19.12.2024
Présidentielle en Russie : les enjeux de l’élection pour Poutine et l’Europe
Presse
15 mars 2018
Tout le monde sait que Vladimir Poutine va être réélu. Qu’il le soit avec 65%, 70% (NDLR : ce que prévoient la plupart des sondages) ou 80% des suffrages exprimés ne change pas grand-chose. Les chiffres de la participation seront en revanche intéressants à observer. Vladimir Poutine va-t-il faire mieux que les 63% de 2012 ? Le pouvoir a essayé ces derniers mois de mobiliser l’électorat malgré les appels au boycott d’Alexeï Navalny. Un chiffre autour de 70% de participation serait un très bon résultat pour le Kremlin même si cela parait hautement improbable. A l’inverse, un score proche des 50% serait très décevant.
L’absence de l’opposant Alexeï Navalny, dont la candidature a été invalidée, modifie-t-elle profondément cette élection ?
Navalny aurait fait au grand maximum 10% des voix. Il n’avait aucune chance d’être président et ne constituait pas une menace électorale pour Poutine. Pourquoi donc ce dernier a bloqué sa candidature ? L’un des traits du régime est qu’il cherche à limiter les risques en éliminant toute menace, qu’elle soit réelle ou potentielle. Le Kremlin redoutait probablement que ses revendications, comme le nationalisme ou la lutte anti-corruption, puissent se faire entendre.
Qu’en est-il des autres candidats comme l’ancienne star de la télévision, Ksenia Sobtchak, ou le candidat communiste Pavel Groudinine ?
Ils ne réaliseront pas des scores importants mais ne sont pas à mettre sur le même plan. Ksenia Sobtchak a fait entendre durant cette campagne, et notamment sur les plateaux de télévision où elle était invitée, une musique libérale et s’est montrée très critique envers la politique de Vladimir Poutine en Syrie et en Crimée. Elle semble avoir pris goût à la chose politique et il est possible qu’elle joue un rôle dans les années qui viennent. Néanmoins, selon un sondage, 89% des Russes ont une mauvaise opinion d’elle, notamment car elle a une image très urbaine, très éloignée des préoccupations des gens. Quant à Pavel Groudinine, sa candidature était davantage un « one shot », il est probable qu’il soit moins présent dans les années à venir.
A quoi pourrait ressembler un quatrième mandat présidentiel de Vladimir Poutine ?
Les trois premiers mandats du président russe ont été très différents. Le premier et le début du deuxième ont été assez libéraux d’un point de vue économique alors que le troisième, a par exemple, été celui du repli sur soi, du protectionnisme et de la confrontation avec l’Occident sur l’Ukraine et la Syrie. A écouter Vladimir Poutine le 1er mars, lors de l’un de ses rares discours de campagne, on peut penser qu’il va poursuivre dans cette voie dure sur le plan international, avec une confrontation durable avec les États-Unis. Il est aussi envisageable qu’il veuille sortir de l’impasse avec l’Europe continentale même si ces relations sont aujourd’hui au plus bas après l’affaire de l’ex-espion russe empoisonné à Londres.
A l’inverse, la première partie de ce discours du 1er mars, rappelait le Poutine réformateur de ses premiers mandats. Une inclination libérale de sa politique est donc tout à fait envisageable. Poutine veut retrouver des taux de croissance de 3 à 4% contre 1,5% aujourd’hui. Il pourrait ainsi moderniser l’économie russe en luttant contre le décrochage technologique qu’il dénonce dans ses discours.
Qui va-t-il choisir comme Premier ministre ?
Il n’est pas certain que Dimitri Medvedev s’en aille. C’est en tout cas ce que l’on entend depuis quelque temps à Moscou. Le remplacer signifierait lui trouver une place conforme à son rang et ce n’est pas si simple. De plus, des réformes difficiles, comme le relèvement de l’âge de départ en retraite, pourraient être engagées dans les prochains mois. Il n’est donc pas dit que Poutine prenne le risque de « griller » un nouveau Premier ministre avec un tel calendrier. Un maintien de Medvedev assorti d’un vaste remaniement gouvernemental est donc envisageable. En revanche, si Poutine choisit de remplacer Medvedev, son successeur pourrait être une femme. La présidente de la banque centrale russe, Elvira Nabiullina, celle de la Cour des Comptes, Tatiana Golikova ou encore la présidente du Sénat Valentina Matvienko, même si celle-ci est plus âgée que Poutine, sont des candidates crédibles. La nomination d’un Premier ministre sorti de nulle part comme cela avait été le cas en 2004 et 2007 n’est pas non plus à exclure.
Quand est-ce que va se poser la question de trouver un successeur à Poutine ?
En 2020-2021 lorsque se tiendront les prochaines élections législatives. Je ne crois pas à l’hypothèse d’une présidence à vie. Si Poutine avait voulu le faire, il l’aurait déjà fait. En revanche, il va chercher à maîtriser sa succession, c’est évident. Il est en tout cas top tôt aujourd’hui pour prédire quel sera ce successeur.