ANALYSES

Arabie saoudite : vers un nouveau choc pétrolier ?

Interview
17 septembre 2019
Le point de vue de Francis Perrin


Les attaques des rebelles houthis sur des installations pétrolières clés en Arabie saoudite ont endommagé la machine industrielle saoudienne et fortement impacté les cours du marché du pétrole mondial. Quelles retombées ce choc peut-il entraîner ? Le point avec Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste des problématiques énergétiques.

L’Arabie saoudite étant l’un des leaders mondiaux dans le domaine pétrolier, cette attaque peut-elle remettre en cause son industrie pétrolière ?

L’Arabie saoudite est le troisième producteur et le premier exportateur mondial de pétrole et a les deuxièmes plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde. C’est donc un pays capital pour l’équilibre du marché pétrolier mondial. Les deux attaques dans le pays, l’une contre l’usine de traitement de pétrole d’Abqaiq, l’autre contre le champ de pétrolier de Khurais il y a deux jours, sont des attaques extrêmement graves puisqu’elles ont entrainé une chute de la production pétrolière saoudienne de près de 60%, la production se trouvant réduite de 5,7 millions de barils par jour.

Cela ne met cependant pas en danger durablement l’industrie pétrolière saoudienne car ces dommages, qui restent encore à évaluer précisément (ce que Saudi Aramco est en train de faire), seront réparés. Ces installations stratégiques pour le royaume saoudien, et pour le marché pétrolier mondial, seront remises en route dans un délai et à un coût qui restent à définir. Ce sont deux attaques majeures et très dommageables à court terme, mais cela ne met pas en danger dans le long terme la capacité de l’Arabie saoudite à continuer à rester le premier exportateur mondial de pétrole.

L’attaque contre les installations pétrolières peut-elle mener à une déstabilisation importante du marché du pétrole au niveau mondial ?

Quand les marchés pétroliers ont ouvert ce matin [lundi 16 septembre 2019], ils ont d’abord ouvert en Asie, pour des raisons de décalage horaire, puis en Europe et à New York. Lorsque les marchés asiatiques ont ouvert, on a observé une hausse du prix du pétrole Brent de la mer du Nord de 19%. Il faut remonter à très loin pour retrouver une hausse aussi forte du prix du pétrole dans une période aussi courte.

L’impact sur les prix est considérable mais est-ce qu’il sera durable ? La réponse à cette question dépend de plusieurs facteurs : de combien de temps les Saoudiens auront-ils besoin pour rétablir leur capacité de production pétrolière antérieure ? Deuxièmement, que vont-ils faire de leurs stocks pétroliers ? Ils ont annoncé prélever sur leurs stocks pour continuer à exporter du pétrole en dépit de la baisse de production, mais quel volume de stock vont-ils prélever ? Troisièmement, d’autres pays producteurs de pétrole vont-ils essayer de produire et exporter plus, pour ceux qui le peuvent ? Quel chiffre cela représentera-t-il ? Quatrièmement, les pays occidentaux importateurs de pétrole, réunis au sein de l’AIE (Agence internationale de l’Énergie) vont-ils décider d’avoir recours à leurs stocks stratégiques de pétrole chez eux ? Dernièrement, est-ce qu’il y aura, dans les jours et les semaines qui viennent, d’autres attaques contre des cibles pétrolières en Arabie saoudite ? Ces facteurs détermineront l’évolution du prix du pétrole dans les semaines à venir.

Quel rôle peut jouer l’OPEP dans cette crise, d’autant que l’organisation a lancé une politique de réduction de l’offre pétrolière ?

L’OPEP a décidé de réduire sa production jusqu’à la fin mars 2020, mais l’organisation a toujours su faire preuve de souplesse et s’est toujours fixée pour objectif de contribuer à l’équilibre du marché pétrolier mondial. Donc s’il y avait un risque pour les approvisionnements pétroliers mondiaux, elle pourrait très bien reconsidérer sa décision de réduction de la production.

L’OPEP est en train d’examiner de très près la situation du marché pétrolier et est en contact avec l’Arabie saoudite, pays membre de l’organisation, et sera en contact avec l’AIE, qui représente les intérêts de certains grands pays consommateurs et importateurs de pétrole. Elle se tient donc prête à reconsidérer sa position en fonction de l’évolution des prix du pétrole et de l’évolution des approvisionnements pétroliers mondiaux dans les jours et les semaines qui viennent.
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