19.11.2024
Rencontre Macron-Poutine : un « reset » de la relation diplomatique franco-russe ?
Interview
31 mai 2017
Incontestablement, cette rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine marque un reset qui remet le jeu à zéro entre les deux pays. En effet, depuis un peu plus d’un an, les diplomaties française et russe ne se parlaient plus ou seulement pour ne rien dire. Cela pouvait s’expliquer par la perspective des élections, les Russes ayant toujours tendance à vouloir attendre le prochain président pour parler. Cela s’expliquait aussi par les accusations portées concernant le bombardement d’Alep, ainsi que la référence à la Cour pénale internationale.
Cette visite de Vladimir Poutine est un très beau coup diplomatique pour Emmanuel Macron. Elle intervient dans un contexte particulièrement favorable dans la mesure où les Russes constatent qu’ils ne peuvent plus se fonder sur Donald Trump pour faire bouger les choses ; que leur relation avec Angela Merkel est mauvaise ; et que les relations entre Berlin et Washington se sont elles-mêmes détériorées.
Dès lors, la France, sa diplomatie et son président apparaissent pour Moscou comme un pôle autour duquel on peut bâtir quelque chose. Il faut attendre de voir ce que cela va donner mais ce qui est sûr, c’est que ce reset entre la France et la Russie était nécessaire et qu’à partir de maintenant, beaucoup de possibilités s’ouvrent.
La lutte contre le terrorisme constitue-t-elle la pierre angulaire d’une coopération entre Moscou et Paris ? La « ligne rouge » évoquée par Macron à propos de la Syrie sera-t-elle partagée par Poutine ?
Le terrorisme est un problème vital pour la France et la Russie. Cet enjeu représente aussi la base à partir de laquelle on peut bâtir quelque chose car sur l’Ukraine, tout le monde sait que les négociations vont être difficiles ; tandis que sur la Syrie, les approches restent encore très différentes. La lutte contre le terrorisme représente donc le point de rencontre et figure dans l’ordre du jour comme le point positif sur lequel Paris et Moscou peuvent dès à présent commencer à travailler.
À ce sujet, la France avait déjà raté quelques occasions dans le passé puisque François Hollande avait déclaré qu’il fallait se concerter avec la Russie, sans que cela n’aboutisse. Jusqu’à présent, la « déconfliction » – mesures pour faire en sorte que les avions français allant bombarder Daech ne soient pas interceptés par des avions ou fusées russes ou d’autres pays – par la France se faisait indirectement via les États-Unis, qui présentent, eux, un vrai processus de déconfliction avec Moscou. Dans la lutte contre le terrorisme, la France n’a donc pas su utiliser cette fonction pour se rapprocher des Russes.
La ligne rouge a été concertée au sein du G7 et sans doute de l’OTAN. Elle symbolise une approche punitive consistant à dire qu’il est inhumain d’utiliser les armes chimiques et donc qu’il faut y réagir. Ce rappel de Macron est une référence, voire une critique, implicite envers François Hollande qui avait annoncé qu’il ne laisserait pas passer sans réagir des bombardements chimiques, alors que finalement il n’a rien fait à partir du moment où les États-Unis ont décidé de ne pas réagir. Emmanuel Macron, au contraire, affirme que la France réagira, y compris toute seule. Il est plutôt symbolique, à la fois dans l’annonce et dans la réaction, de dire que Paris ne dépendra pas des autres pays pour réagir.
Comment se profile l’évolution du dossier ukrainien ? Macron peut-il apporter une désescalade des tensions ?
Cela fait maintenant plus d’un an que plus rien ne bouge sur le dossier ukrainien. Beaucoup de raisons peuvent l’expliquer. La première est l’inversion des termes des accords de Minsk par les Ukrainiens, qui subordonnent les mesures politiques qu’ils doivent prendre à des mesures de sécurité – celles-ci figurent certes dans les accords de Minsk mais seulement dans les derniers points de la séquence temporelle prévue.
Deuxièmement, les Russes n’ont absolument pas eu l’intention de faire le moindre effort en attendant l’arrivée des nouveaux pouvoirs aux États-Unis et en France. Moscou a notamment fait peu d’efforts en ce qui concerne les propositions allemandes et françaises de créer une feuille de route mettant ensemble les concessions à faire par les Ukrainiens et par le Donbass, en jouant sur des simultanéités partielles pour essayer de faire avancer le dossier. Maintenant, les relations russo-américaines sont sujettes à beaucoup d’interrogations.
Le format Normandie et les accords de Minsk deviennent donc le seul point d’ancrage pour une solution éventuelle au problème de l’Ukraine. L’Europe, et la France en particulier, retrouvent leur rôle, ce qui est plutôt positif pour l’avenir.