12.12.2024
« Il est peut-être temps de rénover les Jeux de la Francophonie »
Presse
20 mars 2019
Pour moi, cet événement l’est toujours puisqu’il s’inscrit dans l’ADN, dans la logique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) depuis trente ans. Il a donc une histoire. Une véritable chronologie a accompagné ces Jeux de la Francophonie, depuis 1989.
Ces Jeux symbolisent aussi l’importance que la Francophonie a accordé au sport mais également à la culture, puisqu’ils sont porteurs de ces deux aspects.
Ils sont encore pertinents. Mais ils doivent faire face à un certain nombre d’enjeux et d’obligations qui peuvent perturber leur déroulé. Il y a notamment le fait que le calendrier puisse s’alourdir. Il y a aussi la question des charges qui ont entraîné l’annulation de la candidature canadienne pour les Jeux de la Francophonie 2021. Cette annulation pousse l’organisation à s’accélérer alors que cette édition est censée avoir lieu dans deux ans.
Le Nouveau-Brunswick devait effectivement organiser l’édition 2021 mais cette province canadienne a fait machine arrière. Selon vous, ce revirement est-il lié au contexte canadien ? Ou est-il symptomatique des difficultés des Jeux de la Francophonie ?
J’ai tendance à voir cet abandon à travers deux aspects. Il y a tout d’abord la question du coût de ces Jeux qui a été mis en avant par le gouvernement local. Ce coût semblait beaucoup trop important par rapport aux retombées envisageables. Il y a eu un dépassement des budgets initiaux.
Mais cet abandon est aussi symptomatique d’une perte de vitesse des Jeux qu’on a pu constater au cours des dernières années. Il y a eu des éditions extrêmement importantes, comme celle de Beyrouth en 2009. Celles de Nice (2013) et d’Abidjan (2017) ont également été importantes et intéressantes. Mais elles ont sans doute été un tout petit peu en-deçà des attentes des organisateurs. […]
Le budget conventionnel des Jeux de la Francophonie est de 10 millions d’euros. Est-ce réaliste, de nos jours, de vouloir organiser un événement multisport et culturel de cette ampleur avec de tels moyens ?
C’est une vraie question. Ce qui est important, c’est le fait de voir quels sont les dispositifs mis en œuvre. Ça semble intéressant et réalisable si les Jeux de la Francophonie se déroulent dans le cadre d’une ville, d’une région ou d’une province qui dispose déjà d’infrastructures, et que ces Jeux s’intègrent à ces infrastructures existantes ainsi qu’à un agenda. Les retombées sont alors extrêmement positives sur le court terme, mais aussi sur le plus long terme.
Cependant, certains éléments ont conduit au dépassement de ces budgets initiaux et à tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences que risquaient d’engendrer les Jeux de la Francophonie.
Mais, au-delà des problématiques budgétaires – ô combien essentielles –, il faut aussi se poser la question de savoir ce que veulent être les Jeux de la Francophonie et comment ils veulent exister par la suite. […] Trente ans après la première édition, il faut vraiment se poser la question de l’avenir qu’on veut pour les Jeux de la Francophonie. Il faut aussi se demander comment on veut écrire l’avenir de la Francophonie, par le biais du sport et par celui de la culture.
Le calendrier des compétitions sportives internationales est surchargé. Est-ce que les Jeux de la Francophonie y ont encore toute leur place, en tant qu’événement multisport de haut-niveau ?
Les Jeux de la Francophonie sont aussi intéressants parce qu’ils sont à la fois à destination de la jeunesse, à celui du monde de la culture et à celui du monde du sport. C’est vrai que le calendrier sportif est surchargé. Mais ce qui a prévalu jusqu’à présent avec ces Jeux, c’était un mélange de sportif et de festif. C’est ce qui a fait l’ADN de cet événement.
Des éléments sont en train de changer. Parmi ceux-ci, il y a le calendrier sportif qui pèse dans les esprits mais aussi sur des athlètes qui sont déjà extrêmement sollicités. Pourtant, là encore, il faut garder en tête que les Jeux de la Francophonie doivent rester un vrai rendez-vous dans l’agenda des sportifs, s’ils veulent continuer à exister et ne pas être délaissés.
Des personnalités du monde sportif ont signé une tribune dans la presse française pour défendre les Jeux de la Francophonie. Leur existence vous parait-elle en danger ?
Je ne dirais pas qu’ils sont en danger, dans l’immédiat. Cette tribune me parait assez intéressante. Elle arrive trente ans après les premiers Jeux, à un moment où il est peut-être temps de rénover les Jeux de la Francophonie, de faire évoluer un peu leur dispositif. Il ne s’agit pas de les révolutionner mais de leur donner un nouveau départ.
L’idée de cette tribune était également d’attirer à la fois l’attention sur la Journée internationale de la Francophonie, mais aussi sur ces Jeux qui ont tendance à être un peu négligés et oubliés. Ils sont pourtant porteurs de messages extrêmement importants, à la fois dans le domaine de la Francophonie et dans celui du sport. […]
Quel va être l’avenir de la Francophonie d’un point de vu sportif ? Et surtout, quelle est la diplomatie sportive francophone qu’on peut aujourd’hui mettre en œuvre. Si chaque pays a pu mettre en place une diplomatie sportive, qu’en est-il de la Francophonie ? Est-ce qu’il y a une volonté commune d’aller dans la même direction et de faire passer un certain nombre de messages ? Ou, au contraire, est-ce qu’on reste dans une logique plutôt nationale ? Auquel cas, les Jeux de la Francophonie pourraient perdre de l’influence et être potentiellement remis en cause dans les prochaines années, compte tenu du calendrier sportif et compte tenu d’un certain nombre d’obligations.