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Attaques de tankers dans le Golfe : un nouveau choc pétrolier est-il en train de se préparer ?

Presse
14 juin 2019
Interview de Francis Perrin - Atlantico
Conséquence: le prix du pétrole à la bourse a bondit de 3%. Peut-on craindre un nouveau choc pétrolier comme en 1973 et 1979 ?

Sur l’ensemble de la journée hier, les prix du pétrole cotés à Londres (Brent) et à New York (West Texas Intermediate) ont augmenté de 2,2% avec, en cours de journée, une augmentation qui a atteint jusqu’à 4,5%. C’est important bien sûr mais il faut attendre pour voir ce que sera la réaction des marchés pétroliers dans la durée. Un choc pétrolier, c’est une toute autre affaire. Nous n’en sommes pas là pour le moment. Malgré cette hausse hier, le Brent de la mer du Nord a terminé hier à Londres à $61,30 par baril environ, ce qui n’est pas un niveau très élevé. Rappelons que ce brut avait atteint $115/b en juin 2014.

Par ailleurs, il y a aussi des facteurs baissiers et les prix du pétrole ont d’ailleurs chuté dans les dernières semaines: la hausse de la production pétrolière américaine, la hausse des stocks pétroliers aux Etats-Unis, le ralentissement économique mondial et les tensions commerciales entre certaines grandes puissances, notamment les Etats-Unis et la Chine. Dans ce contexte, un nouveau choc pétrolier est très peu probable.

Par contre, la situation au Moyen-Orient est lourde de menaces depuis plusieurs mois et les marchés sous-estiment à mon avis la gravité de ces facteurs géopolitiques. Les tensions montent autour de l’Iran et nous ne sommes pas à l’abri d’un dérapage militaire, en particulier entre les Etats-Unis et l’Iran. Si ce scénario se concrétisait, la hausse des prix du pétrole serait évidemment beaucoup plus forte et beaucoup plus durable.

Dans ce contexte dans quelle mesure le pétrole pourrait-il provoquer le passage d’une guerre économique à une confrontation militaire ?

Le pétrole est depuis longtemps un enjeu de puissance car c’est l’énergie stratégique par excellence. C’est l’énergie dont le monde ne peut se passer du fait de son importance capitale dans le secteur des transports et pour quelques autres utilisations, dont la pétrochimie. Le Moyen-Orient représente près de la moitié des réserves pétrolières prouvées et près du quart du commerce pétrolier mondial passe par le détroit d’Ormuz chaque jour.

Les tensions s’accumulent autour de l’Iran: Iran contre Arabie Saoudite, Iran contre Emirats Arabes Unis, Iran contre Etats-Unis, Iran contre Israël avec l’émergence d’un front contre Téhéran rassemblant, de façon plus ou moins informelle, les quatre pays cités ci-dessus. Les Etats-Unis et/ou l’Arabie Saoudite ont ouvertement accusé l’Iran d’être responsable des attaques contre des navires dans la région depuis un mois environ ainsi que de l’attaque avec des drones armés contre un oléoduc clé en Arabie Saoudite (cette dernière attaque ayant été revendiquée par les Houthis au Yémen), ce que l’Iran a vigoureusement démenti. Le risque de représailles militaires contre l’Iran a donc augmenté alors que le Japon et l’Union européenne tentent de calmer le jeu. Dans la région elle-même, Oman et l’Irak tentent tant bien que mal de jouer un rôle de médiateur mais ce n’est pas facile dans un tel contexte.

Comment éviter que la situation n’empire ?

Les deux chocs pétroliers des années 1970 étaient liés à des crises politiques telles que la quatrième guerre israélo-arabe et la révolution islamique en Iran. Il y a toujours des liens étroits entre énergie et géopolitique mais ces liens sont particulièrement forts pour le pétrole. Aujourd’hui, ce sont les tensions autour de l’Iran qui sont le facteur le plus dangereux.

Certes, à ce jour, les Etats-Unis ne veulent pas la guerre mais ils n’excluent pas ce scénario et ils s’y préparent. Leur priorité actuelle est de mettre à genoux l’économie iranienne grâce à un arsenal redoutable de sanctions et de pressions économiques portant en particulier sur le pétrole, secteur clé pour Téhéran. Mais le risque d’un affrontement militaire est important.
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