ANALYSES

Congo-Brazzaville : « Le pays cherche à stimuler les investissements pour trouver de nouveaux gisements »

Presse
19 août 2019
Interview de Francis Perrin - Jeune Afrique
Les autorités congolaises ont indiqué que la production du pays pourrait atteindre 983 000 barils par jour, alors que les deux entreprises SARPD-Oil et PEPA n’en sont qu’à la dernière phase de perforation de la zone. Ont-elles raison d’être si optimistes ?

À ce stade il faut rester prudent. Il n’y a pas encore d’informations techniques détaillées, ou de protocoles d’information suivant l’avancée des travaux, qui permettent de valider de tels chiffres. Ceux annoncés dans les médias sont absolument énormes, ils supposent que la découverte est phénoménale ce qui paraît extrêmement discutable pour un champ à terre en République du Congo.

Quelles étapes avant la mise en exploitation de ces blocs dans le Delta de la Cuvette ?

Nous sommes dans une phase d’exploration. Lorsqu’une découverte est faite, les compagnies procèdent à des forages d’appréciation autour du puits de découverte pour essayer d’estimer les réserves. Puis, lorsque l’on sait que la découverte sera rentable, on passe à la phase de développement, qui consiste à faire des forages d’exploitation, à installer des plateformes – c’est la phase la plus lourde en investissement- ce qui prendra quelques années. Ensuite, on passera à la mise en production. Plus un gisement est important, plus il faut de temps pour son exploitation.

Les deux entreprises congolaises SARPD-Oil et PEPA auront-elles la capacité d’exploiter un tel gisement ?

Ce ne sont pas des compagnies pétrolières très connues, elle ne publient pas de rapports annuels, n’ont pas de site internet, ne sont pas supervisées par des commissions sur leurs opérations de bourses par exemple… C’est pourquoi il faut être extrêmement prudent par rapport aux informations qu’elles communiquent.

Mais si les chiffres avancés sont vrais : non, elles n’auront pas les moyens financiers suffisants. Une telle découverte suppose plusieurs milliards d’investissements et donc les moyens de grandes compagnies pétrolières. Cela dit, il est possible qu’une petite société, à la suite d’une grande découverte fasse entrer sur son permis de grandes compagnies qui financeront les investissements très coûteux. Et l’annonce d’importantes découvertes peut attirer l’attention de groupes majeurs.

Quelles compagnies sont désormais susceptibles d’entrer dans le jeu ?

On pense évidemment à Perenco car c’est une société qui connaît bien la République du Congo, elle y est implantée, dispose de permis d’exploitation et produit du pétrole depuis plusieurs années.

Il y a aussi quelques grands opérateurs internationaux déjà installés dans le pays comme le français Total, l’italien Eni. Mais il faudra attendre les résultats d’un appel d’offres lancé par les autorités pour se prononcer.

Par ailleurs, la République du Congo a lancé en 2018 un autre appel d’offres, pour proposer des permis d’exploration pétroliers ou gaziers, en terre et en mer, sur 18 nouveaux blocs, dont cinq concernent le Delta de la Cuvette. Les résultats devraient être annoncés fin septembre 2019, ce qui prouve que le pays essaie de stimuler les investissements en quête de nouveaux gisements.

Face à une découverte pétrolière comme celle-ci, quelles sont les erreurs à éviter ? 

Communiquer trop rapidement sur la base de données insuffisamment fiables peut nuire à l’image des compagnies pétrolières et du pays concerné.

Il faut aussi veiller à intégrer au maximum les entreprises et les travailleurs congolais, mais pour cela il faut que les ressources humaines aient le niveau de compétences nécessaires. Pour l’instant, dans ce pays, l’essentiel des travaux d’exploration et d’exploitation est assuré par des acteurs étrangers. La montée en compétence sur le plan national doit être accélérée.

Il faut aussi que les revenus pétroliers profitent réellement au pays et à toute la population. C’est toute la problématique qui existe autour de la gestion de la rente pétrolière, une question à la fois essentielle et délicate, particulièrement pour les pays d’Afrique subsaharienne.

Sur le plan environnemental, c’est une industrie à haut-risque (incendie, expositions, fuites de pétrole) ce qui suppose que le pays doit imposer des normes très strictes et qu’il se donne les moyens de veiller au respect de ces normes. Là aussi une montée en compétence est nécessaire, que ce soit à terre ou en mer.
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