ANALYSES

Comment expliquer le retour fracassant des populismes ?

Presse
3 septembre 2018
Interview de Jean-Yves Camus - Les Inrocks
Le retour des populismes, c’est le titre de l’ouvrage auquel vous avez participé. Et c’est sous le signe de ce retour que vous signez cet « Etat du monde ». Est-ce que vous pouvez établir une chronologie de ce retour avec ses temps forts ? 

Ce retour date des années 80, lorsque l’extrême-droite a connu des succès électoraux dont le FN était d’ailleurs un des principaux exemples et a commencé à profiter à la fois de la crise économique qui touchait les classes populaires et de la transformation des sociétés européennes dans le sens du multiculturalisme, non seulement en raison de l’immigration, mais aussi parce que les valeurs culturelles de la gauche portaient ce projet de société plurielle. Une partie non négligeable des électeurs n’a pas accepté ces évolutions. Puis au début des années 2000, ces partis déjà qualifiés de nationaux-populistes, ont entrepris un processus de modernisation visant à gommer les aspects de leur programme et de leur manière de faire de la politique, les plus susceptibles de les inscrire dans la continuité des fascismes. C’est la fameuse « dédiabolisation ». En même temps, des partis sont nés, et d’autres ont prospéré, qui n’étaient pas issus de l’extrême-droite traditionnelle : en Hollande avec Pim Fortuyn, en Scandinavie où les populismes danois, norvégiens, finnois, sont en fait des droites classiques devenues radicales sur la question de l’immigration. Tout ceci sur fonds de ralliement massif de la gauche gouvernementale aux postulats néo-libéraux, tandis que la droite, libérale ou conservatrice, se lançait dans une course aux électeurs qui les voyait embrayer sur le discours identitaire des populistes.

Sur quoi repose ce retour ? Une économie en baisse marquée par la hausse au début des années précarité ? Comment alors expliquer la montée du SD (Démocrates de Suède) en Suède dont l’économie se porte bien, ou mieux que ses voisins ? La vague migratoire est-t-elle la seule explication ?

Bien sûr que non ! Suède, Suisse, Norvège, voilà des économies fortes ! La vague migratoire qui commence en 2015 amplifie le populisme identitaire parce que les attentats djihadistes ont radicalisé une partie de l’opinion, mais elle n’en est pas la cause principale qui est, je le répète, la transformation vers le multiculturalisme de nos sociétés, à un moment où l’Europe perd son hégémonie culturelle, sa force économique et politique, où le récit européen produit par l’UE n’accroche plus, ne mobilise plus. On ne combat pas le populisme identitaire en vendant le grand marché pur et parfait de la concurrence non faussée! La question nationale est légitime quand elle est couplée à la question sociale. Quand il ne reste que la première, le populisme gagne. Pas n’importe lequel : celui qui, outre qu’il oppose le peuple et les élites, oppose « les nôtres » aux « autres ».

Le rôle des affects est également à prendre en compte dans les raisons d’un vote populiste, par exemple la peur de la perte de l’identité ou du niveau de vie. Les populistes créent-ils cette peur ou alimentent-ils quelque chose de bien réel ? Dans le contexte actuel, quelle est la part de responsabilité des médias, et quel rôle et position devraient-ils adopter selon vous ?

La baisse du pouvoir d’achat, la précarité de l’emploi, le projet de retraite par points, le capitalisme financier non adossé à une production industrielle, ce ne sont pas des créations des populistes. La déconnection croissante entre une bonne partie de nos élites, politico-administrative ou économique, et le peuple, non plus. Quant à l’identité, c’est une réalité, à condition qu’on admette qu’elle est évolutive et complexe, plurielle. Les populistes, qu’il faut plutôt appeler populistes identitaires, n’ont rien créé, ils ont prospéré sur les renoncements de leurs adversaires. Concernant les media, je n’ai jamais pensé qu’ils aient créé le phénomène, ni même qu’ils en aient amplifié l’écho. L’immense majorité fait son travail qui consiste à rapporter et analyser des phénomènes politiques qu’on ne peut ignorer, quand le vote pour les populistes identitaires concerne entre un quart et un tiers des électeurs. Je ne suis pas journaliste et n’ai pas à définir comment ceux dont c’est me métier doivent aborder le phénomène. Je sais seulement que ni le sensationnalisme, ni la démonisation ne fonctionnent. La réfutation argumentée des programmes et propositions, le contact de terrain avec les militants et les électeurs de ces partis, en plus de leurs dirigeants, me semblent l’attitude moralement et intellectuellement préférable.

