13.12.2024
Trump : un allié qui menace notre souveraineté
Édito
5 juillet 2018
La décision de Donald Trump de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien a de multiples causes : volonté de défaire ce qu’a réalisé Barack Obama ; détestation de l’Iran au sein de son électorat ; volonté de satisfaire Tel-Aviv et Riyad. L’importance de cette décision unilatérale est moindre par rapport à une autre qui lui est liée : sanctionner toute entreprise, quelle que soit sa nationalité, qui continuerait de commercer avec Téhéran.
En dénonçant l’accord de Vienne, les États-Unis exercent un droit souverain. Un executive order d’un président peut en annuler un autre. Les électeurs américains se sont exprimés et, sur ce point comme sur d’autres, Donald Trump avait annoncé la couleur lors de sa campagne. Cependant, s’il est dans leur droit de couper toute relation commerciale avec l’Iran, imposer, sous peine de lourdes sanctions, aux compagnies étrangères d’en faire de même est proprement hallucinant.
Ce qui est en cause est le caractère extraterritorial de la législation américaine et le rôle du dollar comme monnaie internationale. Pour des raisons liées à la géopolitique régionale, tous les signataires de l’accord ont protesté, mais la mise en cause de leur souveraineté par la menace de sanctions est bien plus grave et a une portée mondiale. C’est bien la liberté de décision des autres pays qui est ici en jeu. Après avoir indiqué qu’il trouverait les moyens de se protéger contre d’éventuelles sanctions, les Européens semblent dresser le constat amer d’un manque de moyens immédiats, pour protéger leurs entreprises. Ce ne sont pas uniquement les grands groupes qui ont des activités aux États-Unis qui se sont retirés du marché iranien, mais également des petites et moyennes entreprises.
Donald Trump pourra triompher en montrant à ses électeurs qu’il a su imposer une décision unilatérale à une grande partie de la planète qui pourtant en contestait le bien-fondé.
En France, chacun garde en mémoire l’exemple de BNP Paribas, qui, en 2015, dut payer une amende de 9 milliards de $ pour avoir contrevenu aux réglementations américaines de l’époque sur l’Iran. L’exécutif d’alors n’avait pas réagi et n’avait pas pris la mesure de cet épisode, qui ne concernait pas seulement une seule entreprise française, mais portait atteinte à la souveraineté du pays dans son ensemble.
Ce blocus imposé à l’Iran permettra-t-il de faire tomber le régime, comme le souhaite Donald Trump ? Ce n’est pas certain et la théorie du « chaos constructif » a déjà montré ses limites. Le problème majeur ne concerne pas le régime iranien, mais l’avenir de la souveraineté de nos nations. Il faut faire en sorte qu’une telle menace ne puisse plus jamais être opposée à nos pays et réfléchir en ce sens aux dispositions à prendre. Lorsque l’euro a été adopté, il fut présenté comme une alternative au dollar en tant que monnaie internationale et était le symbole d’une Europe devenant un acteur global. Il est plus que temps de faire preuve de volontarisme en ce domaine.
Ne nous payons pas de mots, la décision de D. Trump remet fondamentalement en cause notre souveraineté.
Notre incapacité à résister aux décisions aux conséquences extraterritoriales de Donald Trump constitue l’un des plus graves défis stratégiques que la France a à relever. Mais c’est peut-être dans ce genre de circonstances que nous devons réagir.
En 1956, après la désastreuse expédition de Suez, la France a été profondément humiliée. Mais elle en avait tiré une leçon : ne plus jamais dépendre des États-Unis pour sa protection. Cette dernière avait pérennisé la décision de doter le pays de l’arme nucléaire et d’une autonomie stratégique. La situation est aussi grave aujourd’hui ; il faut, face au diktat actuellement en œuvre, se doter des moyens d’assurer notre souveraineté de demain.
Face à un défi d’une telle ampleur, nous n’avons pas le droit de rester sans aucune réaction.
Il faut sortir des schémas traditionnels et du prêt-à-penser atlantiste. Certes, les États-Unis sont nos alliés, mais ils mettent en cause notre indépendance comme aucun autre État ne le fait aujourd’hui. Que signifie dès lors la notion d’alliance ? Ne faut-il pas, au contraire, avec les Européens, les émergents, le Mexique, le Canada, mais aussi la Russie et la Chine, voir comment faire pour que ceci ne se reproduise plus ? Pendant la guerre froide, les États-Unis ont protégé notre liberté. Aujourd’hui, il la menace. Il ne sert à rien, et il est même dangereux, de continuer à psalmodier de façon léthargique la litanie et la liturgie de l’alliance et des valeurs communes.