ANALYSES

L’enjeu de la visite de Theresa May à Pékin

Presse
8 février 2018
Un mois après Emmanuel Macron, c’est au tour du Premier ministre britannique, Theresa May, d’effectuer une visite officielle en Chine à partir du 7 février. Il s’agit du premier déplacement en Chine de Madame May depuis son arrivée au pouvoir en 2016, et surtout de la première visite à Pékin d’un Premier ministre britannique depuis le Brexit. C’est pourquoi il s’agit d’une visite de la plus haute importance, en ce qu’elle est déterminante pour l’avenir de la relation entre Londres et Pékin, que le Brexit a rendue floue, mais aussi pour la capacité du Royaume-Uni à rebondir et à se tourner vers de nouveaux partenaires économiques et commerciaux, dans un contexte marqué par une confiance en berne. Qu’attendre cependant de cette visite pour les deux pays ?

Le Royaume-Uni à la recherche de solutions

Les difficiles négociations du Brexit et l’inconnu dans lequel semble s’engager le Royaume-Uni poussent les autorités britanniques à chercher de nouveaux partenaires afin de compenser la baisse programmée des échanges avec les pays de l’Union européenne. Les manœuvres en direction de Washington, engagées par Theresa May dès l’élection de Donald Trump, se heurtent à la politique protectionniste des Etats-Unis autant qu’à la méfiance que le président américain inspire à de nombreux britanniques. En conséquence, et en marge des négociations sur le Brexit dans lesquelles Londres souhaite plus que tout conserver des relations économiques et commerciales étroites avec les pays européens – comme la rencontre récente entre Theresa May et Emmanuel Macron à Londres l’a illustré – les Britanniques cherchent d’autres partenaires. La Chine figure tout naturellement en bonne place, et l’initiative de la ceinture et de la route (BRI), dans laquelle souhaite fermement s’engager Londres – qui est l’un des membres fondateurs de la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures – est considérée comme une opportunité à ne pas laisser filer. Il est d’ailleurs question lors de ce déplacement de présenter des initiatives bilatérales afin de renforcer la participation du Royaume-Uni à la BRI, un peu à la manière de ce que la visite d’Emmanuel Macron en Chine a, sur ce point, apporté.

Londres intéresse-t-elle toujours Pékin ?

Si les demandes d’un partenariat économique et commercial plus soutenu, avec en toile de fond des investissements et des exportations vers la Chine, sont au menu des doléances britanniques, la Chine est-elle toujours intéressée par le Royaume-Uni ? Ce pays fut longtemps considéré par Pékin comme la porte d’entrée de l’Union européenne, et en conséquence était la première destination des investissements directs chinois. Mais l’Allemagne s’est imposée au cours de la dernière décennie comme le pays le plus attractif économiquement pour Pékin, et le Brexit a isolé le Royaume-Uni au détriment d’autres partenaires européens jugés plus fiables, comme la France. Dès lors, l’intérêt que la Chine porte sur le Royaume-Uni peut concerner la progression des échanges commerciaux, mais la dimension essentielle pour Pékin, qui montre un intérêt très fort pour l’Union européenne, n’est plus dans le décor. C’est donc une dirigeante non seulement diminuée sur la scène européenne mais également moins « attractive » sur la scène internationale qui se présente à Pékin, même si le Royaume-Uni reste l’une des principales économies mondiales.

Un rapport de force déséquilibré

La réalité est que le rapport de force entre le Royaume-Uni et la Chine n’a jamais été aussi déséquilibré depuis des décennies. Le temps de la rétrocession de Hong Kong, validée lors de la rencontre entre Margaret Thatcher et Deng Xiaoping, semble bien loin. Le caractère asymétrique de la relation Londres-Pékin est d’autant plus prononcé que la Chine se montre très inquiète de l’avenir du Royaume-Uni après le Brexit, et privilégie la relation avec les membres de l’UE. En clair, s’il est fort probable que la relation économique et commerciale entre Londres et Pékin progresse au cours des prochaines années, celle-ci ne se fera pas sur la base d’une relation d’égal à égal, mais en tenant compte de ce déséquilibre. Un retour de l’histoire.
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