12.12.2024
Pour promouvoir l’égalité femmes-hommes, le sport doit s’appuyer sur la recherche
Presse
14 décembre 2017
De nombreuses lois garantissent en principe l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, elles et ils ne participent pas de la même manière à la société, que l’on parle des sphères politiques, professionnelles, associatives ou intimes : elles et ils ne sont pas à parité dans les organes de représentation, ne travaillent pas dans les mêmes secteurs, accèdent très inégalement aux postes à responsabilité.
Les écarts dans les parcours ne peuvent être la simple résultante de préférences individuelles déterminant les choix de carrière, de métiers et de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Ils témoignent aussi d’un clivage historiquement construit entre sphère privée (du côté des femmes) et sphère publique (du côté des hommes), et d’une prise en compte implicitement hiérarchique des femmes et des hommes, fondée sur la différence sexuelle.
ARTICULER LES ENJEUX DE REDISTRIBUTION ET DE RECONNAISSANCE
Ces différences se mettent en place dès la jeunesse et posent plusieurs problèmes de justice sociale, mais qui ne se limitent pas à la justice redistributive. Les rapports sociaux entre les femmes et les hommes n’épuisent pas les inégalités socio-économiques et inversement, les discriminations qui découlent des stéréotypes de genre ne s’y résument pas. C’est, en effet, un enjeu de redistribution mais aussi de reconnaissance, pour paraphraser la philosophe américaine Nancy Fraser, qui doit être formulé. La reconnaissance doit se comprendre comme un statut, les injustices symboliques et culturelles se juxtaposant aux inégalités socio-économiques.
Si, à moyen terme, femmes et hommes gagnent à vivre dans une société plus égalitaire, ces progrès-là sont lents, parfois à l’échelle d’une génération. Dès lors, se pose le problème de leur évaluation, en termes de pilotage de politiques publiques.
Or, comme l’a montré Éric Fassin, les inégalités entre les femmes et hommes, en France, ne sont acceptées que depuis peu comme catégorie politique. C’est en grande partie parce que certains questionnements, bien connus dans les études de genre, ont fait irruption dans l’arène médiatique et dans le champ politique. Grâce à la recherche, on sait que les politiques publiques (ou privées) qui se veulent universelles, neutres au genre, sont en réalité genrée puisqu’elles ont comme point aveugle certaines inégalités et discriminations.
Comment le politique peut-il traiter cet écart entre aspiration à l’universalisme et politique de reconnaissance ? Les acteurs privés ont-il, et si oui, lequel, un rôle à jouer ? Comment passer des normes implicites aux normes explicites pour faire évoluer la société vers davantage d’égalité ? Sur quels outils s’appuyer, de quels exemples s’inspirer pour renforcer la prise de conscience et ouvrir le champ des possibles, pour tou.te.s, dès la jeunesse ? Car il importe de défendre des actions permettant d’atteindre une mixité plus réelle et d’assurer une approche systémique jouant sur plusieurs leviers complémentaires.
FAIRE DU SPORT UN SECTEUR EN POINTE SUR LA RENCONTRE ENTRE CHERCHEUR.SE.S ET DÉCIDEUR.E.S
Le champ sportif, que l’on parle des pratiques – compétitives ou non -, de la gouvernance, de la médiatisation, des différents métiers liés au sport (actuels ou de demain), a tout à gagner à miser sur la recherche pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. La science demeure trop peu valorisée comme outil d’aide à la décision publique et privée. Or la société aspire à l’élévation du niveau des connaissances. Pourquoi le sport se tiendrait-il à l’écart ?
Le monde du travail ne pourra bientôt plus se passer de la Recherche et Développement, quels que soient les niveaux de qualification. En effet, l’évolution très rapide des métiers nécessite de mettre en place des processus de formation tout au long de la vie qui auront besoin de l’expertise interdisciplinaire, prospective et laissant une grande place à l’évaluation.
Cette hybridité entre la recherche et la décision reste largement à construire dans notre pays mais pourquoi ne pas faire du sport, omniprésent dans la vie quotidienne des citoyens comme des plus jeunes, un secteur à la pointe sur ces enjeux ? Les questionnements sur le genre, qui traversent les sciences humaines et sociales, la médecine, les sciences de l’information, y ont toute leur place pour, dans un premier temps, visibiliser, nommer et déconstruire les problèmes en évitant le piège des stigmatisations, puis dans un second temps, tenter d’y remédier.
Il s’agit en particulier de lutter contre la sédentarité et l’inactivité physique, plus fortes chez les femmes que chez les hommes, d’aménager un espace public dé-genré et accueillant pour tou.te.s, d’asseoir définitivement la légitimité des sportives dans les médias, de combattre le plafond de verre dans les organisations sportives et les entreprises. La France et l’Europe sont riches de dispositifs vertueux mais qui sont rarement évalués et souvent mal connus, peu diffusés.
Faire se rencontrer et dialoguer chercheur.se.s, enseignant.e.s, éducateurs et éducatrices, dirigeant.e.s, managers et institutions n’est pas une gageure. Cela s’avère au contraire plus que jamais indispensable pour que cohésion sociale, émancipation et développement professionnel puissent aller de pair. Cela participe tout simplement de la promesse démocratique.