ANALYSES

Les 7 bases de la relation entre Emmanuel Macron et Donald Trump

Presse
23 avril 2018
Par - Huffpost
Le jeune Président des villes va rencontrer le vieux Président des champs. Tel pourrait être le début d’une fable moderne. Encore faudrait-il en trouver la morale.

Le jeune Président des villes va rencontrer le vieux Président des champs. Tel pourrait être le début d’une fable moderne. Encore faudrait-il en trouver la morale. Et ceux qui se lanceront dans cette tentative risquent de se casser les dents. Car, à bien y regarder, les choses ne sont pas aussi figées qu’elles en ont l’air.

Un Président impopulaire

Leurs relations ont bien mal commencé. Donald Trump est le Président américain le plus impopulaire de tous les temps dans notre pays, après une campagne qui en a rebuté plus d’un sur la planète, et particulièrement en France. Car, justement, de planète, il a beaucoup été question chez nous, au point qu’Emmanuel Macron a lancé son célèbre « Make our planet great again », au nom de la défense de l’environnement, détournant le non-moins célèbre slogan de campagne du milliardaire américain qui souhaitait, lui, ne rendre la grandeur qu’à l’Amérique et ne s’en tenir à ça. « L’Amérique d’abord » et même « l’Amérique et rien que l’Amérique » sont devenues ses marques de fabrique et une bonne raison de ne pas aimer celui qui semble tant nous snober –nous les Français et le reste du monde– pour ne se préoccuper que de ses compatriotes. Quelle rupture avec les années Obama et l’impression étrange que ce premier président noir était également un peu le notre, comme si toutes les frontières s’étaient envolées et que les deux continents s’étaient soudain prodigieusement rapprochés!

Comparaison n’est pas raison

Un an plus tard, les deux hommes vont s’afficher à la face du monde comme étant les meilleurs amis du monde. Peu importe la différence d’âge, de statut, de langue, de culture, d’aspiration ou de politique: ces deux-là vivent insolemment une lune de miel, même s’ils ne sont pas passés par la case mariage. La modernité sans doute, celle qui est dans l’air du temps, qui consiste à rejeter les modèles et les mondes anciens et à créer de l’Histoire à chaque pas dans leurs deux présidences respectives. Ce voyage d’Emmanuel Macron est une consécration dans son mandat, qui lui permet d’être reconnu comme un grand de ce monde et nous allons célébrer ce moment avec lui car cela place enfin notre pays au rang qui doit être le sien aux yeux de ce peuple américain que nous avons été les premiers à aider, lors de leur révolution.

Quand l’amour est né

Voilà d’ailleurs le secret de la recette de ce met qui nous est servi en plat principal: nos deux peuples se sont toujours aimés. Les plus attentifs ajouteront la question inévitable: qu’auraient-ils fait sans nous en 1776? (Qu’aurions-nous faits sans eux en 14-18 ou en 39-45?, nous dit l’écho). Rappelons donc très brièvement –car cela sera certainement l’objet d’une campagne très intense–, que les Français ont envoyé le marquis de Lafayette, pour voler au secours d’une pauvre armée américaine, qui était alors en construction et en débâcle, et lui a permis de faire la différence face à ces Anglais si solides et bien préparés, notamment dans les combats maritimes. Autant le dire sans détour, sans nous, il n’y aurait pas aujourd’hui un pays qui s’appelle « les Etats-Unis d’Amérique ». Voilà, c’est dit. N’est-ce pas donc que justice que nous remplacions dans le cœur des Américains ces Anglais qui ont si longtemps usurpé notre rôle dans la « relation spéciale » qu’ils entretiennent avec leurs « cousins » outre-Atlantique?

C’est quand même Donald!

Toutefois, lorsque qu’Emmanuel a invité Donald à participer aux célébrations du 14 juillet, l’année dernière, la surprise a d’abord été grande. Pour ne pas dire immense. Le rejet qu’inspire le président américain et la modernité que veut incarner notre jeune président ne semblaient pas compatibles. La vigueur de l’attaque surprise menée sur les réseaux sociaux, avec un discours en anglais, un détournement de slogan et, quelques jours plus tard, une vidéo aux côtés d’Arnold Swarchzenegger ne laissaient prévoir ni qu’une telle invitation serait lancée, ni que la réception serait aussi grandiose. Il faut donc croire que le poids de l’Histoire s’est imposé aux deux hommes et qu’ils ont l’un et l’autre endossé des costumes correspondant à leur charge, pour servir la continuité de cette relation extraordinaire entre nos deux pays, même si on peut relever quelques brouille de ci de là. Le lien entre les deux nations est indéfectible, comme le soulignait en son temps le général de Gaulle, et rien ne doit venir l’affaiblir: « Qui sont les meilleurs alliés lorsque le malheur arrive? », interrogeait-il.

