18.11.2024
Ces violentes attaques venues de Chine sur le modèle de la démocratie occidentale
Presse
19 octobre 2017
Dans le monde chinois, et pas seulement en Chine populaire, le refus critique du modèle offert par les démocraties occidentales n’est pas nouveau. Qu’il soit empereur ou chef du Parti communiste, le dirigeant chinois tire depuis toujours sa légitimité non pas d’un choix du peuple mais du fait qu’il lui garantit le nécessaire sur le plan matériel, la solidarité entre les sujets et la justice. En échange, le peuple accepte de ne pas contester son pouvoir. Toutefois, le « Mandat du Ciel » n’est accordé qu’au souverain vertueux.
Si celui-ci se révèle corrompu ou incapable de protéger ses sujets (y compris contre une administration corrompue), il perd la protection du Ciel et il est alors légitime, pour le peuple, de le renverser et de mettre en place une nouvelle dynastie. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, l’arrivée au pouvoir de Mao n’a pas vraiment changé les choses. Il est donc évident que les modèles démocratiques occidentaux que certains veulent imposer au monde entier, parfois de force et toujours avec arrogance, ne sont pas acceptables. Leur critique, déjà maintes fois entendue dans le passé, n’est qu’une manière de rappeler, autant aux commentateurs étrangers ignorants des réalités chinoises qu’aux Chinois eux même, la volonté de pérenniser un modèle politique multi séculaire.
L’agence Xinhua indique que « La médisance politique sans fin, les querelles et les renversements de politique qui font les marques de la démocratie libérale ont retardé le progrès économique et social et ignoré les intérêts de la plupart des citoyens. ». Quelles sont les forces d’opposition chinoises, en faveur de « plus de démocratie ». Les occidentaux ont ils eu tendance à surestimer ces forces ?
Dans le concept de pouvoir autocratique assez largement accepté par les Chinois, il est évident que le fonctionnement des démocraties occidentales ne peut qu’être critiqué. Les dirigeants de l’Empire du Milieu travaillent -ou essaient de travailler- sur le temps long. Cela implique de suivre une ligne et d’éviter tout ce qui pourrait faire dévier de cette ligne. Les alternances et les remises en cause perpétuelles sont inacceptables. L’interdiction de la critique est donc une base et peut conduire à mater avec brutalité tout ce qui pourrait remettre en cause l’ordre établi. Ceci est d’autant plus vrai que tout mouvement de contestation populaire est perçu par l’autorité comme une faille potentielle dans sa légitimité et un obstacle au progrès dans tous les domaines. « SI l’Empire se prend à cheval, il ne se gouverne pas à cheval. Il se prend par la force, mais se conserve par l’adhésion des sujets et l’autorité du prestige ».
Il existe quand même, bien entendu, des forces de contestation. Traditionnellement et tant que le pouvoir central fonctionnait « correctement », cette contestation se limitait à des pétitions de lettrés ou à des « grognes » populaires locales vite réprimées. Mao y a ajouté quelques grandes opérations destinées à tuer dans l’œuf des contestations potentielles. Mais ce qui était gérable dans un monde préservé des influences extérieures ne l’est plus au XXI° siècle. Les Chinois voyagent et sont en contact avec le monde extérieur, malgré une censure qui demeure parfois féroce.
De plus en plus d’entre eux sont tentés par les modèles politiques occidentaux et souhaiteraient qu’il s’applique chez eux. C’est évidemment inacceptable pour les dirigeants appartenant à la « dynastie » fondée par Mao. De temps en temps, un contestataire arrive à se faire entendre en Occident, parfois jusqu’à être reconnu par un prix Nobel. Mais il n’est pas certain que l’influence de ces opposants soit aussi grand à l’intérieur du pays qu’on se l’imagine dans les cercles « droit-de-l’hommistes » de nos pays. Pour cause d’intérêts marchands et de sinophilie, on constate d’ailleurs que les soutiens occidentaux aux contestataires demeurent excessivement limités.
Quelles sont les failles existantes dans le système mis en place ?
Le système mis en place, basé sur un autocrate s’appuyant sur une lourde hiérarchie pyramidale a relativement bien fonctionné depuis des siècles. Toutefois, toutes les dynasties, après des périodes plus ou moins longues, ont fini dans le chaos et/ou ont été remplacées par des dynasties de colonisateurs.
Le système, tel qu’il fonctionne depuis 1949, est basé sur trois piliers : Etat, Parti et Armée, le Parti étant supposé être au-dessus des deux autres. Ceci est relativement facile à gérer quand un seul homme est porteur des trois couronnes. C’est actuellement le cas de Xi Jinping. Toutefois, chacun des piliers a sa hiérarchie et sa gouvernance propre, et les intérêts sont de plus en plus divergents. Cela a conduit Xi à mener, pendant les cinq premières années de son mandat, de nombreuses purges. Celles-ci ont été justifiées par la lutte contre la corruption, sujet qui recueille depuis des siècles l’adhésion populaire. Il semble qu’il ait à peu près réussi à mettre en place presque partout des hommes qui acceptent de revenir au schéma traditionnel. On saura s’il a vraiment réussi s’il n’y a plus, après le Congrès, de nouvelles campagnes anticorruption visant des dirigeants de haut niveau.
Mais le système, parce que la population est de plus en plus en contact avec le monde extérieur et que le niveau de vie s’élève et fait découvrir de nouvelles aspirations, est exposé à de nouvelles menaces. Le libéralisme effréné qui est de règle dans une partie de la société est aussi un facteur de remise en cause des solidarités, en particulier entre les provinces. De plus, les dirigeants pékinois ont bien d’autres défis à relever : démographie, économie, pollution…. Le Mandat du Ciel pourrait s’en trouver remis en cause.