18.11.2024
Les Îles Salomon rompent leurs relations avec Taïwan après la « diplomatie du dollar » chinoise
Tribune
19 septembre 2019
Le gouvernement des Îles Salomon a décidé de couper court à sa relation de longue date avec Taïwan, afin d’établir de nouvelles relations diplomatiques avec la Chine.
Cette décision est un coup de massue pour Taïwan, que Pékin considère toujours comme l’une de ses provinces. En effet, les Îles Salomon sont le sixième pays que l’État souverain de facto perd en tant qu’allié diplomatique depuis l’entrée en fonction de sa présidente, Mme Tsai Ing-wen. Depuis 2016, le Burkina Faso, la République dominicaine, Sao Tomé-et-Principe, le Panama et le Salvador ont tous graduellement décidé de changer d’allégeance pour la Chine.
Pour la Présidente Tsai, qui cherche à se faire réélire en janvier dans un contexte de tension croissante avec Pékin, ce transfert de reconnaissance diplomatique au profit de la Chine est regrettable : « Nous regrettons sincèrement et condamnons fermement la décision de leur gouvernement d’établir des relations diplomatiques avec la Chine ».
Suite à cela, le ministère des Affaires étrangères de Taïwan a publié sur son site internet : « Le gouvernement déclare la cessation des relations diplomatiques avec les Îles Salomon avec effet immédiat, la fin de tous les projets de coopération bilatéraux, ainsi que le rappel du personnel de son ambassade, de sa mission technique et de sa mission médicale en poste aux Îles Salomon ».
Désormais, Taïwan n’a plus que seize alliés.
Au fil des décennies, des dizaines de pays, y compris la France et la plupart des pays occidentaux, se sont tournés vers Pékin, ne laissant qu’une poignée de pays fidèles à Taïwan, principalement en Amérique latine et dans le Pacifique.
La décision des Îles Salomon de changer d’allégeance fait suite à la recommandation d’un groupe de travail mandaté par le gouvernement salomonais pour enquêter sur les avantages et inconvénients de reconnaître la Chine. Le rapport, publié vendredi dernier, recommandait au gouvernement de changer ses relations diplomatiques au profit de la Chine et de reconnaître la « Chine unique », ou « One China Policy », invitant Pékin à établir une mission diplomatique dans la capitale, Honiara.
« Les résultats révèlent que les Îles Salomon bénéficieront de nombreux avantages si elles inversent et normalisent leurs relations diplomatiques avec la RPC (République populaire de Chine) », a déclaré le groupe de travail.
Les Îles Salomon étaient de loin le plus grand allié du Pacifique pour Taïwan. Sa population de 611 000 habitants est supérieure à celle de tous les alliés restants de Taïwan dans la région – Kiribati, Nauru, Îles Marshall, Palaos, Tuvalu – réunis. La nation entretient des relations diplomatiques avec Taïwan depuis 36 ans, période pendant laquelle elle a reçu un soutien financier considérable de Taïwan (environ 12 millions de $ par an).
Le Pacifique Sud a été un bastion diplomatique pour Taïwan, car un tiers de ses alliés à travers le monde y sont localisés. Cependant, au cours des dernières années, la Chine a accru son influence dans la région, au grand dam des pays occidentaux, notamment l’Australie et les États-Unis, qui essaient tant bien que mal de contenir la montée grandissante de l’influence chinoise dans la région.
D’ailleurs, les autorités américaines avaient averti les Îles Salomon de se méfier des promesses de financement de Pékin et de ne pas être obligées de couper les liens avec Taïwan, soulignant la concurrence croissante d’influence dans le Pacifique Sud. Mais rien n’y fit.
C’est donc une victoire importante pour la Chine qui continue de poursuivre sa stratégie d’isolation de Taïwan. Beaucoup d’observateurs de la région voient en ce changement d’allégeance le début d’un effet domino dans le Pacifique, poussant chaque allié à faire le « switch ». Cependant, il est encore trop tôt pour en être certain. Pour le moment, la Chine a promis de soutenir le pays à coup de millions de dollars, ce que Taïwan décrit comme étant une « diplomatie du dollar », risquant d’ébranler les institutions locales.
Ce qui est sûr, c’est que les Îles Salomon deviennent de facto un cas d’école pour les pays de la région. Tous vont maintenant rester attentifs afin de voir quels seront les bénéfices et désavantages d’un partenariat avec la Chine.
Une autre certitude pour l’instant, c’est que les généreux programmes d’aide au développement qu’implémentait grand dans les îles, dans le secteur de l’agriculture, de l’éducation et de la santé, vont prendre fin, ce qui devrait avoir un effet direct sur l’économie locale.
Reste à voir si Pékin pourra combler ces pertes et relancer l’économie.