17.12.2024
La démocratie prophétique de Jair Bolsonaro élu nouveau président du Brésil
Presse
2 novembre 2018
Chacun de ces termes révèle une part d’inquiétude et de préoccupations démocratiques s’appuyant sur les déclarations faites par le candidat du PSL (Parti social libéral). Démagogue, extrémiste de droite, illusionniste, populiste, sans doute l’est-il, et sans doute tout à la fois. Mais ces mots abstraits se recoupent et se recouvrent mal. Même si tous renvoient à un potentiel liberticide. Jair Bolsonaro est partiellement tout cela. Mais il est aussi autre chose. Ses propos tiennent le cordon qui permet d’enfiler les différentes menaces politiques qui taraudent démocrates brésiliens et du monde. La question posée est de trouver le fil de ce récit à fort potentiel liberticide.
Quel est le lien entre ses propositions sécuritaires, sa critique des quotas en faveur des personnes noires, sa dénonciation de la pensée marxiste et gramscienne, l’annonce d’une révision à la baisse des politiques sociales, ses propos homophobes et misogynes, sa défense des valeurs familiales et de l’enfance, qui serait menacée de sexualisation précoce ? Sans doute n’a–t-on pas prêté une attention suffisante au référent conducteur de son programme de gouvernement et à son style de campagne électorale.
Le référent fondateur est explicitement biblique. «Dieu», est-il écrit en haut de la première page de son programme, «est au dessus de tout». Et en bas, il y a une citation tirée de l’évangile de Jean (Jean 8:32) : «Et vous connaitrez la vérité et la vérité vous libèrera.» Ce sont aussi les premiers mots qu’il a prononcés à l’annonce de sa victoire, dimanche 28 octobre au soir : «Vous connaitrez la vérité et la vérité vous libèrera. Je n’ai jamais été seul, j’ai toujours senti la présence de Dieu.»
Ce Dieu est celui de la variante pentecôtiste de l’évangélisme. Né catholique, Jair Bolsonaro s’est ressourcé, au propre comme au figuré, dans les eaux du Jourdain le 12 mai 2016. Ce jour-là, un pasteur de l’Assemblée de Dieu, Everaldo Pereira, président du parti social-chrétien, l’a baptisé une nouvelle fois, puisqu’il était déjà catholique depuis sa naissance. L’ex-capitaine a intégré dans ses équipes de campagne une batterie de pasteurs porteurs de valeurs et de méthodes simplistes et redoutablement efficaces. Détenteurs d’une vérité présentée comme unique et absolue, ils refusent toute forme de dialogue interreligieux. Ils prônent la recherche individuelle du salut passant par la voie terrestre de la richesse et de la santé. Ils diffusent cette théologie dite de la prospérité sur un mode prosélytiste envahissant, fait de mots simples sollicitant la participation chantante des fidèles. Mais aussi leur présence dans les groupes d’amis de Whatsapp et autres Facebook.
«Inspiré» par Dieu et ses disciples pentecôtistes, Jair Bosonoro a fait une campagne prophétique. Il a diffusé le Verbe, son programme, Bible en main, «sacralisant», ses propositions relatives à la «famille» et «la propriété privée». Prophète, il n’avait pas à débattre avec des adversaires, vecteurs de fausses vérités. Il avait à les dénoncer. Via Twitter et Whatsapp, suivant la voie des évangélistes qui diabolisent les autres confessions, il a voué aux gémonies le parti des travailleurs, la gauche, taxés de «communistes», «socialistes», «idéologies perverses».
Bible d’une main et Constitution de l’autre, Jair Bolsonaro, fort de l’onction de bulletins de vote, assimilés à des prières «illuminant le chemin» du Brésil, a prêté «serment devant Dieu» le 28 octobre au soir. Ce qui laisse augurer une pratique démocratique arbitrée in fine par Jair Bolsonaro au nom de Dieu. Il a vaincu dans les urnes, «grâce à Dieu». Dieu, garant suprême de la Constitution, est ainsi institué en quatrième pouvoir de la république brésilienne, et Jair Bolsonoro en serait le Pasteur représentant le Sauveur «éclairant» la communauté. Dure réalité pour les opposants, hérétiques potentiels, susceptibles de passer par la case Inquisition.