17.12.2024
Mexique-Etats-Unis : qui rira le dernier ?
Tribune
2 mai 2018
Le 25 avril 2018, le Sénat mexicain a ratifié le CPTPP (le Traité intégral et progressiste d’association transpacifique[1]), quasiment au lendemain de la fin réussie d’une négociation Mexique-Union européenne (UE). Donald Trump, dès le lendemain a surpris. Réagissant au quart de tour, il a signalé la possibilité d’un compromis sur l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) avec le Mexique et le Canada, compromis jusque-là publiquement rejeté.
L’enchainement concomitant de ces événements déconcerte. Depuis l’entrée de Donald Trump à la Maison-Blanche le 1er janvier 2017, rien ne va plus entre Washington et Mexico. Le président des États-Unis soigne sa popularité, ainsi que son capital électoral en affrontant le camp mexicain.
Depuis janvier 2017, fidèle à ses engagements de campagne, Donald Trump a multiplié les déclarations blessantes et les initiatives agressives. Commerce, immigration, déploiement de l’armée sur la frontière, de tweet en tweet les mauvaises nouvelles pour le Mexique se sont enchainées.
Au point comme l’a reconnu le Secrétaire mexicain aux relations extérieures, Luis Videgaray, de ne plus savoir sur quel pied danser avec Donald Trump. Conclusion a-t-il dit dos rond avec les États-Unis et en parallèle défense et illustration de nos principes.
Dos rond évident, le rapport de forces étant ce qu’il est. Les Mexicains ont donc évité de polémiquer. Ils ont tenté à plusieurs reprises d’amadouer en direct Donald Trump. Encore candidat, rompant avec une tradition de non-ingérence électorale, le « Premier » mexicain Enrique Pena Nieto avait en août 2016 invité le candidat Trump à Mexico. Il avait changé de Secrétaire d’État et désigna pour cette fonction Luis Videgaray, ami personnel du gendre de Donald Trump.
Devant l’évidence de l’absence de résultats, cette approche diplomatique a été mise en sourdine. Dès lors, le Mexique a choisi de répondre coup pour coup sur le terrain économique et commercial. Sans doute par nécessité, celle de trouver au plus tôt des partenariats alternatifs au cas où l’ALENA in fine serait dénoncée. Mais certainement aussi pour se placer sur le terrain privilégié par Donald Trump celui du poker diplomatique en mode bras de fer.
Un an et demi plus tard, les autorités mexicaines peuvent exiger une fin de partie, cartes sur table. Ils ont en effet réussi à construire de façon pragmatique un réseau alternatif sur bien des points à celui qu’ils avaient consolidé avec les États-Unis depuis 1994, date de la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain.
Pressés par l’urgence de la situation, ils ont exploré toutes les voies bilatérales et multilatérales possibles. Sans a priori idéologiques, ils ont multiplié les contacts et signé des accords avec des blocs commerciaux, l’Union européenne et le TPP. et également avec les BRICS. De son côté, le Canada sollicité avec succès est devenu membre de l’Alliance du Pacifique[2], en avril 2018.
Les grands acteurs du commerce international, Chine et Japon n’ont par ailleurs pas été oubliés. Tout comme les pays européens pris dans leur individualité, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, mais aussi la Pologne, la Slovaquie, la Suisse et la Russie. Des partenaires jusque là peu présents ont également été visités, Ghana, Israël, Turquie, Vietnam. Les chantiers de demain, tout aussi improbables il y a deux ans, seraient ouverts. Par exemple avec le concurrent continental historique, le Brésil.
Face aux avancées mexicaines, Rex Tillerson, Secrétaire d’État nord-américain, s’en était publiquement inquiété le 1er février dernier. Il avait proposé une nouvelle donne, une nouvelle doctrine Monroe aux pays latino-américains qui devait être sanctionnée par Donald Trump au VIIIe sommet des Amériques de Lima les 13 et 14 avril 2018. Cependant, Rex Tillerson a été brutalement remercié le 13 mars 2018 et Donald Trump a présenté un bulletin d’excuses syrien pour éviter le la rencontre continentale au Pérou.
Quinze jours plus tard, le Mexique a abattu coup sur coup trois cartes majeures : l’adhésion du Canada à l’Alliance du Pacifique, la fin heureuse des négociations commerciales avec l’Union européenne et la ratification de l’Accord TPP avec les pays riverains du Pacifique. Le 25 avril, Donald Trump, rompant avec ses discours habituellement critiques sur l’ALENA, rétropédalait : « Les choses bougent. (..) On avance bien sur l’ALENA. Il pourrait y avoir une signature bientôt. Bien que je ne sois pas sûr que ce soit bon pour les États-Unis », a-t-il déclaré à des journalistes.
Le Mexique aurait-il comme la Corée du Nord trouvé la bonne clef pour contraindre Donald Trump à s’asseoir sérieusement à la table de négociations ? Celle du « Gros bâton » et des dollars alternatifs ?
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[1] Pays parties, Australie ; Brunei ; Canada ; Chili ; Japon ; Malaisie ; Mexique ; Nouvelle-Zélande ; Pérou ; Singapour ; Vietnam.
[2] Organisation interaméricaine créée en 2011 par le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili