ANALYSES

Les services de renseignements allemands révèlent au Bundestag que les missiles nord-coréens peuvent atteindre l’Europe

Presse
22 mars 2018
Selon les informations relayées par le quotidien allemand Bild, les services secrets allemands (BND) auraient confirmé aux parlementaires du ​pays que la Corée du Nord était en capacité de frapper l’Allemagne et l’Europe avec ses missiles. Dans quelle mesure ces informations peuvent-elles être confirmées ? Quelles en sont les conséquences pour les européens ?

On est ici en présence d’une « information » relayée par Bild, le champion de ce que les Allemands appellent « BoulevardPresse », qui se situe entre presse à scandale et presse people.

Plus encore, il s’agirait de « révélations » faites par le service de renseignements allemand au cours d’une audition à huis clos devant des parlementaires, sans autres précisions sur le contexte.
Au-delà des doutes que l’on peut donc avoir sur la validité de l’information, la question est cependant intéressante et mérite d’être posée. En se souvenant que, en dehors des services de renseignement chinois, américains, japonais et russes, il est peu probable que d’autres pays aient des informations fiables sur le sujet. Avant tout, frapper (ou menacer de frapper) l’Allemagne ou un autre territoire européen aurait, pour la Corée du Nord, très peu de justification et encore moins d’utilité, à quelque niveau que ce soit. D’ailleurs, l’Europe n’est pas citée dans les rodomontades de Kim. Par contre, quand on sait que l’obsession de Pyongyang est l’acquisition d’une capacité de frappe sur le territoire américain, c’est la question de portée qui se pose pour donner, au moins, une information concrète. Et (hors Alaska), Europe et Etats Unis sont à des distances équivalentes, moins de 9000 kilomètres.

Une frappe à cette distance est donc théoriquement possible, les quelques essais effectués ces derniers temps par Kim, vrais lancements de satellites ou essais déguisés de missiles à longue portée, le prouvent. Il faut cependant relativiser très largement cette menace. La fiabilité des lanceurs nord-coréens reste très faible et la réussite de la mise au point de charges nucléaires pouvant être embarquées reste à démontrer. Mais, surtout, ces missiles ne sont pas encore indépendants d’un pas de tir en surface et de préparatifs relativement longs. Cela veut dire que, si de tels préparatifs devaient avoir lieu, ils seraient détectés bien avant le lancement. S’ils devaient être considérés comme menaçants, le missile pourrait donc être détruit préventivement. Cette situation devrait évoluer, car il semble que la Corée du Nord travaille activement à la mise au point de missiles stockables qui pourraient être tirés depuis des silos ou, mieux encore, depuis un véhicule TEL (transporteur érecteur lanceur).
Par contre, cette potentielle capacité de la Corée du Nord impacte directement la sécurité des Etats-Unis. Et, si les Européens n’ont pas à avoir de craintes directes, cela reste un problème de niveau mondial.

Ne peut-on pas estimer que la France, pourtant membre du conseil de sécurité, s’est faite trop discrète sur la question coréenne ? Dans quelle mesure les intérêts européens sont-ils pris en compte dans les négociations actuelles ?

Dans les négociations actuelles, les Européens ne sont pas présents. Leurs intérêts directs sont pratiquement nuls et leur prise en compte est du même niveau. Indirectement, ce qui compte pour les pays de l’UE, c’est de gérer -en même temps – une volonté de ne pas se brouiller avec la Chine et la nécessité de trouver une position à peu près commune vis-à-vis de l’administration Trump. La France, dont la voix est actuellement très peu audible e dehors de ses propres frontières et de ses propres médias, ne peut que se contenter de quelques appels très formels à la raison et la retenue.

La consultation du site du Ministères des Affaires étrangères est assez édifiante à cet égard. Tout au plus, dans le cadre des négociations « secrètes » qui se tiennent actuellement entre des « sherpas » américains, nord-coréens et quelques fois sud-coréens, Paris pourrait, comme n’importe quelle autre capitale dans le monde, fournir un lieu de réunion. Mais il faut se souvenir que la France est, avec l’Estonie, le dernier pays européen à n’entretenir aucune relation diplomatique avec la Corée du Nord, ce qui diminue encore le poids qu’elle pourrait avoir. Par contre, les diplomates nord-coréens en poste à l’UNESCO vivent, avec leur famille, en France.

D’un point de vue de la dissuasion, et puisque la question de l’Allemagne est ici évoquée, quel est le « protecteur » nucléaire de Berlin ? Les Etats-Unis assurent-ils ce rôle vis-à-vis de Berlin ou est-ce que la France, malgré sa doctrine plus restrictive, offre à l’Allemagne et au reste de l’Europe une protection par la dissuasion au reste du territoire de l’UE contre le régime nord-coréen ?

Comme il a été dit plus haut, il n’y a pas vraiment de menace nord-coréenne directe contre les pays de l’Union Européenne. Et la France n’a aucune raison -ni vraiment les capacités opérationnelles d’ailleurs- d’exercer une dissuasion vis-à-vis de Pyongyang, que ce soit à son propre profit et encore moins au profit d’autres pays. Tout au plus, on pourrait dire que, théoriquement et si la menace devait exister, les Etats-Unis, dans le cadre de l’OTAN en particulier, restent les alliés des Européens.
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