Le nouvel accord trans-Pacifique et son impact sur Pékin et Washington
Le 23 janvier, un an jour pour jour après l’annonce par Donald Trump du retrait des Etats-Unis du Partenariat trans-Pacifique (TPP), héritage de l’administration Obama, les onze autres Etats signataires annoncèrent la naissance du CPTPP, pour Comprehensive and Progressive Trans-Pacific Partnership, dont le texte devrait être paraphé le 8 mars au Chili. Les onze pays avaient déjà annoncé, lors du sommet de l’APEC de Da Nang en novembre 2017, leur volonté de maintenir un accord en dépit du retrait américain, et ce sont surtout la Nouvelle-Zélande et le Japon qui prirent l’initiative afin de rebondir après la décision de Donald Trump. Il ne s’agit donc pas d’une surprise. Cependant, la mise en place de ce nouveau partenariat est un message adressé à la fois à Washington et à Pékin, en plus d’être symptomatique de la volonté de multiplier les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux pour résister à une concurrence difficile.
Le CPTPP, mode d’emploi
Le CPTPP est, à l’exception de quelques points modifiés dans le texte, une version très proche du TPP, mais moins ambitieuse puisqu’il ne compte pas les Etats-Unis parmi ses membres. On compte parmi les signataires quatre Etats américains (Canada, Mexique, Pérou et Chili), la Nouvelle-Zélande et l’Australie, quatre Etats membres de l’Asean (Brunei, Malaisie, Singapour et Vietnam), et le Japon. Tous étaient membres du TPP, et avaient manifesté une grande inquiétude consécutivement au retrait américain. Le Japon, troisième puissance économique mondiale et deuxième puissance asiatique derrière la Chine, voyait dans la volte-face américaine un risque de repli, là où le TPP était perçu comme une opportunité d’opposer un « front » face à la puissance économique et commerciale chinoise en Asie. Le Vietnam partageait ce sentiment, de même que des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, résolus à accroître leurs échanges avec les pays asiatiques, mais soucieux dans le même temps de ne pas être trop dépendants des relations avec Pékin. Si le CPTPP est une version amoindrie du TPP, il n’en demeure pas moins important, avec la présence de deux membres du G8 (Japon et Canada) et d’économies émergentes importantes, au point de s’imposer comme l’un des principaux accords commerciaux multilatéraux au monde.
Un échec pour Washington
L’annonce de la signature du CPTPP est clairement un échec pour Washington, qui couronne une année difficile, l’administration Trump n’étant pas parvenue à se positionner comme un interlocuteur crédible auprès de ses alliés asiatiques. En juillet 2017, l’annonce de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon, principal allié de Washington en Asie, sonnait comme un désaveu pour les Etats-Unis, tout en indiquant la volonté de Tokyo de ne pas se retrouver isolé après l’abandon du TPP. Notons enfin que l’adhésion du Canada et du Mexique au CPTPP est un échec supplémentaire pour les Etats-Unis. Ces deux pays, membres de l’ALENA, s’inquiètent du protectionnisme commercial de l’administration Trump, et voient dans cet accord trans-Pacifique un moyen d’ouvrir de nouveaux marchés. La démarche du Canada, tout particulièrement, semble s’inscrire en ce sens, le cabinet de Justin Trudeau montrant un intérêt grandissant pour les questions asiatiques et les promesses d’échanges qui y sont associées. La réaction maladroite de Washington, stipulant que le nouveau traité était mieux adapté aux intérêts américains et que l’hypothèse de le rejoindre n’était pas à exclure, ne fait que renforcer l’impression d’improvisation qui se dégage de l’administration Trump, et l’incapacité à définir une politique asiatique claire. Plus que jamais, l’avenir de l’Asie semble s’écrire sans les Etats-Unis.
Un défi pour Pékin
Le retrait du TPP en janvier 2017 avait été perçu comme une opportunité pour la Chine, qui pouvait occuper le terrain laissé vacant par les Etats-Unis, et imposer ses propres standards en matière de libre-échange aux pays laissés orphelins du TPP. Xi Jinping avait d’ailleurs profité de sa présence à Davos, quelques jours seulement après le décret de Donald Trump enterrant le TPP, pour se présenter comme le champion du libre-échange, et prendre ainsi à contre-courant la décision américaine. De fait, si les efforts de Washington sous l’administration Obama visant à composer un espace stratégique et commercial en Asie dans lequel les Etats-Unis auraient une place prépondérante avaient été accueillis avec inquiétude à Pékin, le retrait du TPP, sans aucune négociation pour garder la main sur un accord, était une victoire pour la Chine. Et dans la continuité du forum de Davos, Pékin a multiplié les efforts en vue de proposer de nouveaux accords avec les pays membres du défunt TPP. Aussi la création du CPTPP doit être perçue comme la volonté des Etats signataires de garder une distance avec la Chine, cette distance n’excluant évidemment pas le renforcement d’accords bilatéraux dans le même temps.
Le défi pour la Chine consiste désormais à accroître les échanges avec les membres du CPTPP, et ainsi en faire des partenaires plus que des rivaux commerciaux. La reprise du dialogue avec le Japon, l’amélioration des relations avec des pays de l’Asean et, en toile de fond, la force grandissante des investissements chinois, sont autant de signes confirmant l’idée selon laquelle il s’agit là d’une question prise au sérieux à Pékin. L’avenir des échanges économiques et commerciaux en Asie orientale et, par extension, dans l’océan Pacifique, y est associé.