Vous définissez le populisme comme un « un style de gouvernement par lequel un dirigeant souvent charismatique tente d’établir un lien direct avec le peuple pour gouverner par-dessus les corps intermédiaires« . Une définition qui permet souvent aux commentateurs de mettre à la même enseigne le discours d’un Jean-Luc Mélenchon avec celui d’une Marine Le Pen. Pourtant, il s’agit bien du retour despopulismes. Est-ce que vous pourriez préciser, dans le cadre européen, comment se caractérisent les différents populismes en Europe ?

Ces commentateurs se trompent, parce que précisément, ni LFI, ni Podemos, ni Syriza, ne proposent d’établir la préférence nationale ou la rémigration [politique qui viserait à organiser le retour dans un pays des personnes ayant précédemment émigrés, ou de leurs descendants. Nldr] parce que leur manière d’aborder la question nationale reste dans le cadre de l’universalisme, même si je m’inquiète des discours qui, dans la gauche radicale, tentent d’opposer les personnes « racisées » aux autres. Donc oui, il existe, à gauche, des formations qui mettent en cause la manière dont les élites mettent en œuvre des politiques néo-libérales dures pour les plus faibles et favorables aux plus aisés. C’est légitime et ne peut être balayé d’un revers de main, sauf à renforcer ceux-là même qu’on veut combattre.

D’un autre côté, les populismes semblent se retrouver sur l’idée selon laquelle la politique repose sur la distinction entre ami et ennemi, sur la nécessité de désigner l’ennemi. Sauf que l’ennemi n’est pas le même à droite (l’étranger) et à gauche (les élites du capitalisme financier mondialisé) et que la solution n’est pas la même chez les populistes des droites radicales, qui veulent faire taire ses adversaires en utilisant les moyens de l’Etat pour les marginaliser, alors que ceux de gauche radicale admettent le rôle central de la conflictualité en politique et veulent trouver les moyens de résoudre les conflits dans le cadre de la démocratie pluraliste. D’ailleurs la gauche radicale a plutôt des adversaires que des ennemis : un ennemi, selon Carl Schmitt par exemple, est susceptible d’être détruit par l’Etat; Chantal Mouffe, autre exemple, prend au sérieux l’œuvre de Schmitt [philosophe allemand du XXe siècle], mais elle précise bien que l’Etat n’est pas là pour détruire l’ennemi, il doit dégager des solutions au conflit légitime et inévitable qui découle de l’antagonisme des adversaires.

Ces populismes, d’ailleurs, entretiennent des liens, comme on le voit avec le Mouvement Europe des nations et des libertés (MENL), groupe européen regroupant de nombreux populistes du continent, ou encore le projet d’ »Europe des nations » de Marine Le Pen. Peuvent-ils (ou sont-ils déjà) en mesure de peser d’une même voix sur le projet européen ? D’ailleurs, sont-ils assez semblables idéologiquement pour porter un projet commun, ou leur union ne dépend-elle que du refus absolu de Bruxelles et le désir de renouer avec une plus grande souveraineté politique ?

