17.12.2024
Coopération États-Unis – Amérique latine : la Chine de plus en plus proche
Presse
10 mai 2018
Mais derrière Taiwan relégué au rang de région économique de la Chine continentale au même titre que Macao ou Hong Kong, ce sont les États-Unis qui perdent influence et rayonnement commercial. Certes, Taipeh n’est plus le partenaire chinois privilégié par Washington, mais reste malgré tout un point d’appui protégé. Intervenant après bien d’autres, le choix diplomatique de la République dominicaine est révélateur d’un changement d’époque.
Deuxième puissance économique du monde, la Chine a développé sa présence internationale y compris en Amérique latine. Ses présidents successifs ont «ouvert le bal» au tournant du millénaire. Ils ont été suivis assez vite par les ministres du gouvernement central, puis par diverses autorités locales, et enfin par des acteurs économiques, privés comme publics. Dès 2010, un accord de libre échange avait été négocié et signé avec le Pérou.
La Chine a très vite cherché à donner une pérennité à ces échanges humains. Un livre blanc a été publié en 2008. La Chine a consolidé ses rapports avec le Brésil via une appartenance commune au groupe BRIC. La destitution douteuse de la présidente Dilma Rousseff n’a rien changé, du point de vue de la Chine, aux rapports bilatéraux. Michel Temer, chef d’État intérimaire du Brésil a été invité au Sommet BRIC de Shanghaï. Un réseau de consultance et de recherche en espagnol, REDCAEM, a été mis en place en 2015[1]. La CEPAL, Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a organisé à Santiago du Chili une première conférence internationale Chine/Amérique latine en 2015. À peine constituée, la CELAC, Communauté d’États latino-américains et caraïbes, a été invitée à Pékin en 2015. Un Forum Chine-Amérique latine (FCC) a été créé. Il s’est réuni au Chili pour la deuxième fois le 23 janvier 2018. Ces différentes rencontres ont été l’occasion de doter le FCC de structures permanentes.
Le repli national effectué par les États-Unis avec Donald Trump a été saisi par Pékin pour bonifier le rapport mutuel. Initiative bien reçue par des dirigeants politiques et des responsables économiques latino-américains déconcertés par le retrait des États-Unis du TPP, (accord de partenariat transpacifique), et la dénonciation de l’ALENA. Rex Tillerson, secrétaire d’État démis par Donald Trump avait lancé l’alerte le 2 février dernier. «Chine et Russie», avait-il déclaré à l’occasion de son unique déplacement en Amérique latine, «constituent une menace commune aux intérêts des pays de l’hémisphère occidental».
Remercié de façon cavalière, il n’a pas été vraiment remplacé, pas plus que la stratégie commune aux Amériques qu’il avait tenté de proposer à son chef. Donald Trump dénonce la montée en puissance économique et commerciale de la Chine, tout comme celle de l’Europe et de l’Amérique latine. Cette offensive commerciale tous azimuts, sans mode d’emploi réaliste, ouvre la voie à toutes sortes de rapprochements entre la Chine, toujours signalée par les États-Unis comme adversaire principal, et une Amérique latine en quête de nouveaux équilibres.
Le choix de Pékin, assumé sans complexe par la République dominicaine, pourrait en annoncer d’autres. Le Chili a adhéré en 2017 à la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), créée par Pékin en 2015. L’Uruguay est en négociations depuis plusieurs semaines avec la Chine. La Chine a actualisé le livre blanc de ses relations avec l’Amérique latine, le 25 novembre 2016. Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a signalé publiquement qu’il négociait un accord de libre échange avec Montevideo le 26 janvier 2018. 2018 devrait voir se multiplier les occasions de rencontres entre décideurs, consultants et universitaires.
Révélateur d’une montée en puissance bilatérale, les liaisons aériennes ont été densifiées. Le 7 avril 2018, Air China a inauguré une liaison directe Panama/Pékin. Celle-ci complète les vols Pékin/São Paulo, via Madrid ; Pékin/La Havane via Montréal ; et les offres concernant le Mexique proposées par les compagnies China Southern Airlines et Hainan Airlines.
De fait, en 2017, la Chine aura été le troisième partenaire commercial de l’Amérique latine. Déjà le premier de l’Argentine, du Brésil, du Chili et de l’Uruguay, le deuxième du Costa-Rica, du Mexique et du Pérou. Les investissements chinois dans la région, toujours en 2017, selon la CEPAL, ont représenté 15% du total. Les trois pays accueillant le plus d’investissements chinois sont, dans l’ordre, le Brésil, le Pérou et l’Argentine. Ces investissements privilégient les secteurs minier, de l’énergie, des télécommunications, des travaux publics. Ces investissements cumulés ont généré la création entre 2001 et 2016 de 254 000 emplois, essentiellement au Brésil, en Équateur et au Mexique. La Chine, enfin, est devenue le banquier de l’Amérique latine. Elle est aujourd’hui son premier créancier, loin devant la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement.
Ce n’est sans doute qu’un début. Les latino-américains sont intéressés par le grand projet de route de la soie, certes euro-asiatique, mais qui pourrait dépoussiérer les souvenirs du galion des Philippines. D’autant plus qu’ils n’attendent rien de particulièrement positif de la part des États-Unis. Situation insolite et même paradoxale qui est celle de voir la coagulation d’une alliance entre une Chine communiste-libérale et celle de pouvoirs latino-américains libéraux-anti bolivariens …
[1] Red China America Latina