ANALYSES

Donald Trump, Teresa May, mêmes combats, mêmes handicaps…

Presse
19 mars 2018
La semaine passée, le président des États-Unis annonçait à la surprise générale – y compris celle de son entourage d’après la presse –, qu’il allait imposer des droits de douane de 25 % sur l’acier, et de 10 % sur l’aluminium.

En réalité, c’est moins une surprise qu’il n’y paraît. D’abord parce que de telles mesures faisaient partie du programme du candidat Trump avant les élections. Ensuite, et comme l’explique le flash de politique commerciale du service économique de l’ambassade de France à Washington, le département du Commerce américain avait remis un rapport à la Maison-Blanche, le 21 janvier, pointant les conséquences inquiétantes en matière de sécurité nationale des importations d’acier et d’aluminium. Les lobbys des deux secteurs s’étaient, en parallèle, activés pour demander au président américain de les « soulager immédiatement », chose qu’il a finalement faite la semaine passée.

À peu près au même moment, la Première ministre britannique prononçait un discours très attendu sur l’avenir des relations commerciales post-Brexit entre son pays et l’Union européenne. Elle y expliqua que son pays devait parvenir à négocier un accord commercial qui maintiendrait les liens les plus proches possible avec l’Europe. Dans ce contexte, la surprise vint plutôt des durs de son parti qui critiquèrent assez peu son discours, alors qu’ils défendent depuis des mois une position opposée sur ce sujet. Ils ont probablement été rassurés par ce discours qui exclue le maintien dans l’Union douanière, suggestion faite par le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn quelques jours plus tôt. Theresa May a également averti le peuple britannique que le Brexit, même bien négocié, aurait des conséquences inéluctables sur leur quotidien.

En effet, la restauration des frontières et des douanes va être, au moins à moyen terme, une catastrophe pour le commerce extérieur de ce pays. Toutes les économies, et particulièrement les économies européennes, sont, aujourd’hui, tellement intégrées qu’il est impossible de modifier le cours de l’histoire sans en payer un prix économique lourd… L’alternative annoncée d’aller négocier des accords de libre-échange avec le reste du monde se heurte, quant à elle, à la dure réalité de la règle d’origine , qui limitera le bénéfice de ces accords pour l’économie britannique. En effet, les entreprises britanniques ne peuvent justifier d’une part majeure de leur production domestique car leur chaîne de valeur est très intégrée à celles des autres entreprises en Europe…

La même raison va rendre très compliquée la mesure annoncée par Donald Trump. En effet, les entreprises américaines sont largement dépendantes de leurs importations de composants et autres équipements. Deux millions d’emplois aux États-Unis se trouveraient dans les secteurs les plus dépendants aux importations d’acier dans l’automobile, l’électroménager, le matériel agricole ou les équipements pétroliers. Le Center for Biological Diversity s’en est d’ailleurs inquiété, qualifiant ces mesures d’imprudentes en faisant référence aux difficultés qu’elles allaient causer dans l’industrie américaine des panneaux solaires. Elles risquent aussi de décourager les investisseurs étrangers. Tim Scott, le sénateur de Caroline du Sud, a cité l’exemple de l’entreprise Samsung qui projetait de s’installer dans son État. Il est utile de rappeler que la valeur ajoutée de cette économie vient d’abord et avant tout de technologies avancées et des services, pas de la « vieille économie », celle de l’industrie dure (sidérurgie, métallurgie, etc.). Ensuite, ce n’est pas tant la concurrence étrangère qui a détruit des emplois dans cette industrie mais la mécanisation. En freiner les importations pénalisera les secteurs qui en sont dépendants sans pour autant créer des emplois dans les secteurs qui en profitent.

On ne peut qu’espérer que ces annonces feront long feu comme en son temps, celles des taxes sur l’acier qu’avait souhaité imposer George W. Bush quelques mois après son entrée en fonction en 2001. Pour autant, la virulence de Donald Trump a de quoi inquiéter. Si les menaces de guerre commerciale, ou à l’encontre des constructeurs automobiles européens, peuvent peut-être rassurer son électorat traditionaliste et conservateur, elles n’en sont pas moins inquiétantes. Une guerre commerciale est un engrenage dont il est difficile de sortir. Néanmoins, le discours est populiste, et comme tout discours populiste, il finit toujours par se confronter à la dure réalité. Aussi, de ce point de vue, Theresa May a juste quelques mois d’avance sur Donald Trump. Espérons que les autres différences entre elle et le président américain ne soient pas la raison et la modération…
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