De par ses fonctions, Franck Galland, directeur de la Sûreté de Suez environnement, est supposé avoir un tropisme pour défendre la stratégie d’entreprise et les conceptions de son employeur. Pourtant, une fois la lecture de l’ouvrage achevée, on peut exprimer une satisfaction, celle de ne pas avoir été plongé dans un plaidoyer pro domo.
Ainsi le livre ne s’inscrit en rien dans une démarche idéologique. À travers les pages, l’auteur trouve, au contraire, l’occasion de démontrer deux faits majeurs : d’une part, qu’aujourd’hui certaines régions continuent à endurer des problèmes hydrauliques graves causant de fortes tensions et rendant l’avenir de la planète incertain ; et, d’autre part, que les solutions à ce problème existent bel et bien pour peu que l’on se donne les moyens financiers de les résoudre. Une manière pour l’auteur de sous-entendre la valeur ajoutée dont dispose Suez environnement en la matière ? Rien n’empêche de penser que oui, bien évidemment.
Il n’en reste pas moins qu’un avantage de cet ouvrage – et qui n’est pas des moindres – est celui de nous proposer une série d’études de cas sur les plus intéressantes situations hydrauliques mondiales. Contraintes politiques conjoncturelles (Israël et la plupart de ses voisins frontaliers, la Turquie et ses voisins situés en aval) et déficiences à l’état naturel (Arabie Saoudite, Irak, Israël, Australie) sont ainsi abordées, sans pour autant que les solutions potentielles s’offrant aux différents pays ne soient négligées. Ainsi en va-t-il de l’intéressant exemple de Singapour, pays pauvre en eau, qui ne met pas moins en place une politique hydraulique censée lui permettre de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Malaisie.
Par ailleurs, les solutions proposées par Franck Galland, qu’elles soient appliquées ou qu’elles soient matériellement réalisables, ont l’avantage de reposer sur une analyse géopolitique des pays traités. Encore que l’on puisse remarquer que les solutions techniques sont surtout envisagées, sans qu’elles soient nécessairement accompagnées de préconisations de type politique.
Mais il demeure des faits et approches regrettables dans le présent ouvrage, le fait par exemple que F. Galland consacre le quart de son ouvrage au seul cas de la Chine, comme s’il voulait prouver sa maîtrise de la situation hydraulique dans ce pays en particulier, soit de la profondeur des enjeux y prévalant. Et ce d’autant plus qu’il est étonnant de constater que le cas des barrages chinois, très furtivement abordé par l’auteur, n’a pas été analysé à la lumière des ravages écologiques qui en découlent. Surprenant aussi le fait que F. Galland en vienne parfois à faire l’impasse sur certains éléments politiques conjoncturels pourtant élémentaires. Ainsi en va-t-il du cas d’Israël, dont l’auteur occulte la question de l’occupation des Territoires palestiniens, tout en validant leur « droit » au pompage des nappes phréatiques de Cisjordanie, allant même jusqu’à regretter que celles-ci ne permettent pas pour autant à l’État hébreu de répondre à l’ensemble de ses besoins. Enfin, on peut regretter que l’approche des enjeux hydrauliques soit dominée par des éléments et appréciations relevant plus directement de l’écologique, reléguant au second plan les enjeux plus strictement géopolitiques. Bien entendu, l’un et l’autre demeurent liés. Mais faut-il pour autant toujours s’y rapporter ?
En dépit de ces remarques, l’ouvrage de F. Galland reste extrêmement utile. Outre l’intérêt des études de cas hydrauliques, il apporte aussi un plus en termes de clarification de certains des principaux enjeux hydrauliques à l’échelle de la planète. Il n’est qu’à souhaiter que l’expérience qu’il a acquise au sein de Suez environnement le poussera à réitérer l’essai, se penchant sur des situations hydrauliques moins fréquemment abordées, mais non moins intéressantes.