17.12.2024
Les producteurs du meilleur pétrole ne sont pas les plus gros producteurs et voilà ce que ça change aux équilibres mondiaux
Presse
12 mars 2019
Quels sont les pays qui, par la qualité de leur production pétrolière, gagnent de l’importance dans les équilibres mondiaux ?
La qualité est effectivement importante pour le pétrole. On parle d’ailleurs de pétrole alors qu’il serait plus juste de parler des pétroles car il y a une grande diversité de qualités de pétrole brut dans le monde entre différents pays producteurs et au sein d’un même pays. De façon générale, les pétroles qui sont au sommet de la hiérarchie en termes de valorisation sur les marchés sont les bruts légers et peu soufrés et ceux qui sont en bas de cette hiérarchie sont les bruts lourds et avec une forte teneur en soufre. Ce sont les deux éléments clés de la cartographie des pétroles bruts dans le monde.
La forte hausse de la production pétrolière des Etats-Unis depuis 2008 s’explique principalement par l’augmentation de la production de pétrole non conventionnel (souvent appelé pétrole de schiste) et ce pétrole est souvent léger et de bonne qualité. Les Etats-Unis se positionnent donc très bien en termes de quantité, puisqu’ils sont devenus tout récemment le premier producteur mondial de pétrole brut devant la Russie et l’Arabie Saoudite, mais aussi de qualité. L’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, est bien placée car sa gamme de bruts est très large : le pays produit des bruts légers, super-légers et extra-légers à côté de bruts moyens et lourds. L’Afrique du Nord, notamment l’Algérie, est une zone productrice de pétroles légers et de bonne qualité, dont le Saharan Blend algérien. Une partie de la production libyenne fait aussi partie de cette catégorie. Il en est de même pour le brut Bonny Light au Nigeria, une partie de la production de l’Angola, certains bruts de la région de la mer Caspienne sans oublier le fameux Brent produit en mer du Nord.
A l’inverse, quels sont les grands producteurs qui peuvent être handicapés par la moindre qualité de leur production pétrolière ?
Le principal pays désavantagé est le Venezuela qui produit des pétroles souvent lourds, voire très lourds et extra-lourds. Pour prendre un exemple au sein de l’OPEP, en décembre 2018, il y avait ainsi un écart de presque dix dollars par baril entre le prix du pétrole Murban des Emirats Arabes Unis et le brut Merey du Venezuela, qui était coté juste en dessous de $50 par baril, contre presque $60/b pour le Murban (moyennes pour le mois de décembre). Un tel écart a un fort impact sur les recettes d’exportation de divers pays producteurs avec un impact économique évident.
Cela dit, la situation est complexe car l’afflux sur le marché mondial de pétrole non conventionnel venu des Etats-Unis a créé une abondance de bruts légers, ce qui a réduit leur avantage de prix par rapport à des bruts lourds. Ceux-ci peuvent donc se trouver favorisés relativement du fait de la loi de l’offre et de la demande. De plus, de nombreux raffineurs ont investi par le passé de fortes sommes pour se doter d’installations permettant de traiter des bruts lourds et ils recherchent donc très logiquement des pétroles de ce type.
La question de la qualité de la production devrait-elle prendre de l’importance au cours des prochaines années, dans la définition des producteurs les plus importants de la planète ?
Le classement quantitatif reste et restera toujours important. Les trois plus grands producteurs mondiaux sont les Etats-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite (plus de 10 millions de barils par jour pour chacun) et ce trio de tête est loin devant les suivants (Canada, Irak, Chine – entre un peu moins de 4 Mb/j et moins de 5 Mb/j pour chacun), ce qui lui donne une importance géopolitique considérable. Cette situation n’est pas près de changer. Mais la qualité doit être prise en compte car elle a un impact significatifsur la valorisation de telle ou telle catégorie de pétrole par rapport à d’autres. Au regard de l’évolution de la production des Etats-Unis, qui continuent de voler de record en record et qui inondent le marché de bruts légers, certains bruts lourds pourront tirer leur épingle du jeu car ils sont recherchés par certaines raffineries du fait de la configuration technique de celles-ci. A l’inverse, le durcissement des normes environnementales favorise les bruts légers et peu soufrés tels que ceux évoqués ci-dessus et il s’agit là d’une tendance lourde. Globalement, l’avantage reste à ceux-ci mais le marché pétrolier doit être analysé de façon très fine pour intégrer comme il se doit ces paramètres qualitatifs.