20.12.2024
« Nous n’avons encore rien vu en matière de poussée migratoire »
Presse
1 février 2016
C’est effectivement la question que l’on peut se poser car Angela Merkel s’est trouvée confrontée à la contradiction entre l’urgence du droit d’asile qui veut que l’on accueille sans condition des réfugiés fuyant des massacres et la nécessité qu’il y a de devoir «gérer» un tel afflux de population qui pour une bonne part va rester en Allemagne. Or la différence culturelle avec la population d’accueil fait qu’une immigration d’une telle ampleur aurait dû pouvoir se prévoir et se gérer sur des années pour tenter d’éviter des réactions hostiles. Sa générosité personnelle, l’urgence et/ou sa préoccupation liée à la chute de la démographie allemande expliquent sans doute cet accueil massif qui n’a pas fini de poser problème.
Les événements de Cologne ne marquent-ils pas un choc des cultures ?
Il semble que les événements de Cologne soient plus le fait de migrants économiques provenant du Maghreb et de voyous insérés dans leurs rangs qui en ont profité pour dévaliser et agresser sexuellement des femmes dans la foule. Il y a certes derrière ce type de comportement un problème culturel mais aussi un problème d’insertion sociale de jeunes hommes probablement nouvellement arrivés. Mais il ne faut pas pour autant sous-estimer ces différences culturelles et de niveau d’éducation dans les processus d’intégration. Il est bien évident qu’intégrer des Italiens ou des Portugais catholiques a été infiniment plus facile qu’intégrer aujourd’hui des Afghans ou des Syriens dont tant la culture que la religion nous sont très étrangères.
Peut-on classer les degrés d’assimilation des nouveaux venus en fonction de leur pays d’origine ?
Cette question est très sensible et on se fait ici vite taxer de racisme. Mais elle a eté très sérieusement et honnêtement étudiée par un de mes amis britanniques, Paul Collier, qui est un économiste réputé professeur à Oxford. Il a publié un livre remarquable sur ce sujet hélas non traduit en français, sous le titre Exodus. S’appuyant lui-même sur de nombreux travaux sociologiques et modélisant le phénomène, il montre que plus les cultures des immigrés sont éloignées de la culture d’accueil, plus l’intégration est lente et plus se constituent des diasporas qui préservent la culture d’origine – voire une culture spécifique dérivée de la culture d’origine – et qui s’isolent ainsi de la population autochtone. Il montre également que ces diasporas, qui se singularisent en particulier par l’usage de la langue d’origine et l’endogamie, fonctionnent comme des aimants et attirent les immigrés des pays et cultures correspondantes. Ceci pose de nombreux problèmes car les diasporas liées à des cultures très éloignées de la culture d’accueil grossissent plus vite que les autres, leurs membres étant plus longs à s’intégrer et la force d’attraction de ces diasporas de culture éloignée tend ainsi à se renforcer. Collier tire de ses travaux des conclusions hétérodoxes, la principale étant que si l’on veut limiter les réactions xénophobes, il est souhaitable de stabiliser la taille des diasporas et pour ce faire de contrôler étroitement l’immigration provenant de cultures très éloignées de la nôtre sinon l’appel d’air devient ingérable.
Le titre de votre livre est Africanistan. N’a-t-on rien vu des poussées migratoires ?
J’ai voulu montrer que le développement de l’insécurité au Sahel a les mêmes causes économiques, démographiques et environnementales que celui qui a conduit au chaos l’Afghanistan et que si les pays occidentaux, et en particulier la France, commettent dans cette région les mêmes erreurs que celles commises par la communauté internationale en Afghanistan, alors oui nous n’avons encore rien vu en matière de poussée migratoire. Car nous n’avons aucunement été concernés par cette émigration afghane et syrienne, en dehors de la présence de 4 000 malheureux à Calais qui ne rêvent que de partir. Mais si le Sahel est déstabilisé par des djihadistes, nous serons aux premières loges pour accueillir par centaines de milliers des populations désespérées, peu éduquées, dont la culture nous est très étrangère et qui seront naturellement attirées par leurs diasporas respectives présentes en France. La population des quatre pays qui sont au cœur du Sahel francophone (Niger, Tchad, Mali et Burkina) représente 67 millions de personnes. Dans vingt ans, elle sera de l’ordre de 130 millions. Nous sommes loin des 23 millions que représente la population syrienne…
La France souffre de zones de non-droit et de communautarisme. Comment en est-on arrivé là ? Comment combattre ces maux ?
Je crois comme le sociologue Philippe d’Irribarne qu’il y a une tension entre ce qu’il appelle corps politique et corps social. Le corps politique, et c’est normal, ne veut pas différentier entre les différentes cultures et milite, on le comprend après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, pour un principe d’égalité des cultures. Mais le corps social résiste et malgré tous les efforts de l’école, des pouvoirs publics et des associations, il refuse les mœurs des immigrés provenant de cultures profondément différentes, en particulier si ces derniers s’isolent au sein de diasporas étanches. Je crains qu’il ne faille revenir ici au principe de réalité, accepter cet état de fait et passer comme a procédé le Canada a un système d’immigration choisie sur la base de critères clairs portant sur le niveau d’éducation, l’origine géographique, etc.
Le Danemark s’apprête à confisquer les biens des migrants…
Ce comportement m’horrifie. On vole littéralement de pauvres gens qui ont pratiquement tout perdu et qui transportent dans un balluchon ce qui leur reste. Mais au-delà de la pingrerie, il témoigne aussi de l’ampleur des réactions d’hostilité que peuvent provoquer des phénomènes migratoires. Il révèle la crainte de nos classes moyennes face à une immigration susceptible de provoquer leur déclassement. Tout ceci doit aussi nous rappeler que le multiculturalisme est une situation complexe et difficile à gérer et qu’une nation implique une communauté de valeurs et la volonté de vivre ensemble.