17.12.2024
En pleine tempête des “affaires” : Donald Trump pourrait-il tirer profit de la tentation démocrate de transformer les prochaines élections en référendum contre lui ?
Presse
23 août 2018
Pour l’instant, la mise en cause reste très fictive : Michael Cohen a déclaré avoir payé deux femmes sur les ordres d’un homme qui était candidat à une position fédérale. Même si tout le monde comprend qu’il parlait de Donald Trump, sur le plan juridique, il n’a accusé personne directement. Par ailleurs la mise en cause reste très légère et le crime n’en est pas un : tout au plus une infraction qui vaudrait une amende à son auteur. L’impact sur les élections semble totalement négligeable dans la mesure où plus personne ne semble capable d’influencer les électeurs avec ce type d’affaires : cela fait deux ans qu’elles sont montées en épingle et que les témoins, faux-témoins, vrais ou faux coupables sont disséqués dans les médias ou sur certains blogs ou certains comptes de réseaux sociaux.
On imagine assez mal qu’un électeur de Trump puisse avoir été impressionné par cette séquence.
Pourtant, il faut se montrer prudent car Lenny Davis, l’avocat de Michael Cohen, prétend que son client connaît beaucoup de choses embarrassantes pour le président et qu’il a l’intention de se confier au procureur Mueller. Mais, là encore, l’impact sur la campagne reste limité : d’abord parce que le procureur travaille dans le secret et que les procédures seront nécessairement longues, et nous amènerons donc bien au-delà de la campagne. Et surtout parce qu’il faudrait que les secrets révélés soient vraiment horribles, choquant, ou hors du commun pour que la base électorale de Donald Trump en soit perturbée.
Le seul impact réel sera certainement une tentation pour certain de transformer la campagne en référendum anti-Trump, sur l’air de « c’est un escroc, voulez-vous d’un escroc à la Maison-Blanche ? ». On est toutefois bien obligé de rajouter que cet air-là a déjà été joué pendant la campagne de 2016 et que cela n’a pas empêché Donald Trump d’être élu président.
Dans un contexte de polarisation politique toujours plus marquée, apparaît la tentation, pour le parti démocrate de transformer cette élection en référendum anti-Trump. Quels seraient les avantages, et les inconvénients, d’une telle stratégie pour les opposants au président des Etats-Unis ?
Les avantages paraissent évidents en surface : ce serait principalement un moyen de répondre à un électorat de gauche qui s’est très largement positionné dans une attitude anti-Trump systématique. Pour beaucoup d’Américains, notamment ceux qui se reconnaissent dans un mouvement de « résistance », ce président n’aurait jamais dû être élu et il a « volé » la victoire à Hillary Clinton. Ceux-là rappellent d’ailleurs dès qu’ils le peuvent que ce président n’a pas gagné le vote populaire mais qu’il a été élu grâce au système du collège électoral. Dans de nombreux états, ces électeurs attendent donc de leurs représentants aux congrès qu’ils mènent avec la même énergie une lutte contre Donald Trump.
Mais ce n’est qu’une stratégie à court terme et les cadres du parti démocrate y sont tous opposés. Car les inconvénients sont plus forts que les avantages, et ils sont doubles : d’abord, la tentation de transformer cette élection en référendum anti-Trump ne mobilisera pas uniquement ceux qui veulent le voir quitter la Maison-Blanche. Inévitablement, cela ressoudera le camp des propres soutiens, qui ne laisseront pas leur poulain se faire massacrer sans réagir. Le parti démocrate pourrait alors avoir à faire face à une participation bien plus importante que prévue du côté des républicains, alors que ce type de scrutin n’est pas renommé pour une participation forte.
Mais, surtout, en cas de victoire du parti démocrate à la chambre des représentants, il y a le risque que les nouveaux élus du parti démocrate se laisse emporter par leur fougue et par la pression de leurs électeurs : l’un d’entre eux, voire plusieurs, pourraient alors être tentés de déposer des articles d’Impeachment, dans le but de faire plaisir à leur base. Quelle erreur ! Toutes les projections indiquent que le parti républicain devrait conserver le sénat, quoi qu’il arrive. Et même si tel n’est pas le cas, jamais les démocrates ne gagneront une majorité suffisante (60 voix sur 100) pour faire condamner le président au cours du procès qui suivrait.
Un Impeachment ne serait donc rien de plus qu’une vaste opération de déstabilisation du gouvernement, avec le risque évident que les électeurs ne pardonnent pas au parti démocrate d’avoir provoqué un tel chaos en n’étant pas certain de pouvoir mener la procédure à son terme.
Quelles sont les cartes que Donald Trump peut encore jouer, notamment au regard de son bilan, pour mobiliser efficacement ses troupes, et éventuellement encore surprendre pour ces élections ? Aurait-il lui même intérêt à pousser à une « nationalisation » des enjeux dans une élection ou domine les enjeux locaux ?
On peut le penser car son bilan est excellent sur le plan économique, voire exceptionnel. Personne n’aurait imaginé voici deux ans qu’il puisse parvenir à un tel résultat et il a tout intérêt qu’on s’intéresse à sa réforme des impôts, aux chiffres du chômage, aux cours de la bourse, à la croissance du pays ou à la reprise économique globale aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas là-dessus qu’il compte le plus : Donald Trump reste fidèle à lui-même et divise les deux camps pour être certains que les troupes qui lui sont fidèles vont le rester. En semant perpétuellement le chaos entre les deux groupes, il sait bien que les républicains sont trop occupés par leur combat avec l’autre camp pour porter un regard critique sur ce qui a pu être réalisé. Ainsi, il dépasse deux écueils qui font sombrer tous els gouvernement : l’impatience et la déception. Dans son cas, l’un et l’autre ne pointent pas parce que les supporters de Donald Trump se sentent continuellement attaqués lorsque les démocrates attaquent leur champion. C’est une stratégie très efficace qui maintient Donald Trump en campagne permanente. Et c’est bien ce qu’il fait de mieux. Pour tenter d’élargir cette base, il ne lui reste alors qu’au répéter régulièrement qu’il obtient aussi de bons résultats économiques, tout en dénonçant cette opposition « stérile » et « agressive », qui « veut voler sa victoire au peuple ».