ANALYSES

“L’Opep reste un acteur majeur du marché pétrolier”

Presse
15 septembre 2019
La politique de réduction de l’offre pétrolière engagée par l’Opep semble n’avoir qu’un impact limité sur la tendance générale des prix. Comment analysez-vous cette nouvelle donne ?

Francis Perrin : Impact limité, l’expression est parfaitement juste. Mais il faut souligner un point important. Si l’Opep et 10 pays non-Opep, soit au total 24 pays exportateurs de pétrole, n’avaient pas réduit leur production, les prix du brut seraient certainement plus bas, voire nettement plus bas. Le 13 septembre, en fin de journée à Londres, le prix du Brent de la mer du Nord était légèrement supérieur à 60 dollars par baril, ce qui n’est pas très élevé, mais les cours du pétrole ne se sont pas effondrés. Pour les pays exportateurs, c’est un acquis qu’il ne faut pas sous-estimer. Mais pourquoi l’impact de cette réduction de l’offre n’est-il que limité ? Il y a trois raisons clés : la hausse continue de la production pétrolière des États-Unis ; le ralentissement de la croissance économique mondiale ; et, aussi et surtout, les très fortes tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, qui sont les deux premières puissances économiques mondiales. Dans un tel contexte, les réductions de production sont indispensables pour défendre les intérêts des pays exportateurs.

L’Opep demeure-t-elle un acteur majeur à même de peser significativement à elle seule sur la conjoncture pétrolière ?

L’Opep reste un acteur majeur. Elle représente près du tiers de la production pétrolière mondiale, ce qui lui donne un poids incontestable. Cela ne signifie pas que l’Opep peut faire toute seule la pluie et le beau temps sur le marché pétrolier mondial, mais elle conserve une capacité d’influence significative. Bien sûr, cette influence peut être plus ou moins importante en fonction du contexte du marché pétrolier. De plus, l’organisation a eu l’intelligence de coopérer avec des pays non-membres, et ce partenariat avec 10 pays non-Opep dont la Russie dure maintenant depuis la fin 2016, ce qui est une première. Ces 24 pays représentent environ 50% de la production pétrolière mondiale.

Entre le boom du pétrole américain et les effets des litiges commerciaux internationaux, à quelle fourchette de cours pétroliers faudra-il s’attendre à court et moyen termes ?

Le point clé est la guerre commerciale sino-américaine. Elle plombe les prix du pétrole depuis plusieurs semaines et ce n’est pas terminé. Les traders sur les marchés pétroliers sont obsédés par l’impact négatif de ces tensions commerciales sur la croissance économique et sur la consommation pétrolière mondiales. Tant que Washington et Pékin ne se seront pas mis d’accord sur ces questions commerciales, il sera difficile pour l’Opep et ses alliés de faire décoller les prix du pétrole. Une fourchette entre 55 dollars et 65 dollars pour un baril est assez probable pour les mois qui viennent. Mais, si des affrontements militaires devaient se produire au Moyen-Orient autour de l’Iran, une flambée des cours serait possible. À l’inverse, si les tensions commerciales sino-américaines devaient dégénérer, les prix pourraient chuter. L’Opep devra rester très vigilante dans les semaines et les mois à venir.
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