ANALYSES

« La Colombie n’est jamais vraiment sortie de la spirale de la violence »

Presse
18 juin 2018
L’élection d’Ivan Duque signe-t-elle l’interruption du processus de paix ?

Officiellement non, car Ivan Duque a fait campagne en promettant des modifications à l’accord de paix de 2016 sans jamais en préciser les détails. Elu, il reste sur cette position et pour l’instant, les accords sont toujours en vigueur. Pour le nouveau pouvoir, les ex- guérilleros, notamment des FARC , sont des délinquants qui ont fauté et doivent aller en prison.

Mais il faut bien voir que, de leur côté, les FARC ont, tout au long des négociations de 2012 à 2016, fait un long chemin et accepté des concessions qui rendent aujourd’hui délicate toute remise en question de l’accord. Je ne vois pas comment ils pourraient accepter sans réagir. Rien à ce stade n’est clair sur l’ampleur et l’issue des modifications qui seront portées à l’accord. Pour l’instant, Ivan Duque a créé un rapport de forces. Mais les FARC ne sont qu’un élément parmi d’autres. Quant à la population, elle s’est montrée jusqu’à présent relativement indifférente à cette question. Lors du le taux d’abstention était de 62 %. Lors de cette élection, il était encore de 47 %.

Les risques de reprise de la violence et du narcotrafic sont-ils réels ?

La Colombie n’est jamais vraiment sortie de la spirale de la violence. Certaines régions périphériques comme celle de Tumaco (département de Nariño, au sud ouest, NDLR) sont toujours affectées par les luttes de clans. Aujourd’hui, pas moins de douze groupes armés seraient en train de s’affronter pour récupérer le terrain laissé par les FARC. Les superficies ne sont pas précises, mais dans cette zone, elles porteraient sur plus de 20.000 hectares. La tension est palpable dans les villes aussi. Ainsi, à Medellin, la deuxième du pays, des signaux d’alerte se sont récemment allumés du fait d’une recrudescence des assassinats dans les quartiers défavorisés de la ville à flanc de colline.

Quel rôle les Etats-Unis peuvent-ils jouer à présent dans la paix en Colombie ?

Traditionnellement, la Colombie était l’allié des Etats-Unis en Amérique latine. Depuis l’arrivée de Donald Trump, le climat a changé car le président américain, du fait des quantités de drogue qui entrent sur le sol des Etats-Unis en provenance de Colombie, voit ce pays sous un angle négatif, voire hostile et non plus comme l’allié d’antan. Il a d’ailleurs annulé une visite qu’il devait effectuer dans la capitale. La relation est donc plus compliquée. Cela suscite une vraie inquiétude chez les Colombiens qui tentent de se rapprocher des pays occidentaux ou de l’Asie. L’une des dernières actions de Juan Manuel Santos a été d’intégrer la Colombie à l’OCDE et aussi de conclure une association avec l’Alliance Atlantique. Mais d’une manière générale, c’est l’incertitude aujourd’hui qui domine.

Propos recueillis par Michel de Grandi
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