ANALYSES

« Le thème du conflit avec les Palestiniens a été totalement marginalisé durant la campagne »

Presse
17 septembre 2019
Interview de Béligh Nabli - Les Echos
À quoi s’attendre à l’issue des législatives de mardi ?

Il est très difficile de prévoir un quelconque vainqueur. Ce qu’on sait c’est que Benyamin Nétanyahu a tenté d’inverser une tendance négative lors de la dernière ligne droite de la campagne. L’arrivée en tête de son parti nationaliste, le Likoud, est loin d’être acquise, loin s’en faut. De plus, même en cas de ‘victoire, la capacité de l’actuel Premier ministre à former un éventuel gouvernement n’est pas garantie non plus. Non seulement le soutien de partis religieux et d’extrême-droite risque de ne pas suffire, mais la rupture semble consommer avec Avigdor Liberman et son parti Beïtenou, avec qui Bibi Netanyahu a déjà noué des alliances par le passé. mais qui a pris ses distances sur la question de la laïcité, notamment des avantages dont bénéficient les Juifs orthodoxes avec l’exemption du service militaire. Une position qui participe du jeu politique de Liberman mais qui n’est pas totalement artificielle pour autant, car cela correspond aux convictions de son socle électoral russophone, fondamentalement distancié envers les pratiques religieuses. Faute de pouvoir s’appuyer sur Beïtenou, le Premier ministre est donc dans l’obligation de gagner plus largement qu’en avril dernier, où il avait en fait terminé quasiment ex aequo avec la formation de centre gauche ‘Blanc Blau’ de son rival, Benny Gantz. D’où une hypothèse à ne pas totalement exclure, à savoir celle d’une grande coalition gouvernementale allant du centre-gauche à la droite nationaliste et religieuse.

S’agit-il d’un référendum pour ou contre Bibi Netanyahu ?

La campagne s’est en effet focalisée sur la personne du Premier ministre, qui a lui-même mené une campagne agressive, en particulier à l’encontre des Arabes israéliens. Plus globalement, ce scrutin est marqué par une personnalisation des enjeux autour de la figure centrale de la vie politique israélienne depuis plus de deux dernières décennies, mais qui est menacé de poursuites judiciaires pour corruption. C’est son destin politique et judiciaire qui se joue lors de ces élections, alors même que le contexte géopolitique est sous haute tension (avec dernièrement l’attaque du principal site pétrolier saoudien, dont la responsabilité est attribuée par Washington à l’Iran) et que le thème du conflit avec les Palestiniens a été totalement marginalisé durant la campagne. Même Benny Gantz (dont l’absence de charisme contraste avec l’art de la provocation de Benjamin Netanyahu), qui est à la tête d’une coalition de centre gauche, n’a opposé aucun discours alternatif à la ligne sécuritaire du Premier ministre. Le clivage ne porte plus sur la question palestinienne, mais surtout sur les questions économiques et sociales.n.

Bibi Netanyahu pourra-t-il gouverner malgré l’épée de Damoclès judiciaire ?

Formellement, il n’est pas inculpé et encore moins condamné, donc rien ne l’empêche. Au contraire. Il faut se souvenir en effet qu’une grande part de la motivation de Netanyahu, quand il a convoqué des législatives anticipées au printemps dernier, était de pouvoir obtenir une majorité à la Knesset susceptible de voter une loi qui lui assurerait une certaine immunité durant l’exercice de ses fonctions…

Propos recueillis par Yves Bourdillon pour les Echos
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