Le poids des populismes identitaires sur le projet européen est d’ores et déjà avéré. C’est une des raisons pour lesquelles il n’existe pas de politique commune des flux migratoires, une des raisons pour lesquelles il est maintenant envisagé de faire une Europe à plusieurs vitesses. Ils ont déplacé le centre de gravité du jeu politique et obligé la droite comme la gauche à ajuster son discours et son projet. Le président Macron en prend acte quand il dit que l’identité des peuples se réveille partout. Laurent Wauquiez a le vote frontiste en tête quand il évoque ces « français qui ne veulent plus se sentir étrangers chez eux ». Mais ces populismes parleront-ils d’une seule voix ? J’en doute. Ce sont d’abord des nationalismes et comme tels, ils s’inscrivent dans une histoire, une tradition et une culture qui diffère d’un pays à un autre. Un nationaliste hongrois aura bien du mal à s’accorder avec un nationaliste roumain ou slovaque, au-delà d’une détestation commune du libéralisme culturel, du multiculturalisme et des Roms, ou des Juifs. Il existe des plus petits communs dénominateurs, dont le refus absolu de l’Europe supra-nationale. Cela suffit à faire front commun pendant une campagne électorale comme celle qui s’annonce pour 2019, et sans doute au Parlement européen. Bien que : Orban a-t-il intérêt à rompre avec le groupe conservateur PPE, qui ne le mets pas dehors? Le PiS polonais voudra-t-il se marquer à l’extrême-droite? Rien n’est moins sûr !

Lors de son récent discours aux ambassadeurs européens, Emmanuel Macron a parlé d’un « retour des peuples« . Cela annonce nécessairement le retour des populismes ?

Non. Le retour des peuples, c’est aussi l’émergence d’un monde multipolaire face au projet, partagé je crois entre Trump et Poutine, d’un retour à la gestion des grandes affaires du monde par les deux pays héritiers des deux blocs de la guerre froide. Le retour des peuples, c’est, ou cela devrait être, le constat qu’on ne peut accéder à l’universel qu’en sachant qui on est et quelle est notre histoire. C’est un fait : la majorité des européens ne se sent pas spontanément appartenir au « village global » et ne se définit pas en premier lieu comme « citoyen du monde ». Ce qu’il faut, c’est de la clarté. Ainsi, un pays dont la population n’accepte pas les règles fondatrices de l’UE doit pouvoir le dire par les urnes, mais quand elle s’exprime pour sortir, il faut respecter son choix. De même un gouvernement ne peut pas être « à géométrie variable » sur la question européenne, prendre les fonds structurels et refuser la solidarité dans la mise en œuvre d’une politique migratoire commune. Il fallait penser, au moment de rejoindre l’UE, à ce que cela impliquait !

Ces dernières années ont vu l’accès au pouvoir de figures populistes, à l’image du sulfureux Matteo Salvini de la Ligue du Nord en Italie. Parallèlement, des mouvements plus informels ont gagné en puissance médiatique et en adhérents, à l’image de Defend Europe/Génération identitaire ou Casapound. Est-ce qu’on peut dire qu’il y a aujourd’hui deux formes de populismes, l’un institutionnel et l’autre informel ? Est-ce que les deux se font écho et peuvent se rejoindre ?

Encore une fois, la Lega est certes populiste, mais son ADN est l’identité et l’immigration, elle a d’ailleurs commencé comme un mouvement ethniciste indépendantiste. Il existe un populisme identitaire institutionnel et un autre plus informel. Ce dernier a vocation à jouer, et Génération identitaire le dit, un rôle d’aiguillon idéologique (vis à vis du FN/RN notamment) comme de « lanceur d’alerte » qui distille dans l’opinion des idées qui ne sont pas assumables, en l’état actuel des choses, par des partis à vocation gouvernementale, par exemple la remigration ou l’incompatibilité intrinsèque de l’islam, même culturel, avec la présence sur le sol européen. Le même jeu s’est joué entre PEGIDA et AfD, entre les fraternités étudiantes nationalistes et le FPÖ, entre certains mouvements activistes flamands et le Vlaams Blok. Casapound est un peu à part parce que son projet est ouvertement fasciste, même si le groupe ajoute « du IIIe millénaire ». Il incarne davantage une contre-culture qu’une école de cadres pour la Lega. Il existe des mouvements qui fonctionnent comme des « avant-gardes militantes ». C’est exactement le cas de GI. Ces avant-gardes sont des viviers naturels de cadres et d’idées pour les partis de la droite populiste identitaire. Cela vaut même en Europe de l’est, par exemple en Pologne avec le Club des conservateurs-monarchistes (KZM), qui est un laboratoire intellectuel très intéressant.

