12.11.2024
L’Irak, «pire erreur de politique étrangère» d’Hillary Clinton ?
Tribune
18 avril 2016
Le soutien du parti de l’âne avait été moins important à la Chambre des représentants, avec 82 élus démocrates soutenant la guerre, contre 126 qui y étaient opposés, et une abstention. Bernie Sanders était alors le seul représentant indépendant, de l’Etat du Vermont, et avait voté contre la résolution autorisant le recours à la guerre contre l’Irak. En clair, on retrouve quatorze ans plus tard les principales personnalités du parti démocrate, à l’exception de Barack Obama qui n’était pas alors membre du Congrès. Et Sanders est le seul qui avait dès 2002 fortement critiqué cette guerre. Dans les deux chambres, la quasi-totalité des élus républicains avaient soutenu l’initiative de l’administration Bush.
L’attaque est ainsi d’autant bien choisie par Sanders qu’il n’a jamais changé sa position sur ce conflit, dont le résultat treize ans après l’offensive est plus que discutable et est souvent considéré comme un fiasco. Il n’en était pas de même à l’époque. Si de nombreuses voix s’élevaient hors des Etats-Unis pour mettre en garde contre une guerre à la fois illégitime, illégale, et surtout dangereuse (notamment en France et en Allemagne), la grande majorité des responsables politiques et des experts américains estimaient que cette guerre serait facile, à défaut d’être totalement justifiée. Inutile de rappeler ici dans quelle mesure ce soutien a depuis très fortement faibli, et certains doivent aujourd’hui rire jaune en découvrant les positions qu’ils défendaient alors.
De fait, s’agit-il comme le clame Sanders de la « pire erreur » des Etats-Unis en matière de politique étrangère ? Peut-être pas si on la compare avec d’autres épisodes assez peu glorieux, notamment la Baie des cochons ou la guerre du Vietnam. Mais depuis la fin de la Guerre froide, la guerre en Irak apparait sans doute comme le plus mauvais choix stratégique adopté par une administration américaine.
Au-delà du regard qu’on porte sur cette guerre, c’est l’angle d’attaque de Sanders qui est tout à fait intéressant dans cet échange houleux, à quelques jours d’une élection dans l’Etat de New York qui aura un impact considérable d’ici la fin des primaires. En effet cet Etat est non seulement le deuxième plus important en termes de délégués, après la Californie, mais aussi un lieu hautement symbolique compte tenu du fait que les attentats du 11 septembre 2001 furent le point de départ d’une politique étrangère hasardeuse et coupable de choix mauvais, sinon les « pires ». Madame Clinton avait-elle alors mal jugé les conséquences de cette guerre ? Comme Biden, comme Kerry, tous deux pourtant aguerris en matière de politique étrangère, ce qui au passage n’était pas alors le cas de l’ancienne First Lady, qui ne deviendra Secrétaire d’Etat que six ans plus tard. S’agissait-il d’un vote politique, pour ne pas s’exposer aux foudres de ses adversaires, et ainsi ne pas se mettre en difficulté en vue d’une candidature à la fonction suprême déjà rêvée ? Ou s’agissait-il d’un manque de personnalité, voire de courage politique, là-aussi pour ne pas se mettre à dos des soutiens essentiels ? Dans tous les cas de figure, l’attaque de Sanders fait mouche parce qu’elle pointe du doigt à la fois les possibles incompétences des dirigeants (américains ou non d’ailleurs) dans un moment d’une rare importance, mais aussi le poids des manœuvres politiciennes qui l’emportent selon lui sur les convictions profondes des élus.
Ainsi, pour Sanders, l’Irak n’est pas uniquement la pire erreur de politique étrangère des Etats-Unis, mais aussi et surtout la pire erreur d’Hillary Clinton en tant que membre du Congrès (une fonction qu’elle occupa un mandat sénatorial, entre 2001 et 2007, avant de se lancer dans la campagne des primaires de 2008 qu’elle perdra face à Barack Obama). Voilà un coup bien placé dans l’argumentaire de la principale intéressée pour qui ses postes au Sénat et dans l’administration sont le gage de sa compétence (que ne remet pas en cause Sanders d’ailleurs) mais aussi de sa capacité de jugement face à des situations de crise, et qui n’est pas sans rappeler les sorties de Barack Obama, qui, déjà en 2008, se targuait de ne pas avoir soutenu la guerre en Irak.