14.11.2024
Coupe du monde de football : une voie qui se dessine pour Maroc 2030
Presse
5 octobre 2018
Cette 21ème Coupe du monde masculine, organisée en Russie en juin et juillet 2018 a été riche d’enseignements, sur le plan géopolitique et ce, à différents titres. Il semble intéressant ici d’y revenir à travers trois perspectives différentes : celle de la FIFA évidemment, celle de la Russie, pays hôte de cette compétition mais également, celle de la Chine, pourtant absente de la compétition.
Pour la FIFA, l’enjeu de cette Coupe du monde était de taille. Entre la compétition au Brésil en 2014 et celle au Qatar en 2022, la FIFA avait donc fait le choix de désigner la Russie comme pays hôte de cette 21ème Coupe du monde et donc de faire revenir la compétition sur le sol européen (la Russie appartient à la confédération européenne). S’il est encore trop tôt (et extrêmement difficile) de prévoir les retombées économiques exactes d’un tel évènement, la FIFA peut néanmoins se réjouir d’un succès populaire, d’une forte médiatisation de cette compétition mais également d’une organisation quasiment parfaite de l’évènement par Moscou. Place désormais à la Coupe du monde 2022 qui sera également un évènement géopolitique de premier plan.
Côté russe, au-delà du très satisfaisant (et inattendu) parcours de la Sbornaya (surnom de l’équipe russe), éliminée aux portes du dernier carré, le bilan de cette Coupe du monde s’est révélé très positif et ce, à plusieurs titres. Sur le plan de l’organisation d’abord et alors que de nombreux observateurs craignaient à la fois pour la qualité des installations et leur finalisation en temps et en heure, force est pourtant de constater que les Russes se sont montrés à la hauteur de l’évènement. Les nombreux reproches faits lors de l’organisation de la dernière olympiade d’hiver à Sotchi n’ont pas, pour cette occasion, été réitérés. Le bilan est également positif sur le plan sécuritaire (tant du point de vue d’un risque terroriste que heurts entre hooligans). Bien que peu d’informations soient disponibles sur le sujet, plusieurs commentateurs ont révélé le travail en amont des services de sécurité pour décourager les hooligans souhaitant profiter de cet évènement pour déclencher des affrontements avec d’autres délégations. Finalement, seule l’irruption sur le terrain lors de la finale de sympathisants des Pussy Riots a pu constituer une ombre au tableau de Vladimir Poutine.
Au-delà de ces éléments, cette Coupe du monde est également intéressante à analyser en termes politique étrangère puisqu’elle vient parfaitement s’inscrire dans la diplomatie sportive, mise en œuvre par Vladimir Poutine depuis le début des années 2000. Cette réussite russe pour le Mondial est d’autant plus importante puisqu’elle intervient dans une période diplomatique complexe pour le Kremlin. Touchée par des sanctions internationales suite notamment à l’annexion de la Crimée, critiquée pour son rôle sur certains théâtres d’opérations extérieures comme la Syrie, mise en cause par Thérèsa May dans l’affaire Skripal et sanctionnée par un boycott diplomatique (après avoir abandonné l’idée d’un boycott sportif), vilipendée pour ce que certains appellent la mise en place d’un dopage d’État, la Russie connaissait depuis une dizaine d’années des difficultés et un isolement relatif sur la scène internationale.
Par l’organisation et le succès de cette Coupe du monde, la Russie est parvenue, pendant un mois, à être en « une » de tous les journaux, de faire parler d’elle d’une façon positive et de mettre en avant sa société, son histoire, son dynamisme. En d’autres termes, par le sport et le football plus précisément, la Russie confirmait sa présence – certains diront son retour – indiscutable sur la scène internationale. Qu’il semble désormais loin le temps des dénonciations de cette organisation, suite à la double attribution décidée par la FIFA en décembre 2010.
Bien que très compliqué, force est pourtant de constater que Vladimir Poutine est parvenu à relever ce pari d’organisation.
Enfin, il est intéressant de s’arrêter sur la présence de la Chine lors de cette compétition. Il ne s’agit pas d’une présence sportive, puisque l’équipe de Chine n’était pas qualifiée, mais au contraire économique. En effet, pas moins de 5 partenaires et sponsors (Wanda, Hisense, Vivo, Mengniu, Yadea) accompagnaient cette nouvelle édition et tend à démontrer l’intérêt croissant de la Chine pour le football. Cette présence trouve une résonnance particulière à l’heure où Xi Jinping a déployé en mars 2015 un programme général de développement et de réforme du football chinois. Prévu sur le court (2020), moyen (2030-2035) et long terme (2050), ce plan entend propulser le football chinois, masculin comme féminin, et faire de Pékin un acteur qui compte dans la géopolitique du football.
