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Kerala : « On s’attendait cette année à une mousson délicate dans cette partie de l’Inde »

Presse
22 août 2018
Interview de Olivier Guillard - France Info
L’Inde est habitué aux ravages de la mousson. S’agit-il là de quelque chose d’exceptionnel ?

Olivier Guillard : De toute évidence, on s’attendait cette année à une mousson un petit peu délicate dans cette partie de l’Inde. Malheureusement, elle n’a pas déçu en termes d’impact. Les tourments que nous pouvons voir aujourd’hui ont peut-être été sous-évalués par les autorités. Le décompte aujourd’hui de cette catastrophe saisonnière saute aux yeux de tous. [Cette mousson] n’est pas très surprenante en cette fin d’été dans le sous-continent indien. On est déjà à un moment où les précipitations sont relativement fortes en juin, juillet et août. Cette année, elle est un petit peu plus importante que d’autres dans cet État du Kerala, à la pointe sud du sous-continent. Il avait été prédit il y a un peu plus de deux mois que cette partie du pays serait relativement bien dotée en eau et que les conséquences de la mousson seraient certainement légèrement supérieures à la moyenne en termes de quantité d’eau déversée.

Comment se situe cet État du Kerala au sein de l’Inde ?

C’est un des très bons élèves de l’Inde. C’est l’État qui a pratiquement le meilleur paramètre en termes de développement socio-économique, en termes d’alphabétisation, de soins accordés à la population. C’est un tout petit État, qui fait en superficie trois fois le département de la Gironde, pour une population de 33 millions d’individus. C’est aussi un État baigné par des courants océaniques, qui est de tout temps exposé à la mousson. Mais pas plus que d’autres. Le management des autorités n’est sans doute pas en cause dans l’importance des destructions. On a coutume de dire que le Kerala a des paramètres de gestion supérieurs à certains États des États-Unis. C’est dire si on est bienveillant. L’Inde demeure, au XXIe siècle, peut-être parmi les cinq ou six plus importantes économies du monde. Mais il reste un État en développement. On ne doute pas que ce qui devrait être mis en œuvre dans cette partie du pays le sera avec l’aide du gouvernement central. Mais le processus va être long. On a un historique de gestion de ce type d’évènement en Inde qui est relativement long. Mais L’Inde s’est toujours remise de ce genre de catastrophes.

Le bouleversement de l’écosystème dû aux modifications économiques du pays a-t-il pu amplifier les ravages de cette mousson extrême ?

Ce qui est certain c’est que les autorités vont se pencher sur les conséquences du développement de cet État. Mais de toute évidence, certaines choses vont être repensées. Les politiques gouvernementales sont souvent longues à se mettre en place en Inde. Il va peut-être falloir réduire le circuit un petit peu long dans la prise de décisions. C’est une des faiblesses récurrentes de l’Inde. La situation d’urgence va certainement pousser à être moins complaisant avec le discours et à mettre en œuvre les politiques qu’il faut sans avoir à passer des décennies à en débattre. Les autorités indiennes ont essayé depuis le début des années 1990 de prendre un rythme de croissance pour sortir des centaines de millions d’Indiens de la pauvreté, ce que l’Inde a réussi remarquablement à faire. Il reste encore beaucoup de travail. Évidemment, les États en développement dans ce début de troisième millénaire nous renvoient, nous nations développées, l’idée que notre développement à nous ne s’est pas fait sans conséquences sur le développement humain et sur l’environnement. Les Indiens demandent un peu de temps pour se mettre aux normes. Les Indiens tiennent ce discours « nous ne sommes pas de mauvais élèves, mais donnez-nous un petit peu de temps pour nous adapter ». Tout ceci requiert énormément de ressources.
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