17.12.2024
« En 2015, je prévoyais la victoire de Donald Trump, j’entrevoie aujourd’hui sa défaite en 2020 »
Presse
3 mars 2019
Les élections de mi-mandat sont presque toujours porteuses de précieux renseignements, qui nous indiquent ce qui va se passer la fois suivante. Ainsi, en 2014, les républicains l’avaient largement emporté, et la dynamique étaient de leur côté : toutes les élections intermédiaires ou partielles montraient qu’ils avaient l’écoute des électeurs, certainement à cause d’une lassitude qui s’était installée après deux mandats de Barack Obama. La crise de 2007-2008 avait aussi été un coup dur pour l’équipe démocrate et les nombreuses tensions raciales dans le pays n’arrangeaient rien. Les candidats républicains ne s’y étaient pas trompés non plus et ils avaient été très nombreux à tenter leur chance, puisque c’est un des leurs qui devait l’emporter, du moins sur le papier. La perspective historique d’une première femme à la Maison-Blanche aurait peut-être pu casser cette dynamique, mais on a vite compris qu’il n’en serait rien car Bernie Sanders faisait plus que jeu égal avec elle : il détruisait sa campagne et posait de nouvelles fondations pour une Parti démocrate renouvelé.
Alors qu’en est-il de 2018 ? Pour étonnant que cela paraisse, il n’y a pas d’éléments structurants qui nous indique dans quel sens souffle le vent. Chaque camp est persuadé d’avoir gagné et chaque camp a réussi à mobiliser ses troupes. Je détaille l’ensemble de ces résultats dans mon livre, et des comportements que cela a engendré, en indiquant en quoi ils nous étonnent et pourquoi le Parti démocrate à quelques raisons de s’inquiéter. Pourtant, il se passe dans ce camp-là exactement ce qu’il s’est passé chez les républicains il y a quatre ans : le trop plein les guette, alors que le nombre de candidats ne cesse d’augmenter. Ils sont déjà onze officiellement en campagne, et on en attend plus de vingt. Il faut donc croire que l’optimisme est de leur côté. Perez, le chef du parti démocrate, n’a-t-il pas assuré que Donald Trump pouvait être battu ? On constate qu’ils ont en effet l’air de le croire…
Tout de même, quels sont les atouts de Donald Trump pour 2020 ? Sur quoi pourrait-il se baser pour tenter sa réélection malgré une côte de popularité basse ?
Les atouts de Donald Trump sont très nombreux, beaucoup plus qu’on ne veut nous le dire. Le premier d’entre eux, bien évidemment, c’est qu’il est le président sortant : cet avantage est tellement puissant que quasiment tous les présidents sortants sont réélus. Bien sût, cela n’a pas été le cas avec George H. Bush, mais c’est parce qu’il y avait un troisième homme, Ross Perot, qui a siphonné ses voix. Dans le cas de Carter, c’est la crise iranienne et le deuxième choc pétrolier qui ont précipité sa défaite.
Donald Trump peut aussi s’appuyer sur un socle solide, qui ne varie pas et lui reste fidèle, quels que soient les événements en cours dans son pays. J’ai eu beaucoup l’occasion de répéter ce fait très étonnant dans vos colonnes : je pense que cette stabilité hors norme restera un des marqueurs de sa présidence, et qu’on va l’étudier et l’analyser pendant très longtemps. Aujourd’hui, après une audition très mouvementée et très commentée de Michael Cohen à la Chambre des représentants, ainsi qu’un sommet raté à Hanoï, cette même base n’a pas sourcillée : il reste imperturbablement à 42% de bonnes opinions chez « 538 » et à 44% chez « Real Clear Politics », qui sont deux instituts qui font la moyenne de tous les instituts de sondages.
Surtout, il y a l’économie américaine qui porte sa candidature. Bill Clinton avait expliqué que l’économie est la base de tout : si elle va bien, l’élection est assurée. Cela s’est vérifié dans son cas et Donald Trump est bien décidé à ne pas faire mentir l’adage. Faut-il rappeler tous ces bons chiffres qui ne cessent de surprendre tout le monde ? Chômage, inflation, création d’emploi : même l’indice de la croissance –qui est tombé il y a deux jours– est à 2,9% pour la dernière année, ce qui est exceptionnel. C’est par ailleurs très proche de ce que promettait Donald Trump durant sa campagne, quand on le traitait de fou.
Il y a encore plusieurs, pour ne pas dire beaucoup d’atouts dans la manche de Donald Trump : on les passe en revue au fil des pages de « Et s’il gagnait encore ? »
De quoi douter qu’il puisse perdre en 2020.
Et pourtant : il y a aussi le grain de sable, celui qui fait chuter, même quand on ne s’y attend pas. Lorsqu’on regarde la scène politique américaine on découvre qu’il y a en réalité de nombreux grains de sable sur le chemin de cette nouvelle victoire. C’est ce qui me fait dire que tout ne sera pas aussi facile qu’il voudrait bien le croire pour Donald Trump … D’où l’hypothèse que je fais, à contre-courant de ce que je disais en 2015 et 2016 : je prévoyais alors sa victoire, j’entrevois aujourd’hui sa défaite.