Le lien militaire

Ainsi, c’est d’abord un lien militaire qui nous unit. Après s’être combattus du temps où les Américains n’étaient que les colons anglais (il y a eu, on l’ignore souvent une guerre dite « des Français et des Indiens »), l’amitié est véritablement née durant cette Révolution et les ennemis d’hier sont devenus des amis pour toujours. George Washington, le premier président, a affirmé cette affection forte et la réception qui sera donnée dans sa maison de Mount Vernon en est le rappel ; un lieu éminemment historique et symbolique pour les Américains, qui est à la hauteur d’une réception à la Tour Eiffel, à laquelle Donald Trump a eu droit, comme invité de marque. On fêtait alors le centenaire du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. Les fêtes du tricentenaire de la fondation de la Nouvelle-Orléans, qui auront lieu en même temps que cette visite, résonnent avec les mêmes accents d’une liaison très ancienne qui unissent nos deux pays. Ces moments symboliques permettent de glorifier notre entente militaire qui est sans cesse renouvelée, comme actuellement dans la crise syrienne, et qui passe, au quotidien, par une coopération étroite et continue sur tous les points du globe, même si elle est plus marquée encore en Afrique (Mali et Centrafrique pour ne prendre que des exemples récents): une coopération dans le renseignement, ou sur un terrain plus politique, et qui inspire un respect mutuel.

Ne parlons pas de politique étrangère

Peu importe alors qu’il n’y ait semble-t-il pas grand chose de commun entre les États-Unis et la France au niveau de la politique étrangère. Du côté de Trump les choses sont très claires: il cultive le non-interventionnisme et le nationalisme et n’intervient pas à l’extérieur, sauf en cas de nécessité extrême. Il a toutefois gardé une force de frappe rapide dans la lutte contre le terrorisme et se considère légitime pour intervenir n’importe où sur la planète au nom de la sécurité vitale de son pays. Pas de problème du côté de Macron qui partage totalement cette vision avec lui. Comme il y a deux siècles et demi, c’est le partage d’une vision commune pour les buts ultimes qui permettent d’avancer d’un même pas: la révolution américaine n’était pas la nôtre, mais nous cultivions déjà un amour des causes supérieures. C’est pour cela que l’apport de Lafayette à la conquête de l’indépendance est enseigné dans les écoles américaines, et que son nom est glorifié un peu partout dans ce pays. Son nom a été fréquemment donné depuis à des rues, des stades, des écoles, des bibliothèques ou autres bâtiments publics, et c’est immanquablement ce dont on nous parle lorsqu’on dit enfin à un interlocuteur américain que l’on est français. La reconnaissance n’est pas feinte et c’est bien au cri de « Lafayette, nous voilà » qu’il se dit que les GI ont débarqué dans notre pays, à deux reprises, même si ce n’est là qu’une légende. Ce qui n’est pas faux, en tous cas, c’est que le général Pershing, s’est bien rendu en juillet 1917 au cimetière de Picpus, pour honorer la tombe de Lafayette.

Tant d’autres liens

Notre relation n’est pas que militaire. Elle s’est construite avec le temps comme une relation se construit entre deux amis: avec des hauts et des bas, certes, mais surtout avec des petits rien et des grands moments ; à travers le commerce, la culture, les échanges d’étudiants, le tourisme, les arts, les aspirations, les promesses, et les espoirs. La complicité entre les présidents français et américain du 14 juillet 2017, aux Invalides, à l’Élysée, ou à Tour Eiffel, n’était donc que l’aboutissement d’un parcours commun qui est déjà vieux de 242 ans. Que Macron et Trump aient en commun une ascension politique fulgurante n’a rien changé à cet état des choses. Pragmatiques et transgressifs, ils vouent tous les deux un culte à la performance et nous ne pourrons donc pas être surpris lorsqu’il se présenteront à nouveau, main dans la main, devant les photographes, pour que la photo soit belle.

En juillet dernier, les deux présidents se sont rapprochés et ont peaufiné leur image, en s’appuyant sur une relation ancestrale qui ne pouvait que les grandir, l’un comme l’autre. D’un côté, Zeus avec ses étoiles américaines et, de l’autre, Jupiter avec sa cocarde tricolore. Trump et Macron n’ont pas que l’ambition en commun. Ils possèdent aussi une vraie compréhension des symboles.

Tout comme Napoléon, devant le tombeau duquel on les a vu si complices, les deux présidents cherchent à marquer leur passage et veulent remodeler le monde. C’est une entreprise incroyable qui leur permet de se retrouver et de marcher d’un même pas, quelle que soient leur différences. Emmanuel Macron joue désormais un rôle majeur dans la cour des grands. Il a su attirer la lumière à lui, tout comme Donald Trump. La visite de l’Américain en France accréditait sa thèse de l’engagement bilatéral entre les nations. Pas besoin de faire du « multilatéralisme » parce que ça marche très bien en « one to one ». Cette fois-ci, la visite du Français aux Etats-Unis permettra de montrer au monde que les deux leaders sont devenus les meilleurs amis du monde. Autrement dit des alliés.
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