18.11.2024
Bangladesh : un redressement spectaculaire, une reviviscence à encourager
Tribune
19 novembre 2018
À la fin du mois prochain, le huitième pays le plus peuplé du globe (165 millions d’habitants) conviera ses quelques 104 millions de votants aux urnes afin de renouveler son parlement. Un rendez-vous politique généralement entouré de tensions et d’incertitudes, voire de violences[1], dans ce jeune État d’Asie méridionale qui fêtera sous peu son cinquantième anniversaire (en 2021).
Désormais programmé dans les toutes dernières heures de l’année (30 décembre 2018), ce scrutin législatif – le 11e du genre organisé depuis l’indépendance en 1971 – profitera cette fois de la participation de l’opposition, absente lors des dernières élections en 2014 ; une participation populaire et partisane plus étendue et donc bienvenue, augurant a priori un contexte préélectoral plus apaisé que lors du précédent exercice[2].
Le concours de l’opposition à ce scrutin et notamment de sa principale composante (le Bangladesh Nationalist Party ou BNP[3]) constitue semble-t-il pour le parti au pouvoir (l’Awami League de la Première ministre Sheikh Hasina Wajed) moins une source d’inquiétude qu’une forme de normalisation de la situation politique intérieure, en d’autres temps éminemment plus fébrile[4].
Du reste, la très déterminée et résiliente cheffe de gouvernement – qui entend bien célébrer en janvier prochain son 10e anniversaire à la tête du pays – ne semble guère s’émouvoir outre mesure du ‘’retour’’ de l’opposition dans la vie politique nationale à l’occasion de cette consultation populaire. Il est vrai que Madame Hasina Wajed, fille du père fondateur de la République populaire du Bangladesh et premier Président de l’histoire moderne du pays, Sheikh Mujibur Rahman[5], peut légitimement se prévaloir d’un bilan très convenable lors du quinquennat écoulé.
Si l’opinion publique internationale a dernièrement placé favorablement le Bangladesh sur les radars de l’actualité en Asie – à la faveur de son implication dans la crise humanitaire des Rohingyas[6] -, elle aura également le loisir, en se penchant d’un peu plus près sur l’action de ces dernières années, de mesurer quelques avancées significatives, tout à fait honorables – et à mettre au crédit de l’administration sortante -, obtenues dans des domaines très variés : au niveau économique tout d’abord, avec une croissance robuste sur le quinquennat écoulé (PIB +7% en moyenne ces trois dernières années ; + 7,9% sur l’année fiscale 2017-18 selon la Banque asiatique de développement[7]), laquelle a notamment permis aux autorités de faire reculer significativement la pauvreté dans ce pays encore en développement ; au niveau du développement humain ensuite, le Bangladesh peut notamment s’enorgueillir d’être au rendez-vous des Objectifs du millénaire pour le Développement définis par l’ONU, en matière de santé publique, d’accès des femmes à l’éducation ou encore d’allongement de l’espérance de vie à la naissance.
La lutte contre-insurrectionnelle, anti-terroriste, a également été au cœur de l’action gouvernementale ces dernières années, dans la foulée du meurtrier attentat perpétré dans la capitale Dacca en juillet 2016 (une trentaine de victimes dans l’attaque de la Holey Artisan Bakery), revendiqué par l’État islamique, mais possiblement le fait du Jamaat-ul-Mujahideen (JMB), une organisation radicale terroriste. L’administration sortante n’a eu de cesse depuis ce tragique événement de durcir sa politique anti-terroriste et la lutte contre l’extrémisme, revendiquant une tolérance zéro à l’endroit des entités islamo-terroristes : depuis l’attentat de juillet 2016, une centaine de terroristes auraient été abattus par les forces de l’ordre, plus de 1500 emprisonnés[8].
Ces dernières années, le Bangladesh s’est également employé à jouer le jeu de la coopération régionale en Asie méridionale, notamment en s’impliquant avec sérieux dans diverses entreprises collectives, telle cette BIMSTEC (Bay of Bengale Initiative for Multi Sectoral Technical and Economic Cooperation) associant six autres partenaires régionaux dont l’Inde et la Thaïlande.
Sous le double mandat de la Première ministre S. Hasina Wajed, les relations avec l’incontournable puissance régionale indienne ont prospéré, au plus grand plaisir de New Delhi, généralement plus réservée au sujet de Dacca quand cette dernière est aux mains du Bangladesh Nationalist Party (BNP), une formation à la feuille de route notoirement moins indo-compatible que l’Awami League de l’actuelle cheffe de gouvernement S. Hasina Wajed. Son homologue indien Narendra Modi loue volontiers les bénéfices de ce contexte bilatéral fructueux, quand il déclare notamment : « Ces dernières années, nous avons écrit le chapitre d’or des relations Inde-Bangladesh. Il y a certains problèmes qu’on croyait auparavant impossibles à résoudre. Mais nous avons conjointement apporté une solution à ces problèmes[9] ». Des propos en phase avec ceux de sa persévérante collègue de Dacca : « J’espère que le gouvernement de l’Inde continuera d’appuyer nos efforts de développement. Je suis certaine que nous aurons beaucoup d’événements heureux de ce genre à l’avenir pour le bien-être de notre population »[10].
Une proximité bilatérale aux dividendes réciproques[11] qui n’empêche pourtant guère le rival stratégique chinois de tenter de s’immiscer plus avant en direction de Dacca, ainsi que le relevait ces derniers jours la presse bangladaise, dans un article au titre évocateur : ‘’The changing dynamics of China-Bangladesh relations’’ (The Daily Star, 11 novembre 2018). La visite du chef de l’État Xi Jinping à Dacca en octobre 2016, la participation du Bangladesh à la très nébuleuse et disputée Belt and Road Initiative (BRI) chère à Pékin, matérialisent très concrètement les insistantes poussées chinoises dans le sous-continent indien, de Colombo à Dacca, d’Islamabad à Malé.
Attentive et intéressée, la communauté internationale observera de près le déroulement de la campagne électorale ces prochaines semaines et l’organisation du scrutin parlementaire du 30 décembre, espérant que la dynamique favorable dont jouit ces derniers temps ce pays à l’image extérieure généralement plutôt troublée puisse opportunément se prolonger plus avant.
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[1] Des incidents ont du reste mis aux prises dans la capitale bangladaise des sympathisants du BNP et des forces de l’ordre le 14 novembre.
[2] cf. plusieurs centaines de victimes déplorées en amont du scrutin, une vingtaine le jour du vote en janvier 2014 ; une centaine de bureaux de vote détruits par le feu…
[3] Dans le cadre d’une alliance agrégeant une vingtaine de formations politiques distinctes…
[4] A l’instar de ses 55 journées de grève nationale (!)…
[5] En poste d’avril 1971 à janvier 1972, avant d’être assassiné trois ans plus tard.
[6] En accueillant plusieurs centaines de milliers d’individus dans la région frontalière de Cox’s Bazar à l’été 2017.
[7] Pour l’année fiscale 2018-2019, une croissance à nouveau vigoureuse devrait être au rendez-vous (PIB +7,5%).
[8] The Economic Times, 1er novembre 2018.
[9] ‘’Golden chapter in Indo-Bangladesh ties: Narendra Modi’’, The Economic Times, 26 mai 2018.
[10] ‘’Will work together for development’’, The Daily Star, 19 septembre 2018.
[11] Voyons en ce sens le début des travaux en septembre dernier du symbolique Bangladesh-India Friendship Pipeline (130 km de long) reliant Siliguri (Etat indien du Bengale occidental) et Parbatipur au Bangladesh.