20.11.2024
Or noir au Guyana : pic et pic et milliards de dollars
Presse
2 mai 2019
Stabroek est le vieux nom flamand de Georgetown, la capitale du Guyana. Stabroek c’est aussi le nom du grand gisement maritime découvert au large des côtes du pays d’Amérique du Sud…
Stabroek est un permis en mer (offshore) très prometteur. Exxon Mobil y a réalisé 13 découvertes d’hydrocarbures à ce jour, ce qui est tout à fait exceptionnel. Le géant américain estime les volumes de pétrole et de gaz naturel (surtout du pétrole) récupérables dans ces divers gisements à environ 5,5 milliards de barils équivalent pétrole, soit près de 800 millions de tonnes. Et ce n’est peut-être pas fini puisque la compagnie prévoit encore de nombreux forages d’exploration en 2019 et en 2020. Il serait donc possible que d’autres gisements soient découverts sur ce permis.
La qualité du pétrole au large du Guyana est-elle meilleure que celle du Venezuela ou du Surinam ?
En dépit de la proximité géographique de ces trois pays, la qualité des pétroles est fort différente. Elle est particulièrement notable entre le Guyana et le Venezuela, surtout le bassin de l’Orénoque dans ce dernier pays où l’on trouve des volumes énormes d’un brut très lourd qui n’est pas facile à exploiter.
Le Guyana peut-il échapper à la « malédiction des matières premières » et va-t-il bénéficier en partie des milliards de dollars de son or noir qui seront extraits par Exxon Mobil et son partenaire chinois ?
C’est l’une des grandes questions pour l’avenir. La clé réside dans la bonne gouvernance du secteur des hydrocarbures et la bonne gestion des futurs revenus pétroliers et, comme le Guyana va devenir producteur de pétrole dans moins d’un an, ce pays n’a pas d’expérience dans ce domaine, ce qui rend les prévisions fort délicates. Les autorités ne peuvent en tout cas pas ignorer les responsabilités qui sont les leurs car elles sont bien placées pour observer de près, au Venezuela, les conséquences tragiques d’une très mauvaise gestion du secteur pétrolier.
Les tensions sont vives avec le Venezuela qui revendique la zone pétrolière du Guyana…
Le consortium qui explore le permis de Stabroek est composé d’Exxon Mobil, d’une autre firme américaine, Hess, et d’une firme chinoise. Le Venezuela a déjà suffisamment de problèmes graves sans y ajouter un épreuve de force avec les deux plus grandes puissances mondiales que sont les Etats-Unis et la Chine, d’autant plus que ce dernier pays est encore un soutien du régime Maduro.
On ne peut s’empêcher de penser à l’échec de Total dans sa recherche de pétrole, un peu plus au sud, au large de la Guyane française, le français a joué de malchance ?
L’exploration, c’est le risque. Il y a bien du pétrole au large de la Guyane française, puisqu’une découverte a été réalisée en 2011, mais les travaux ultérieurs n’ont pas permis de mettre en évidence des réserves suffisantes pour déboucher sur un projet rentable. Il était logique pour le consortium pétrolier, alors constitué de Total, de Shell et de Tullow Oil, de s’intéresser à la Guyane française du fait de la proximité du Venezuela et du Brésil, deux importants producteurs de pétrole. Après le retrait de Shell et de Tullow Oil, Total a poursuivi seul l’exploration du permis de Guyane Maritime mais la géologie n’était pas au rendez-vous.
Aujourd’hui, le pétrole aux Antilles en Guyane vient principalement de Norvège. Peut-on imaginer, un jour, du pétrole et du gaz venant du Guyana tout proche ?
C’est une possibilité. En théorie, le pétrole et le gaz pourraient aussi venir d’autres pays d’Amérique du Sud ou des Etats-Unis. Il faut évidemment tenir compte de contraintes technico-économiques, notamment la configuration technique de la raffinerie de la Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles (SARA) à la Martinique, car une raffinerie peut traiter certains types de bruts et pas certains autres.
Que va représenter la production de pétrole du Guyana ?
Exxon Mobil estime que la production pétrolière du Guyana, qui débutera au cours du premier trimestre 2020, pourrait atteindre près de 800 000 barils par jour vers 2025, soit 40 millions de tonnes par an. Ce niveau de production est proche de la production actuelle de pays comme la Malaisie, l’Inde, l’Indonésie ou la Colombie. Ce n’est pas énorme (les trois plus grands producteurs mondiaux produisent chacun plus de 10 millions de barils par jour) mais c’est très important au regard de la population et de la taille de l’économie du Guyana. De plus, le chiffre donné aujourd’hui par Exxon Mobil pourrait être revu à la hausse si de nouvelles découvertes sont réalisées dans les prochaines semaines ou les prochains mois, ce qui est tout à fait possible.
Le Guyana a du pétrole, il a aussi d’autres ressources en matières premières, si on se projette en 2030 le pays sera-t-il sorti de la pauvreté ?
Le potentiel du Guyana en matière de ressources naturelles est très significatif mais tout dépendra de la manière dont seront gérés les revenus liés à ces ressources, notamment les revenus pétroliers qui seront beaucoup plus importants que ceux générés par d’autres matières premières.
En résumé, le pétrole, une chance ou pas pour le Guyana ?
Le pétrole représente une richesse importante pour un pays producteur et peut générer de grosses recettes d’exportation et budgétaires. L’activité pétrolière peut aussi favoriser la croissance économique. C’est une chance mais la chance ne suffit pas. Il y a aussi des risques sérieux, en particulier la dépendance excessive par rapport au pétrole et les impacts négatifs sur le reste de l’économie. Le pétrole, c’est à la fois une chance et un risque. Les différences entre les deux s’appellent notamment gouvernance, transparence, diversification, formation et vision à long terme…