17.12.2024
Cette modification des règles électorales américaines qui pourrait produire un duel Trump / Bernie Sanders en 2020
Presse
29 août 2018
Dans un contexte politique et social très chargé, tant aux Etats-Unis que dans le reste du monde, cette mesure est quasiment passée inaperçue. Pourtant, elle est effectivement de première importance et pourrait changer la physionomie de la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis.
On s’en souvient, Bernie Sanders a mené une croisade incessante, virulente et bruyante contre le système des super-délégués dans les primaires démocrates.
Il faut rappeler qu’il s’agit d’un procédé qui permet à la direction du parti de s’assurer que le candidat sélectionné ne s’écartera pas trop au final de la ligne traditionnelle du parti, qui consiste à rester à équidistance entre les plus modérés et les plus radicaux. En ne se fâchant avec personne, cela assure ainsi la base la plus large dans le but de remporter l’élection.
Bernie Sanders a dénoncé l’entourloupe anti-démocratique, alors que la jeunesse se mobilisait très fortement autour de son nom et de ses idées, au grand dam des démocrates de l’establishment. Il a montré qu’il n’avait pas tort car le choix des électeurs a souvent été « corrigé » par ces grands électeurs : ainsi, à titre d’exemple, Bernie Sanders à battu Hillary Clinton de plus de 14 points dans le Wisconsin, remportant 49 délégués. Mais, grâce au système des supers-délégués, constitués de cadres du parti, d’élus, ou d’anciens élus, qui ont très majoritairement fait le choix de l’ancienne ministre des affaires étrangères, l’écart a finalement été gommé : dans ce même exemple du Wisconsin elle a remporté 47 délégués de son côté, bien plus que ce qui correspondait à son score pourtant beaucoup plus faible que son opposant, ce qui a réduit à néant la victoire pourtant indiscutable de Sanders dans cet état. Et, au fil des primaires, état après état, le parcours de Bernie Sanders est devenu un parcours du combattant, quasiment perdu d’avance d’ailleurs. Bien entendu, il en aurait été tout autrement si ce système de parachute très favorable à Hillary Clinton n’avait pas existé.
Les partisans du système des super-délégués répondent toutefois que cela permet de ne pas laisser émerger un candidat du type de Donald Trump. Et il est vrai que les républicains n’ont pas un tel système, ou son équivalent.
Selon un sondage récent réalisé par Politico – Morning Consult, on peut constater que Bernie Sanders domine les sondages d’opinion, avec une avance de 12 points sur Donald Trump. Dans quelle mesure une nouvelle candidature de Bernie Sanders pourrait-elle effectivement tourner à l’avantage du Sénateur du Vermont ?
La cote personnelle de Bernie Sanders reste en effet très haute depuis l’élection. Il a su développer des thèmes qui ont touché les jeunes, notamment la proposition d’imposer a gratuité pour les études à l’université alors que c’est un véritable problème outre-Atlantique et qu’il faut le plus souvent s’endetter très lourdement pour espérer pouvoir suivre sereinement des études supérieures. Partant de cette idée, toutes ses propositions tournées contre le capital, les élites et visant à gommer les inégalités ont également rencontré un énorme succès. Le caractère injuste du système des super-délégués, qui lui a donc barré la route de l’élection générale, a renforcé ce sentiment très fort de la part d’une jeunesse qui est souvent inquiète pour son avenir et ne croit plus dans les vielles recettes de la politique et de ceux qui les portent depuis si longtemps. Etonnamment Bernie Sanders, qui est loin d’être jeune, est devenue une icône. Son âge lui a permis aussi d’avancer la promesse qu’il ne se présentait que pour effectuer un seul mandat et d’être crédible auprès de son électorat potentiel, loin de ces velléités que l’on soupçonne souvent chez les hommes politiques de poursuivre la conquête du pouvoir pour leur satisfaction personnelle. Tout aussi étonnamment, personne ne semble remarquer qu’il est encore plus vieux aujourd’hui et personne ne lui propose de se mettre sur la touche : sa candidature semble assez inéluctable et il devrait à nouveau figurer sur la ligne de départ dès l’année prochaine, à l’âge donc où il promettait la dernière fois de se retirer.
Quand on regarde les concurrents potentiels qui s’annoncent autour de lui, on est frappé tout d’abord par le grand âge de la plupart d’entre eux : les plus anciens leaders démocrates semblent tous penser que leur tour est arrivé et qu’ils sont tous la bonne personne pour battre Donald Trump. A ce jeu-là, toutefois, nul doute que Bernie Sanders, qui a eu le courage de se lancer face à Hillary Clinton en 2016, a capitalisé déjà suffisamment pour faire la différence dans son camp. Le choix de la direction du parti de reléguer le système des grands électeurs à un simple recours en cas de vote bloqué lors de la convention, donne en effet un grand avantage à Bernie Sanders ; il pourrait cette fois faire la différence avec les candidats plus modérés, et en particulier Joe Biden qui est très largement annoncé dans cette course également.
En quoi une telle situation marquerait-elle une rupture, aussi bien pour le parti démocrate, d’une part, que pour le pays ?
Le côté inédit de la campagne 2020 sera le positionnement des deux candidats principaux, se voulant l’un comme l’autre les champions de la rupture et les porte-paroles des mécontents : Trump et Sanders, ou qui que soit le candidat qui émergera au parti démocrate, seront très certainement portés par les plus radicaux dans leur partis respectifs.
C’est une situation très dangereuse pour l’un comme pour l’autre car les plus modérés vont se sentir orphelins : on a vu que le parti républicain a mal vécu le montée du trumpisme ; le parti démocrate pourrait à son tour mal vivre la montée des « liberals », ce qui dans le sens américains signifie très « à gauche ». Cette situation en rappelle d’autre dans l’histoire américaine comme quand, en 1948, quatre candidats se sont affrontés dans ce scrutin majeur, ou en 1968, lorsque George Wallace est venu confisquer 13,5% des voix et a remporté 5 états dans le sud, ou encore en 1992, quand la candidature de Ross Perot a fait basculer le scrutin, donnant la victoire à Bill Clinton alors qu’elle tendait les bras à George H. Bush.