21.11.2024
Rapport Mueller sur la collusion avec Moscou: « Donald Trump débarrassé d’une épée de Damoclès »
Presse
25 mars 2019
Dans son rapport, le procureur Mueller a conclu à une absence de collusion entre l’équipe de campagne du président américain et la Russie en 2016. Est-il totalement exonéré? Quelle analyse faites-vous de cette situation?
L’enquête est terminée, et Robert Mueller dégage aux yeux de tous l’idée qu’il n’y a pas eu de conspiration de l’équipe de campagne de Donald Trump avec la Russie. Cet élément est d’autant plus important que c’est cela qui aurait pu conduire à la procédure d’impeachment et à un procès en destitution du Président. Ce qui, précisément, agitait le monde politique américain depuis deux ans.
L’épée de Damoclès qui siégeait au-dessus de la tête de Donald Trump a disparu, il va donc commencer à être un président normal, ce qu’il n’a jamais été jusqu’alors. Car rappelons-nous que les soupçons de collusion avec la Russie ont commencé alors que Trump était encore candidat.
Les déclarations par lesquelles il expliquait qu’il voulait un rapprochement avec Poutine paraissaient suspectes aux yeux de tous, d’autant que les Russes étaient soupçonnés d’avoir interféré dans la campagne américaine, il n’y avait qu’un pas à franchir pour imaginer que Trump était impliqué. C’est pour cela que Robert Mueller, procureur indépendant, s’était retrouvé chargé de cette enquête.
Est-ce aussi la fin de l’usage de la rhétorique néoconservatrice anti-Russes, employée par les Démocrates eux-mêmes?
Absolument. C’est parce que le terreau était déjà préparé du côté Républicain, que cette rhétorique a pu prospérer chez les Démocrates. Quand les Démocrates se sont retrouvés face à la grande difficulté de l’élection de Donald Trump, ils ne s’attendaient pas à devoir récupérer la même rhétorique que les néoconservateurs en attaquant sur un front anti-russe.
Le Congrès s’est retrouvé en opposition avec Donald Trump pendant sa première année de mandat, jusqu’à émettre des sanctions contre la Russie contre l’avis de Trump. Ce dernier s’est retrouvé obligé de signer, à contrecœur.
L’échec de cette enquête est donc un tournant dans la présidence de Donald Trump?
Donald Trump entre dans l’acte II de son mandat, puisqu’il n’a plus cette chape de plomb sur la tête, embarrassante lorsqu’il rencontrait Poutine. On se souvient de sa rencontre avec le président russe à Helsinki le 16 juillet 2018. Maintenant, il va pouvoir, non pas avoir des relations normales avec la Russie – le Congrès va garder son emprise sur ce dossier-, mais entretenir des relations plus libres et décomplexées avec Poutine. Je pense même qu’il va déclarer son intention de protéger les prochaines élections de toute ingérence étrangère, y compris de la Russie. Ce serait un beau pied de nez aux Démocrates, et je le pense tout à fait capable de ce genre de coup.
C’est aussi un avantage pour la campagne présidentielle à venir…
En réalité, pas tant que cela. Il est vrai qu’il est plus facile de se battre dans une campagne en étant libéré d’un tel poids, disons qu’il sera plus léger pour avancer, si je peux employer cette image. Mais en réalité, cela ne le met pas dans une position bien meilleure qu’elle n’était auparavant car la campagne américaine se joue avec des règles très différentes des nôtres, notamment avec la règle du collège électoral: il est important de gagner les États un à un. Or, à cet égard, il n’est pas très bien placé tant il a perdu des États clés, notamment dans le nord du pays. Le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie par exemple.
Par ailleurs, il y a toujours un mouvement anti-Trump assez fort. Même si le président a des supporters et résiste à toutes les attaques, il stagne et n’arrive pas à monter plus haut électoralement. Reste à voir si l’annonce de cette absence de collusion avec la Russie peut lui permettre d’aller chercher les voix qui lui manquent.
Les démocrates perdent une précieuse corde à leur arc?
Les Démocrates perdent la corde de l’attaque systématique de la collusion russe contre Trump. Mais tous les observateurs sérieux s’accordent pour dire que cette attaque systématique n’était pas une bonne technique et qu’il faut aux Démocrates un leader, ce qu’ils n’ont pas pour le moment.
Nous allons assister à un autre type de campagne, différente de celle de 2018, qui n’a pas vraiment été efficace pour les Démocrates. Celle de 2020 le sera peut-être davantage si elle se porte sur des questions vraiment politiques, un changement de société, la question climatique, celle du niveau de vie des Américains… C’est projet contre projet qu’ils devront se confronter à Donald Trump s’ils veulent pouvoir gagner la prochaine campagne.
Propos recueillis par Etienne Campion