17.12.2024
Venezuela : « Le coup de poker de l’opposition »
Presse
25 janvier 2019
Un coup de poker plutôt. L’opposition vénézuélienne est en crise et divisée depuis plusieurs années. Un sondage de décembre montrait que si la population souhaite un changement, seulement 25 % avaient confiance dans l’opposition.
Le nouveau président du Parlement a, semble-t-il, tenté un coup de poker pour recomposer l’unité de l’opposition. Et comme elle n’a aucun dénominateur commun, si ce n’est l’opposition à Maduro, il ne reste que la provocation et la volonté de créer des tensions. À noter qu’Hugo Capriles, représentant un parti de droite plus modéré, a déclaré que cette autoproclamation n’était pas pertinente. La stratégie ne fait donc pas consensus.
Un coup d’État guidé par les États-Unis ?
Du point de vue international, il y a tout d’abord l’environnement proche. De changements politiques dans de nombreux pays d’Amérique latine, par voie parfois non constitutionnelle comme au Brésil en 2016, ont amené au pouvoir des gouvernements conservateurs. Ils se sont associés en 2017 dans le groupe dit de Lima où se trouve également le Canada mais dont les États-Unis ne font pas partie. C’est lié à la stratégie de Trump qui ne veut pas se lier, même avec ses soutiens. C’est ce groupe de Lima qui a reconnu le président autoproclamé de manière anticonstitutionnelle.
Ce n’est cependant pas le cas de tout le continent. Ce qui reste de l’Alba – Bolivie, Nicaragua, Cuba – a apporté son soutien à Maduro. De plus, Mexique et Uruguay, dans un communiqué commun, ne se prononcent pas sur le fond mais estiment que ce n’est pas ainsi que l’on pourra régler une crise. Ils prônent la voie du dialogue qu’ils entendent approfondir, notamment avec les présidences portugaise et espagnole. Cette dernière a d’ailleurs une visite programmée au Mexique cette semaine où le sujet sera certainement abordé.
L’Union européenne s’est pourtant déjà prononcée pour « des élections libres » et hier, Macron a catalogué Maduro de « président illégitime » ?
L’UE n’a pas reconnu Guaido et ne le mentionne que comme président de l’Assemblée nationale. Elle est plutôt sur la ligne espagnole. En revanche, il semblerait que Macron soit davantage sur une ligne d’affrontement, visiblement plus attentif aux arguments des gouvernements libéraux d’Amérique latine.
Quid des enjeux liés au pétrole ?
La Chine est en effet devenue un partenaire incontournable en Amérique latine. Ce qui évidemment inquiète les États-Unis et qui est un élément permettant de comprendre la raison pour laquelle Washington encourage en sous-main les opposants au Venezuela. Mais ce dernier n’est donc pas seul. Outre la Chine, il peut également compter sur le soutien de la Russie et des pays de l’OPEP.
Le gouvernement Maduro a-t-il une part de responsabilité ?
Il a joué avec la constitution en réduisant au maximum les pouvoirs de l’Assemblée nationale tombée aux mains de l’opposition et désormais concentrés dans les mains de l’Assemblée constituante. Le deuxième élément est économique. La crise du pays a provoqué des réactions dans l’électorat populaire qui a manifesté massivement, non pour exiger un renversement mais clamer son mal vivre. Cela s’est traduit pas des départs massifs du pays, non pour contester la légitimité de Maduro mais tenter de trouver un emploi.
C’est d’ailleurs un des éléments du pari de Guaido. L’opposition n’est jamais parvenue à rassembler plus de 40 % de l’électorat. Elle a donc besoin des couches populaires pour gagner et mise sur une convergence des mécontentements.
Que peut faire Maduro ?
Reprendre le contrôle du pays par l’intermédiaire de l’armée et s’assurer que celle-ci est loyale. Régler le coup d’État suppose aussi une mise en examen du président autoproclamé pour violation de la constitution. On va donc probablement assister à une période d’affrontement, de violence…
Sa deuxième urgence est de remettre en état l’appareil pétrolier dont l’entretien a été négligé. Et, à plus long terme, de réussir ce que ne sont jamais parvenus à faire ses prédécesseurs : diversifier l’économie pour ne plus être tributaire du pétrole et de son cours.
Entretien réalisé par Angélique Schaller