Comment analysez-vous l’attribution de l’organisation du Mondial 2026 au Canada-Mexique-États-Unis ?
S’il était besoin d’encore le prouver, cette attribution est éminemment politique et économique. En dépit de la qualité de la proposition marocaine et des arguments (proximité des villes d’accueil, un seul fuseau horaire, importante pour le pays de recevoir un tel évènement) que le Royaume mettait en avant, les fédérations nationales se sont pourtant prononcées pour une triple candidature, inédite dans l’histoire du football mondial. Cette nouveauté va également de paire avec l’élargissement à 48 équipes, contre 32 équipes jusqu’à présent.
Pendant longtemps, j’ai sincèrement cru que le meilleur atout de la candidature du Maroc n’était pas tant le projet en lui-même, mais Donald Trump qui, dans le cadre de sa politique extérieure, depuis son arrivée à la Maison Blanche, visait régulièrement le Canada et le Mexique dans des diatribes hebdomadaires. Difficile de renvoyer une image de cohérence et de pertinence quand le chef de l’État d’un des 3 pays candidats mène une politique agressive envers les deux autres. En outre, comment ne pas retenir les différentes menaces émises par Donald Trump envers les pays qui auraient voulu voter pour la candidature marocaine ?
Cette attribution s’explique évidemment pour des choix économiques qui ont guidé le vote de la FIFA. En effet, il ne faut jamais oublier que la Coupe du monde masculine est le « produit phare » de la FIFA, sa « poule aux œufs d’or ». Le dossier de la triple candidature estimait à 11 milliards de dollars, alors que la marocaine n’en promettait « que » 5.
En outre, et aux vues du résultat des votes, le Maroc n’a pas su s’assurer l’intégralité des votes des fédérations de sa confédération, ainsi que de certaines de la confédération asiatique qui auraient pu lui permettre de jouer à jeu égal.
Quelle stratégie le Maroc peut-il adopter pour faire de sa 6e candidature, un succès ?
Il est difficile de donner une « recette magique », capable de convaincre plus de 200 présidents de fédérations de voter pour le projet.
En revanche, il semble important d’avoir plusieurs éléments en tête.
D’une part, le Maroc, à la suite de la défaite pour 2026, a tout de suite renouvelé sa candidature pour 2030. Bien que la Chine ait pendant longtemps laissé entendre qu’elle candidaterait pour 2030, il semblerait qu’elle se dirige désormais vers 2034, ce qui serait plus logique compte tenu de la proximité de la Coupe du monde au Qatar (appartenant à la confédération asiatique). Cette candidature reportée est donc une bonne nouvelle pour le Maroc qui s’épargne ici un candidat de poids.
D’autre part, il semble important et nécessaire d’avoir un regard objectif sur les échecs des candidatures précédentes. Comment les expliquer ? Quelles faiblesses ont été identifiées ? Plus que jamais une étude doit être menée pour éviter de reproduire les mêmes erreurs et donc de passer, une nouvelle fois, à côté de la désignation.
Il est également essentiel de regarder les candidatures d’ores et déjà présentées. Pour l’instant, une candidature argentino-uruguayenne, ainsi qu’anglaise ont été avancées. Pour cette coupe du monde du centenaire, ces deux candidatures ont pour l’instant, très largement insisté sur l’aspect symbolique de leur proposition (Montevideo était le premier hôte de la Coupe du monde en 1930 ; et l’Angleterre au nom de la maternité de ce sport). S’il n’est pas sûr que ces arguments convainquent les présidents de fédérations nationales, le Maroc devra en revanche travailler sur le message qu’il entend véhiculer avec cette nouvelle candidature et devra démontrer en quoi il porte un modèle différent.
Aussi, plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes. Pour répondre à l’accueil de 48 équipes et de spectateurs et touristes en nombre croissant, les idées d’une candidature aux côtés de l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte, ainsi qu’une candidature inédite avec l’Espagne (ce qui impliquerait l’appel inédit à deux confédérations différentes) été avancée. Les prochains mois s’annoncent donc cruciaux pour le Maroc mais également pour l’avenir du football.