20.11.2024
Algérie, puissance régionale entre défis et incertitudes
Presse
13 juin 2018
Elle détient la seconde armée en Afrique du Nord, après l’Égypte (GFP 2018) et était le septième exportateur mondial de gaz en 2015.
La conjoncture géopolitique – caractérisée par l’instabilité régionale et la montée de la menace terroriste – et la rente pétrolière, le pétrole dépassant les 100 dollars le baril durant une quinzaine d’années, ont incité l’État algérien à moderniser son armée et à renforcer la sécurité des frontières, se dotant d’équipements technologiques de défense modernes (radars, appareils de communication, etc.).
Avec un budget militaire qui dépasse les dix milliards de dollars en 2017 (treize milliards en 2015), l’Algérie est classée septième dans la liste des pays importateurs d’armes dans le monde, avec 3,7 % du marché mondial entre 2013 et 2017, derrière l’Inde, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Chine et l’Australie (SIPRI, 2018).
La résistance de l’État algérien face à la menace terroriste dans les années 1990 et ensuite face aux convulsions de la révolte dite « Printemps arabe » en 2011 lui ont valu d’être un partenaire-clé – pour les États-Unis et l’UE – dans la coopération internationale pour la lutte contre le terrorisme au Maghreb et au Sahel, et de jouer un rôle central pour la stabilisation de la région.
L’Algérie trouve dans cette conjoncture une aubaine pour renforcer son poids stratégique et rivaliser ainsi avec le Maroc qui était jusque-là le partenaire privilégié des puissances occidentales.
Sur le plan économique, la hausse des cours du pétrole avait permis à l’État d’effacer sa dette extérieure et de lancer de grands projets de construction d’infrastructures et de centaines de milliers de logements, et de soutenir le développement d’entreprises locales qui accompagne la politique de libéralisation du marché destinée à encourager la croissance économique et la création d’emplois.
Pourtant, malgré ces avancées et cette stabilité apparente, l’Algérie est menacée par de graves crises internes et externes qui la fragilisent. La dépendance à l’exportation des hydrocarbures constitue un handicap majeur pour le développement économique du pays.
Les différentes réformes et politiques de libéralisation n’ont pas réussi à développer une économie productive susceptible de créer des richesses et des emplois et de réduire ainsi la dépendance à la rente pétrolière.
Le spectre de la révolte sociale
L’absence d’un système bancaire et financier modernisé entrave également le développement économique du pays, d’autant que le marché parallèle occupe une proportion considérable des échanges (environ 45 % du PNB).
C’est pourquoi la chute vertigineuse des cours du pétrole, en 2014, a plongé le pays dans une crise économique sévère qui risque de freiner la croissance économique et mettre en jeu la stabilité du pays.
La baisse de la rente pétrolière oblige l’État à recourir à une politique d’austérité – réduction des dépenses, suspension des subventions de produits de base, augmentation des prix et introduction de nouvelles taxes – des mesures qui frappent sévèrement les couches sociales pauvres et les classes moyennes.
La hausse relative des cours du pétrole en cette année 2018 ne réglera pas le problème financier du pays, compte tenu de la hausse de l’inflation qui induit une baisse flagrante du pouvoir d’achat des Algériens.
Le gel des recrutements dans la Fonction publique ne ferait qu’accroître considérablement le taux de chômage, renforçant ainsi le spectre de la révolte sociale, à moins que le secteur privé ne se développe de façon à absorber rapidement une proportion importante des jeunes candidats au marché du travail.
La situation politique suscite également beaucoup d’inquiétudes, notamment à l’approche des élections présidentielles de 2019.
Recul démocratique
La crise s’aggrave avec l’intention du président Bouteflika de briguer un cinquième mandat, créant l’incertitude quant à l’avenir du pays et un recul des principes démocratiques. La concentration du pouvoir autour du Président et de son entourage fragilise encore plus les institutions politiques en Algérie et entrave le projet d’une transition démocratique encadrée et maîtrisée.
D’autant que seuls les partis islamistes constituent pour le moment une opposition réellement structurée, face à l’effritement de l’opposition qui émane des courants n’ayant pas le religieux comme référent.
Ces crises évoluent dans un environnement régional hostile à cause de l’instabilité en Libye et au Sahel qui menace la sécurité du Maghreb et rend vulnérable les frontières algériennes, notamment avec l’accroissement et l’enchevêtrement du terrorisme (AQMI, EI) et de la criminalité organisée (trafic d’armes, drogue, etc.).
Cela s’ajoute au conflit du Sahara occidental qui oppose la RASD soutenue par l’Algérie et le Maroc et entrave ainsi toute coopération régionale : économique, sécuritaire ou autre.
Pourtant, la probabilité d’une déstabilisation du pays est à écarter. D’une part, les institutions publiques, principalement l’armée, sont solides. D’autre part, la population algérienne – marquée par le spectre libyen et syrien – ne serait pas séduite par une révolte armée en cas de grogne sociale, d’autant que des voies de protestations alternatives émergent au sein de la société civile encouragées par les nouvelles technologies.
En revanche, en cas de révolte sociale, des organisations terroristes ou criminelles, voire des groupes hybrides, pourraient profiter de la situation pour commettre des attentats dans le but de déstabiliser le pays.
En somme, quel que soit l’homme qui dirigera le pays après 2019 et la nature du régime, l’État algérien fera face à trois grands défis : préserver la sécurité du pays face à la menace terroriste et à l’instabilité régionale ; sortir de la dépendance à la rente pétrolière par le développement d’une économie productive locale ; et enfin préparer une réelle transition démocratique pour satisfaire une société qui aspire de plus en plus à l’ouverture politique et aux libertés individuelles.