18.11.2024
Bolsonaro va-t-il casser les BRICS ?
Édito
18 décembre 2018
En 2001, un économiste de la Goldman Sachs définissait une nouvelle catégorie, afin de rassurer les marchés après les attentats du 11 septembre : les BRIC, pour désigner quatre pays, Brésil, Russie, Inde, Chine, ayant à la fois un fort potentiel de développement et une importante population.
Cette création était à l’origine purement artificielle. Ces pays ont en réalité de nombreuses différences : la Russie et la Chine sont des pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU que l’Inde et le Brésil aspirent à rejoindre. Ces deux premières sont également des puissances nucléaires officielles, quand New Delhi est une puissance officieuse et Brasilia y a renoncé. Les relations sino-russes étaient difficiles et les relations sino-indiennes teintées d’hostilité. La nature de leurs régimes politiques les distinguait également considérablement. Mais, la fiction est devenue réalité et les BRIC se sont mués en une catégorie à part entière et au poids réel sur la scène internationale. Ils ont été rejoints par l’Afrique du Sud pour devenir les BRICS et ne pas laisser le continent africain à l’écart.
Les BRICS commencèrent en 2011 à tenir des sommets de concertation annuels. Ils ont créé une banque internationale de développement, devenue par sa capitalisation la troisième au monde et qui, contrairement à la Banque mondiale ou au Fonds monétaire international, ne fait dépendre ses prêts d’aucune conditionnalité politique. Ils sont rapidement devenus une sorte de « contre-G7 », d’autant plus après l’expulsion de la Russie du G8, à la suite de l’annexion de la Crimée. En septembre 2014, c’est de façon quasi triomphale que la Russie, qui subissait des sanctions occidentales, a été reçue au sommet des BRICS de Fortaleza au Brésil.
Les BRICS n’ont plus grand-chose à voir avec ce qu’avait imaginé l’économiste de Goldman Sachs. Non seulement parce qu’ils existent désormais en tant que structure qui tient des sommets, mais aussi parce que les équilibres internes s’en sont trouvés bouleversés. La Chine d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de 2001. Elle s’est largement différenciée et pèse d’un poids incomparable. Mais, elle a toujours intérêt à maintenir cette structure.
Au-delà de leurs différences, ces pays contestent le monopole occidental sur la puissance et, de manière annexe, le rôle du dollar comme monnaie d’échange international. Ils considèrent que les Occidentaux ne peuvent plus gérer le monde sans tenir compte de leurs intérêts. C’est dans le souci de peser qu’ils s’unissent, en dépit de leurs différences. La question qui se pose est de savoir si ce club va poursuivre sa montée en puissance dans les années qui viennent. Elle se pose avec d’autant plus d’acuité depuis l’accession au pouvoir à Brasilia de Jair Bolsonaro qui a proclamé à de nombreuses reprises sa proximité idéologique avec D. Trump et sa volonté de réduire l’influence chinoise au Brésil. Si le président d’un pays majeur comme le Brésil cessait la politique menée de distanciation des BRICS à l’égard des Occidentaux, ce club conserverait-il sa pertinence ?
Lors du dernier sommet des BRICS, qui s’est tenu en Afrique du Sud, Bolsonaro a fait dire à Temer que se tiendra bien le prochain sommet des BRICS au Brésil. Il n’a pas intérêt à casser cette mécanique. Le tiers des investissements étrangers au Brésil provient de la Chine quand le tiers des exportations brésiliennes s’en vont vers la Chine. Les marchés américains et européens risquent la stagnation, alors que les marchés chinois et indiens peuvent se développer. Il serait donc dangereux de s’en couper. En Amérique latine, le Brésil est un leader lusophone sans follower (les autres étant hispanophones). La création des BRICS a contribué à conférer une stature mondiale au Brésil. Ce fut la meilleure opération internationale de relations publiques au moment de son émergence. S’en couper pourrait accroître la crise.
Il est donc probable que J. Bolsonaro mette de côté sa rhétorique antichinoise et conserve des relations avec Pékin, devenues trop importantes pour être balayées d’un revers de main. Il faudra dès lors voir comment Trump réagira si Bolsonaro ne le rejoint pas dans sa campagne antichinoise.