On a souvent minimisé l’importance des mouvements populistes, pensant peut-être naïvement qu’on ne connaîtrait plus des discours s’approchant de ceux proférés par les fascismes des années 30. Or, la mobilisation de milliers de néonazis et militants de Pegida, le 26 et 27 septembre dernier, ne prouvent-elles pas que leurs discours trouvent encore un écho dans la population ? L’exemple cité ne relève-t-il que d’une spécificité allemande ?

La spécificité allemande réside dans le fait qu’une formation extrême comme le NPD ait pu recueillir plus de 9% des voix en Saxe en 2004 et encore 4,9% en 2014. Sur un programme politique qui est non pas ouvertement nazi, puisque la loi l’interdit, mais tout de même très proche, le NPD, qui dépassait déjà la barre des 4% en 1969, donc dans la seule Allemagne fédérale, est entré dans plusieurs parlements régionaux à l’est, dès le milieu des années  2000. Il s’est décomposé depuis, mais a participé aux premières manifestations de PEGIDA et dans une moindre mesure, aux actuelles. Le nombre des militants néonazis en Allemagne est estimé par les services de renseignements à 6000, en hausse par rapport aux années précédentes. Les actions violentes qui leur sont imputables sont nombreuses, dont certaines sont homicides, comme le montre l’histoire du réseau NSU et des 9 meurtres qu’il a commis. Mais il existe également des petits groupes néo-nazis ailleurs, à commencer par le Mouvement de la Résistance Nordique en Suède, qui a aligné 300 manifestants très déterminés récemment.

La résurgence des discours fascistes des années 30 est-elle le fait des populistes ? Je ne pense pas. Le fascisme est une idéologie structurée, fondée non seulement sur l’opposition du peuple et des élites et sur l’idée d’une communauté nationale organique ( qu’on retrouve dans la Lega ou au RN) mais sur le corporatisme, l’idée d’un « homme nouveau », celle du Parti-Etat encadrant toute une population. Or ces derniers éléments ne se trouvent pas dans les populismes scandinaves ou dans l’UDC suisse par exemple, qui sont des partis classiquement de droite, libéraux en économie, nationalistes et identitaires, mais qui, quand ils ont participé au pouvoir, n’ont pas éliminé leurs adversaires comme les fascismes l’ont fait. On ne renforce pas le combat idéologique contre les populismes identitaires, bien au contraire, en l’assimilant au fascisme. Car ces populismes sont de leur époque, celle de la société globalisée et post-moderne, de la démocratique cathodique, dont ils ont apprivoisé les codes avec beaucoup de flexibilité.

Plus généralement, la plus grande visibilité de groupes populistes relève-t-elle simplement d’une décomplexion de la parole, souvent raciste, ou d’une réelle hausse de l’adhésion des populations ?

Le baromètre publié chaque année dans le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) montre une augmentation de l’indice de tolérance, pas une régression. Et en même temps que ce rapport constate une basse statistique des actes racistes et antisémites, il souligne que leur gravité augmente, qu’on a dépassé le stade des mots (injures et menaces) pour aller vers la violence physique. Quand il s’agit de juger la place de l’islam en France et celle des musulmans (de culture ou de pratique) dans notre pays, l’opinion publique se raidit, comme le montrait en 2017 le sondage annuel réalisé par IPSOS pour la Fondation Jean Jaurès et Le Monde. Il existe bien une adhésion croissante des sondés aux idées que les normes culturelles de l’islam sont peu compatibles avec celles de la République et que « les immigrés » ne font pas assez d’efforts pour s’intégrer. Il faut y voir le contrecoup des attentats islamistes, mais sur le plus long terme, c’est bien la transformation de la France en pays multiculturel qui semble être contestée, alors même que nous ne sommes absolument pas passés à un cadre juridique communautariste et que les comportements communautaristes ne sont le fait que de petites minorités actives.

Mais à l’image de ce même exemple allemand, et sans faire dans l’alarmisme, est-ce possible de découvrir à l’occasion, mettons d’un meurtre d’un français blanc par des migrants, qu’une partie signifiante de la population se retrouve dans les thèses populistes ? Comment expliquer que la mort d’un Allemand par un migrant révèle une présence, qu’on pensait certainement moins importante, de néo-nazis en Allemagne alors que la mort d’Adrien Pérez, début août à Grenoble, est loin d’avoir provoqué autant d’émules, bien que Génération Identitaire ait largement voulu instrumentaliser sa mort ?

