20.11.2024
OPEP-Non OPEP : “Le sommet ne fera pas mention de questions très politiques”
Presse
23 septembre 2018
Le comité conjoint de surveillance Opep/non-Opep (JMMC en anglais) se réunit effectivement dans le contexte que vous avez décrit, et ce contexte pèsera forcément sur ses travaux à Alger. Ce comité est essentiellement chargé d’examiner la conformité des pays membres de l’Opep (15 pays) et de 10 pays non-Opep aux décisions prises conjointement par ces 25 États en matière de production pétrolière pour le second semestre 2018. Il étudiera également la situation du marché pétrolier international, se penchera sur les perspectives de coopération entre ces 25 États pour 2019 et fera des recommandations à l’ensemble de ces pays. L’examen de la situation du marché pétrolier inclut évidemment la baisse de la production et des exportations iraniennes de pétrole brut, qui a déjà commencé et qui va s’accentuer dans les semaines et les mois qui viennent compte tenu du rétablissement des sanctions des États-Unis à l’encontre de ce pays. Les sanctions liées à l’énergie seront à nouveau effectives au début novembre et le compte à rebours a donc déjà commencé. De plus, l’administration Trump se montre très agressive dans la mise en œuvre de ces sanctions. Mais il ne faut pas oublier non plus la chute continue (depuis une quinzaine d’années) de la production pétrolière du Venezuela et les incertitudes sur la production de la Libye. Cela dit, le JMMC ne fera pas mention de questions très politiques. C’est trop délicat et ce n’est pas son rôle. Cela ne signifie cependant pas que leur impact pétrolier réel et potentiel ne sera pas pris en compte.
Selon certains analystes, la réunion d’Alger pourrait conduire à des annonces d’augmentation de la production, une hausse à laquelle s’opposent les Iraniens, mais pour laquelle plaident l’Arabie saoudite et la Russie. Pensez-vous qu’une nouvelle augmentation de la production est justifiable ?
Il faut souligner que le JMMC n’est pas un organe décisionnel. Pour les 15 pays Opep, des décisions ne peuvent être prises que par la Conférence ministérielle de l’organisation, dont la prochaine réunion ordinaire est prévue le 3 décembre. Sauf si une réunion extraordinaire était convoquée, ce qui n’est pas vraiment envisagé pour l’instant, aucune décision ne sera prise le 23 septembre à Alger. Il s’agit de préparer de futures prises de décision et aussi d’envoyer certains signaux aux opérateurs pétroliers, ce qui est différent. Sur le fond, l’Opep et les 10 pays non-Opep qui coopèrent avec elle depuis la fin 2016 avaient décidé d’augmenter leur production d’environ 1 million de barils par jour à compter du 1er juillet 2018. Cette hausse est toute récente. Il est donc très logique d’attendre décembre pour réévaluer la situation, d’autant plus que l’on aura alors une meilleure idée de l’ampleur de la baisse de la production et des exportations pétrolières de l’Iran. Pour l’instant, en effet, l’ampleur de cette baisse fait l’objet de nombreuses hypothèses et spéculations mais, en décembre, nous aurons des faits. Les 25 pays impliqués dans cette coopération auront donc tous les éléments pour prendre des décisions sur le niveau de leur production à compter du début 2019, ce qui ne signifie pas que ce sera une partie de plaisir, notamment en raison du fait que l’Iran s’oppose vigoureusement à ce que d’autres pays lui prennent des parts de marché.
Comment voyez-vous la coopération entre l’Opep et ses partenaires non-Opep au-delà de décembre 2018 et quels sont les facteurs-clés d’un retour à l’équilibre du marché pétrolier ?
Il y a en tout cas une volonté des 25 pays Opep et non-Opep concernés de prolonger, voire d’institutionnaliser, leur coopération, ce qui est en soi un élément positif. Autre point intéressant, les plus gros producteurs de ces deux groupes de pays, l’Arabie saoudite et la Russie, sont partants pour cette coopération et entretiennent un dialogue assez régulier. On voit donc que beaucoup de chemin a été parcouru depuis le premier semestre 2016 lorsque les prix du pétrole étaient au plus bas et que les producteurs n’arrivaient pas à s’entendre pour réagir. Le tournant avait été une réunion à Alger en septembre 2016. Il n’y a, bien sûr, pas que des éléments positifs. Le rétablissement des sanctions américaines contre l’Iran, les très fortes pressions de l’administration Trump et l’hostilité considérable entre l’Arabie saoudite et l’Iran constituent des obstacles sérieux à l’extension et au renforcement de cette coopération. Ce sera d’ailleurs un test pour les 25 pays concernés. À ce jour, le marché pétrolier mondial est plutôt bien équilibré. Il n’y a ni excédent, comme nous l’avons connu entre 2014 et 2017, ni pénurie de pétrole. Mais, il faudra tenter de préserver cet équilibre face à la hausse de la consommation pétrolière mondiale – nous sommes maintenant à 100 millions de barils par jour, et ce n’est pas fini – et à la chute de la production et des exportations de l’Iran et du Venezuela. Ce n’est pas une mission impossible, mais l’équation pétrolière et politique est fort délicate pour 2019.
Propos recueillis par : A. Titouche