (mars 2019) ; le Forum Politique de haut niveau des Nations unies sur l’objectif de développement durable 13, qui porte sur le changement climatique (juillet 2019) ; les réunions préparatoires au sommet Action Climat et bien sûr la COP25 qui se tiendra au Chili du 2 au 13 décembre 2019. Ce sommet est particulier pour deux raisons : il est initié par le Secrétaire général des Nations unies qui s’est personnellement impliqué dans sa préparation et qui se veut être un point d’étape entre la COP21 (Paris, 2015) et la COP26 (Glasgow, 2020) au cours de laquelle les engagements de la COP21 seront mis à jour et/ou rehaussés. Le sommet de New York a certes été organisé pour réenclencher une dynamique d’engagements climatiques ambitieux, mais il faudra attendre la COP26, fin 2020 à Glasgow pour déterminer si les réévaluations des feuilles de route nationales seront à la hauteur.
Les mobilisations citoyennes ont atteint vendredi dernier un niveau record : plus de 4 millions de personnes ont participé à la grève pour le climat. Le changement climatique est devenu un sujet incontournable politiquement, sur lequel les gouvernements doivent de plus en plus se positionner. Ils se trouvent aujourd’hui tiraillés entre les revendications de la société civile et le système économique, basé sur une croissance constante pour répondre aux standards de qualité de vie. Les mobilisations citoyennes accélèrent effectivement le calendrier, car sans elles, tout porte à croire que les négociations climatiques auraient été plus lentes et moins ambitieuses. À ce titre, la mobilisation croissante d’une partie de la jeunesse joue un rôle moteur : on peut en effet faire le pari que, contrairement aux générations précédentes, leur vote sera guidé par ces considérations qui pèseront davantage à l’avenir.