Précisons d’abord que la victime de Chemnitz était un métis, né de père cubain. D’où le spectacle, le 31 août, de manifestants d’extrême-droite agitant en sa mémoire le drapeau d’un des derniers pays communistes du monde! Et défilant aussi avec une rose blanche, donc en retournant un des symboles de la résistance anti-nazie: le groupe dit de la « Weisse Rose » était composé de jeunes adversaires chrétiens du régime hitlérien. Ceci étant dit, la présence des néo-nazis en Allemagne est, comme je l’ai dit, un fait documenté par les chiffres précis donnés par le rapport annuel de l’Office pour la protection de la Constitution. On ne pouvait pas davantage les ignorer que le nombre des participants, parfois entre 15 et 20,000, des manifestations PEGIDA de 2014-2015. Génération identitaire d’une autre nature idéologique, doit rassembler au plus un millier de militants et sympathisants, et je n’ai jamais vu une de leurs manifestations sur la voie publique avec plus de 500 participants. L’extrême-droite allemande est très divisée, mais elle dispose de nombreux groupes locaux, autonomes, qui savent se rassembler et rejoindre les partis structurés (NPD; AfD) en cas de mobilisation majeure. En France, ce n’est pas le cas. Surtout, les manifestations PEGIDA et AfD ont réussi ce que GI ne peut faire : agréger aux militants politiques des citoyens qui ne sont pas engagés à leurs côtés et font nombre. C’est la différence entre tenter de récupérer un mouvement social et l’impulser. Ajoutons enfin que les droites identitaires allemandes ont développé ces dernières années une presse (les magazines Compact et Zuerst; l’hebdomadaire Junge Freiheit) largement distribuée en kiosques et qui touche donc un public plus large que les revues strictement militantes.

Finalement, si en Allemagne les thèses populistes révèlent des tendances néonazies, quelles formes peuvent-elles prendre idéologiquement en France ? D’ailleurs, n’est-ce pas une des différences majeures entre les populismes des années 30 et ceux d’aujourd’hui, c’est-à-dire l’absence d’une idéologie clairement identifiée à l’instar du national-socialisme ou du fascisme ? 

Vous avez raison, les droites extrêmes en France ont perdu en vigueur idéologique. C’était inévitable dès lors que le FN voulait se normaliser, mais c’est aussi un effet de génération : au sein de l’actuel RN, très peu nombreux sont les acteurs ou mêmes les témoins, des grands épisodes fondateurs qu’ont été la seconde guerre mondiale et la guerre d’Algérie. Même les militants d’Ordre nouveau (mouvement politique néo-fasciste du début des années 70 ayant précédé la création du FN ndlr) sont devenus rares !

D’ailleurs les jeunes militants ne veulent pas s’engager dans un parti qui rejoue les défaites historiques de son camps. Ils veulent une formation qui parle d’ici et de maintenant, avec le langage et les vecteurs propres aux générations à la fois post et anti-soixante-huitardes. Le fascisme comme le nazisme sont des idéologies de l’ère des masses et de la véritable transformation que marque la guerre de 14-18, d’où date le vrai début du XXè siècle, qui modifie davantage les habitudes sociales et les mentalités que plusieurs siècles confondus. Ils ne sont plus adaptés aux sociétés occidentales contemporaines.

Toutefois le populisme identitaire demeure, avec la gauche radicale, la seule idéologie qui, potentiellement au moins, promet un changement radical de paradigme et porte une vision du monde. Daniel Cohn-Bendit vient de déclarer que« refuser le monde qui vient est aussi absurde que naguère, refuser l’électricité ». Si encore c’était le langage de la fatalité ! Mais c’est celui de l’enthousiasme. Or il existe nombre d’européens qui ne veulent pas revenir à la lampe à pétrole mais que le monde qui vient ne rend pas euphoriques. J’en fais partie. Suis-je condamné pour autant à devoir être gouverné par les populistes identitaires ?

Propos recueillis par Valentin Pacaud
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